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Sous un titre finalement assez classique, un nouvel essai revient sur le thème des conflits entre les âges et entre les générations. Saint-cyrien lettré passé par l’INSEAD, Frédéric Monlouis-Félicité évolue dans l’univers de l’entreprise privée. Il plaide en faveur d’efforts accrus pour les jeunes, d’efforts de la part des plus âgés aisés et, au total, pour une politique de la jeunesse assez radicale.
Vote générationnel
Avec un art de la formule ciselée et de la donnée décryptée, l’auteur entre dans le camp des relativement pessimistes. Les jeunes, dans une France décrite comme gérontocratique, peuvent faire sécession. Mieux, par leur abstention électorale et par leurs nouvelles mobilisations politiques, ils se mettent déjà de côté. Afin de remédier à la situation d’une jeunesse qui pourrait davantage plier encore sous le poids de la dette publique et des règles bureaucratiques, l’ordonnance du docteur Monlouis-Félicité est assez radicale : accélération de la transmission des patrimoines, sélection dans l’enseignement, réduction des pensions de retraite les plus élevées et, surtout, surpondération du vote des jeunes. De quoi ruer dans les brancards, mais surtout de quoi réfléchir, notamment avec ce « vote générationnel », envisagé comme « choc de citoyenneté ».
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Concrètement, le bulletin de vote des 18-35 ans compterait double ; celui des 36-65 ans compterait pour 1,5 voix. À partir de 66 ans, un bulletin vaudrait une voix. Une telle proposition ne manquera pas de faire réagir. Elle est formulée afin de réintégrer la jeunesse à la société. Mise dans le débat public, elle mérite d’être expertisée par rapport aux autres solutions évoquées dans l’ouvrage : vote à 16 ans ou vote obligatoire.
La crise sanitaire a approfondi des ruptures entre les seniors et une jeunesse, toujours plus confrontée à la précarité
Des politiques pour l’avenir
L’ouvrage vaut par ses prescriptions qui ne cherchent pas à faire dans la nuance, en particulier en ce qui concerne un système de retraite à complètement et rapidement rénover. Il faut aussi par son tableau d’une jeunesse délaissée et de générations ayant opéré le « casse du siècle » en termes de redistribution. Actualisant des travaux déjà nombreux sur ces thèmes, il souligne que la crise sanitaire et les confinements ont approfondi des ruptures entre la situation des seniors, socialement et économiquement bien protégés, et celle d’une jeunesse, toujours plus confrontée à la précarité sur le marché de l’emploi et à la cherté sur celui du logement. Contre ce déclassement Frédéric Monlouis-Félicité désire et dessine des politiques résolument tournées vers l’avenir. À défaut, la guerre des générations pourrait bien, concrètement, avoir lieu.
Revisitant les analyses et les chiffres, cet essai tranche par sa radicalité tranquille et par des recommandations assez inédites. À bien des égards ce texte est provocateur et courageux.
Frédéric Monlouis-Félicité, «La guerre des générations aura-t-elle lieu ?», les Belles Lettres/Manitoba, 2022, 182 pages, 19,50 euros.
Extraits
« Il faut mettre fin à la rente démographique des seniors et réinvestir dans les fondamentaux ».
« Le premier parti de France, l’abstention, est d’abord celui des jeunes. »
« Aux grands maux, les grands mots : l’enjeu véritable est de nature civilisationnelle ».