À lire : vers la ville stationnaire ?

Julien Damon

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À lire : vers la ville stationnaire ?

© Adobestock

Moins construire, mieux répartir. Tel est le nouveau crédo soutenu par les partisans d’une ville « stationnaire ». Ils veulent redistribuer vers les villes moyennes et les campagnes. Un livre convaincant versé au débat sur l’avenir urbain français.

Philippe Bihouix, Sophie Jeantet, Clémence de Selva, « La ville stationnaire. Comment mettre fin à l’étalement urbain ? », Actes Sud, 2022, 334 pages, 23 euros.

Un ingénieur, une architecte-urbaniste et une architecte allient leurs compétences et produisent une vision écologique volontariste et conséquente. Leur propos, documenté et chiffré, agréablement illustré, constitue une perspective fouillée et fondée pour penser la ville et l’habitat. Pas uniquement pour penser, mais également pour agir.

Contre les modes urbaines actuelles

Les auteurs critiquent la vogue actuelle en faveur des métropoles. Ils relèvent que la densité n’est pas forcément signe de vertu écologique, encore moins de qualité de vie. Plus acerbes, Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence de Selva s’en prennent aux bonimenteurs de la ville « intelligente ». Des progrès incrémentaux sont incontestables avec le numérique, mais ils ne révolutionnent pas l’existence. Surtout, se profilent de sérieux risques de surveillance généralisée.

Depuis 2007, la population, en France, augmente moins chaque année que le nombre de logements

Au sujet crucial du logement, nos auteurs font un constat simple. Depuis 2007, la population, en France, augmente moins chaque année que le nombre de logements. C’est peu dire qu’ils égratignent les affirmations récurrentes, provenant d’horizons variés, selon lesquelles il faudrait construire tous les ans un demi-million de logements. Nos trois spécialistes sont favorables à une limitation drastique de l’artificialisation. Alors que le sigle à la mode est ZAN pour « zéro artificialisation nette », ils vont plus loin et évoquent un objectif « zéro artificialisation brute » : zéro artificialisation tout court.

Ne pas figer l’existant

À cet effet il faut, avant tout, rénover, réhabiliter, recycler, réemployer les matériaux. Sur le plan des ordres de grandeur, au sujet du logement, les auteurs sont convaincants. Ils pensent que l’on construit trop, pas au bon endroit, pas au bon format. Ils comptent 37 millions de logements en France, avec, en gros, 10 % de taux de vacance et 10 % de résidences secondaires. Ces 20 % représentent environ vingt ans de construction de logements au rythme actuel ! Bien entendu, les réalités de la vacance de logement sont hétéroclites, et tout logement vacant n’est pas utilisable. Surtout, ils mettent en avant l’importance considérable de la sous-occupation des logements. 8,5 millions d’entre eux sont sous-occupés (le nombre de pièces est supérieur de deux au nombre d’occupants) alors que 1,5 million sont suroccupés. Il existe donc de la ressource pour ne pas construire mais réaffecter.

La visée globale de la ville stationnaire n’est pas de figer l’existant mais de le transformer afin d’optimiser les usages de l’espace. Il faut une plus grande adéquation entre taille des ménages et taille des logements.

Selon l’optique de la ville stationnaire, il faut aussi une certaine « démobilité », qui limite les déplacements inutiles. Il faut aussi une révision de la production agricole et une refonte de l’implantation des activités. Bref, la ville stationnaire a une dimension révolutionnaire. L’essor du télétravail et la perte d’attractivité des grandes villes liée à la crise Covid peuvent la nourrir.

Extraits

« Nos villes sont là, imparfaites, optimisées et construites autour de transports motorisés et d’énergies bon marché abondantes. »
« Ne cherchons pas à les transformer en d’absurdes technotopies. »
« C’est notre rapport aux territoires qu’il faut faire évoluer, en favorisant la redistribution des services et des emplois. »


 

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