À lire : contrer l’illibéralisme avec Martin Sandbu

Julien Damon

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À lire : contrer l’illibéralisme avec Martin Sandbu

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Les élites ont aujourd’hui mauvaise presse. Les inégalités se creusent tandis que le ressentiment s’accentue. La mondialisation se rejette. L’administration s’attaque. Les démocraties libérales sont à la peine. Comment y remédier ?

Martin Sandbu, The Economics of Belonging. A Radical Plan to Win Back the Left Behind and Achieve Prosperity, Princeton University Press, 2020, 296 pages.

Le populisme, entendu comme réaction d’une population qui s’estime délaissée, se nourrit d’un désaveu du libéralisme politique et de l’action étatique. Le populisme, comme projet politique, repose sur l’illusion d’un contrôle collectif compensant le manque de contrôle individuel sur les situations économiques personnelles. C’est ce problème économique qui prévaut.

Pour la globalisation et la compétition

Journaliste au « Financial Times », Martin Sandbu aspire à rebâtir une économie qui fonctionne, pour tous, sans renoncer à la mondialisation. Sidéré par le Brexit et par Trump, il propose un programme complet, nourri de ses chroniques bien senties. Vivacité des idées et clarté des courbes et du propos – qu’on adhère ou non aux conclusions – font de son « économie de l’appartenance » un ouvrage notable. Le texte souligne combien les problèmes contemporains résultent davantage d’évolutions technologiques et de choix politiques intérieurs que de l’ouverture économique.

Désindustrialisation de l’économie, métropolisation des territoires, dualisation de l’emploi n’ont pas été adéquatement traitées

L’Occident a du mal à remplir ses promesses de prospérité, de sécurité et d’égalité. Des régions entières sont dévastées. Le précariat s’étend, dans les nations libérales comme dans les pays socialisés. Des individus, des communautés, des territoires s’estiment, à juste titre, mis de côté. Sandbu met l’argument économique en avant, pas celui des identités malmenées. Désindustrialisation de l’économie, métropolisation des territoires, dualisation de l’emploi n’ont pas été adéquatement traitées. L’éditorialiste façonne un package de réponses : négociation collective renforcée, impôt sur la fortune nette (diminuée des dettes), taxation carbone généralisée, taxation des multinationales optimisée, salaire minimum, flexisécurité, revenu universel (valablement conçu comme instrument de liberté), augmentation des dépenses d’éducation, nouvelles régulations financières. L’ensemble a sa logique : viser plus de concurrence et de mobilité.

Lire aussi : Archaïsme et modernité sont dans un bateau…

De l’investissement social

Le programme ressemble à la logique dite d’investissement social, promue au nord de l’Europe. S’appuyant sur des leçons de sa Norvège natale (avec une comparaison percutante des stations automatisées de lavage de voiture et de leur équivalent à forte intensité de main-d’œuvre aux États-Unis) et, surtout, sur toute la littérature économique récente, Sandbu fait souvent mouche.

La démarche générale montre que protection et compétition sont des mots qui vont plutôt bien ensemble

Pour redresser ce pilier érodé qu’est l’appartenance économique, il s’agit de réviser des États-providence désajustés. La démarche générale montre que protection et compétition sont des mots qui vont plutôt bien ensemble. Vaste programme que cette construction doctrinale et programmatique. Chacun pourrait y trouver chaussure à son pied, qui avec la réforme d’un système financier trop gras, qui avec l’augmentation des dépenses sociales, qui avec le soutien permanent au marché. Mais l’ensemble ne s’achète pas pièce par pièce. Célébrant le New Deal de Roosevelt, en réponse au risque fasciste des années 1930, Sandbu soutient que les réformes au coup par coup se bloquent plus aisément qu’un paquet ambitieux.

Extraits
« Une politique macroéconomique plus active, une éducation pour tous, un revenu universel, une taxation améliorée du capital peuvent, ensemble, bénéficier à tous. »
« Nous devons accélérer à la fois l’ouverture économique et les réformes sociales. »
« Il faut un plan radical plutôt que des mesures isolées. »

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