Black death
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« Plus rigoureux que moi, tu meurs ». Les futurs candidats de l’UMP à la présidentielle ont lancé le concours Lépine de la réduction de la dépense publique locale et du matraquage de fonctionnaires. Aperçu des propositions de dégraissage en vue.
Les trois prétendants à la présidentielle à l'UMP ont commencé à donner leur vision de la réduction des déficits publics à l'avenir. Attention, ça va faire mal.
Fillon supprime 600 000 fonctionnaires en 5 ans
C’est François Fillon qui a lancé les hostilités en début de semaine, dans une interview aux Echos. Dans une posture « plus rigoureux que moi, tu meurs », il a promis une diète drastique au secteur public. Il a proposé rien moins que la suppression de 600 000 postes de fonctionnaires, le tout en cinq ans. Il y ajoute le passage de 35 à 39 heures pour ceux qui restent, mais promet « d’offrir de meilleures perspectives salariales aux agents de la fonction publique ». L’autre volet de ses propositions concerne la réduction de quatre à deux échelons territoriaux par référendum : « J’ai toujours défendu la fusion des départements et des régions et celle des communes et intercommunalités. C’est l’un des sujets les plus difficiles à faire accepter, non pas parce que l’opinion publique y est défavorable, mais à cause du poids des élus locaux... C’est pour cela que j’ai proposé de longue date un référendum sur la fusion des collectivités et la réduction du nombre de parlementaires ».
Fillon veut encadrer les dépenses des collectivités, tout en réduisant les dotations de l'État.
Mais il veut aussi encadrer les dépenses des collectivités, tout en réduisant les dotations de l'État. Il promet que « quand l’État transfère une compétence, qu’il laisse les collectivités la gérer comme elles l’entendent », quoi que cela veuille dire. Doit-on s’attendre par exemple à ce que les collectivités fixent elles-mêmes les conditions d’attribution et le montant du RSA ? Qu’elles décident des normes de sécurité dans les établissements scolaires ?
Le retour du « travailler plus pour gagner plus »
Même dans son style inimitable, Nicolas Sarkozy a du mal à faire aussi matamore. Il propose quand même d'étendre aux collectivités la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (Le Monde rappelle utilement qu'il en parlait déjà en 2012, mais seulement pour les plus de 30 000 habitants). Interdire de recruter ? Bonjour la compatibilité avec la libre administration des collectivités ! Conscient que la chose est difficilement applicable techniquement et constitutionnellement aujourd’hui : il concède que « sans doute », il faudra modifier la Constitution pour y parvenir. On attend avec gourmandise la réaction du Sénat et des élus cumulards qu’il semble vouloir préserver.
Le contrat de 5 ans va-t-il remplacer le CDD de trois ans renouvelable ?
Comme les résultats du non-remplacement auront du mal à rivaliser dans la rigueur avec les 600 000 fonctionnaires en moins de François Fillon, Nicolas Sarkozy vise ailleurs. Il propose d’instaurer un contrat de cinq ans dans la fonction publique, qui mettrait fin au très symbolique « emploi à vie » des fonctionnaires. Reste que la création d’un contrat nouveau pose question : va-t-il remplacer le CDD de trois ans renouvelable : et le CDI ? Va-t-il être renouvelable ce contrat de 5 ans ? Soit il l'est et on ajoute encore à la précarité, soit l'agent sera titularisable à terme, ça ne fait quand même pas beaucoup de différence avec ce qu'il se passe aujourd'hui. Sauf peut-être, pour être fair-play, s'il veut dire qu'on supprime toute contrainte et qu'on propose ce nouveau contrat à tout le monde. Mais dans ce cas, on n'en a pas fini avec la précarité dans la Fonction publique… Enfin, pour faire jeu égal avec son ancien premier ministre, il propose quelques « mesures punitives », histoire de bien faire comprendre à ces fainéants de fonctionnaires qu’il va falloir enfin se mettre au travail : rétablissement du jour de carence « afin de lutter contre l'absentéisme dans nos administrations » et « augmentation du nombre d’heures travaillées ». Mais il faudra, concède-t-il dans un grand élan de générosité, « payer davantage les agents qui travailleront plus: moins de fonctionnaires, travaillant davantage et mieux rémunérés ».
Le député maire, défenseur des collectivités
Face à cette surenchère, les positions d’Alain Juppé semblent plutôt en demi-teinte. « Ce qui m’intéresse, c’est la méthode », dit celui qui affiche sa différence en jouant les sages qui veut des réformes « co-construites avec les Français ». Dans l’attente de la "grande interview" qui fixera les lignes de ses propositions, on sait qu’il veut poursuivre l’allongement de la durée de cotisation, sans donner d’âge cible. François Fillon veut la porter à 65 ans, Nicolas Sarkozy à 63.
Alain Juppé, en bon maire et président de CU, est décidément le plus modéré sur la dépense publique locale.
Lors d’une récente prestation devant la Fondation Concorde, il a eu l’occasion de préciser ses positions sur le sujet de la réduction de la dépense publique. Sur la question institutionnelle, il veut en revenir au conseiller territorial qui siège dans les deux conseils, régional et départemental. Il explique au passage sur la réforme actuelle que les multiples modes de répartitions de compétences métropoles/départements/interco en fonction des réalités territoriales sont illisibles et que la fusion des régions ne générera pas d’économies. Mais Alain Juppé, en bon maire et président de CU, est décidément le plus modéré sur la dépense publique locale. Ça n'étonnera pas grand monde, il est moyennement sévère avec les intercos, en considérant que la mutualisation des services est une source satisfaisante et suffisante d’économie, brandissant le coefficient de mutualisation comme une incitation efficace. Mais il ne veut pas « sacrifier l’échelon de proximité ».
Il ne faut pas « raconter d’histoire » sur l’efficacité des coupes dans les dépenses des collectivités.
Surtout, il ne veut pas « raconter d’histoire » sur l’efficacité (et même la possibilité) des coupes dans les dépenses de fonctionnement des collectivités. « L’idée qu’on fera des économies sur le train de vie des collectivités locales est un fantasme". Il y a certes des économies à faire, mais « c’est peanuts ». Et que ceux qui veulent sabrer dans les dépenses de fonctionnement devront aller expliquer aux Français "pourquoi ils ont moins d’encadrement dans les crèches ou les écoles ». Les dépenses d’investissement, considère-t-il, sont donc la seule variable d’ajustement immédiate. Tout en soulignant l’effet récessif des 50 milliards d’économie décidés par le gouvernement Valls, qui forceront les collectivités à sabrer leurs investissements alors que les collectivités assument 70% de l’effort d’investissement public. Pour l’État aussi, Alain Juppé joue la modération. Soulignant que bien des ministères sont déjà « à l’os », il ne voit pas d’économies réelles à périmètre d'action constant. Seule solution dès lors, la remise en cause de certaines missions. Mais sans dire lesquelles…