À lire : Histoire du service public de l’eau

Julien Damon

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À lire : Histoire du service public de l’eau

© Adobestock

Londres, New York, Paris : trois grandes villes confrontées historiquement aux mêmes nécessités pour développer des réseaux d’eau. Si les systèmes techniques s’inspirent les uns des autres, les choix de gestion n’évoluent pas dans le même sens. De plus en plus publiques à Londres et New York ; sur le mode des délégations de service public à Paris.

Dans un ouvrage savant, légitimement soucieux de la donnée de qualité, Christophe Defeuilley revient aux sources des réseaux urbains d’eau. Trois monographies détaillées traitent de Londres, New York et Paris, les trois villes les plus peuplées au monde en 1900. L’auteur sait décrire les vieux métiers de porteurs d’eau, les préoccupations face aux immondices et les grands travaux pour la structuration des réseaux.

Christophe Defeuilley, « L’entrepreneur et le prince. La création du service public de l’eau », Presses de Sciences Po, 2017, 329 pages, 36 euros.

Le rôle des compagnies privées

Il analyse le rôle des entrepreneurs et il décortique des environnements institutionnels dont les évolutions aboutissent à des systèmes techniques essentiels, avec des voies de gestion qui ne convergent pas. Adduction et distribution d’eau sont partout nécessaires. Progressivement, l’eau devient une question prioritaire pour les grandes agglomérations. Urbanisation croissante, hygiénisme naissant, crainte des contaminations (singulièrement du choléra) poussent à agir. Londres et ses ingénieurs innovent au XVIe siècle. New York et Paris suivent, à leur façon. Partout les compagnies privées jouent un rôle de premier plan, créant et finançant les infrastructures collectives (Londres, 1851 ; New York, 1799 ; Paris, 1778).

À la fin du XIXe siècle, ces entreprises s’effacent quand la gestion publique devient prédominante. Cas particulier : la France, où le double génie des affaires et du droit administratif permet l’élaboration d’un modèle singulier de gestion par délégation. Le compromis entre intérêts publics et privés s’y avère, historiquement, plus stable.

L’entreprise privée de l’eau n’a pas, comme en outre-Atlantique et outre-Manche, été disqualifiée

| Lire aussi :  Petit guide graphique des modes de gestion |

La singularité française

Un modèle singulier de gestion des services publics locaux s’est développé en France, s’appuyant donc sur la « délégation de service public », terme générique regroupant un ensemble de contrats (concession, régie intéressée, fermage et gérance) grâce auxquels une collectivité locale peut confier la gestion d’un service public local à une entreprise privée.

Cette fresque intéresse l’historien autant que l’économiste soucieux de comprendre les logiques d’abonnement, les problèmes de corruption (aux États-Unis notamment) et ceux d’une trop grande âpreté aux gains (au Royaume-Uni en particulier), les vertus et défauts respectifs de la concurrence et du monopole. Et une exception française ! L’entreprise privée n’a pas, sur l’eau, comme cela a été le cas outre-Atlantique et outre-Manche, été disqualifiée. Pour l’avenir, reste à savoir ce que peut devenir cette voie française de la délégation.

Extraits

« La Compagnie générale des eaux réussit là où ses homologues britanniques ou américaines ont échoué ».
« L’eau, qui relevait auparavant du privé et de l’intime, devient, avec le mouvement hygiéniste, une question qui concerne l’ensemble de la population ».
« À l’heure actuelle, l’intervention privée dans la gestion de l’eau reste en France largement majoritaire, représentant environ 66 % de la totalité des habitants desservis ».

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