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Réunir associations, administrations et autres parties prenantes sur la question du sans-abrisme, leur tendre une baguette magique et leur dire « rien n’existe, tout est à inventer : quelle action choisissez-vous de mettre en place ? », c’est littéralement ainsi qu’a démarré l’aventure du lab’ Zéro SDF à Marseille.
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Laisser les portes ouvertes
Porté par la préfecture de région avec l’appui de l’association Marseille Solutions, un incubateur d’innovations sociales et environnementales, le lab’ Zéro SDF est lauréat du Programme d’investissement d’avenir lancé par le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique en juin 2016. Son objectif est de tester des projets pour faire émerger de nouvelles idées réplicables.
Autour de la table : un psychiatre de rue, un éducateur spécialisé, des étudiants, des fonctionnaires territoriaux…
« Pour nous lancer, nous avons beaucoup compté sur le bouche-à-oreille », décrit Marthe Pommié, directrice de la modernisation de l’État au Secrétariat général pour les affaires régionales, en charge du projet. « L’objectif était de laisser nos portes ouvertes, de ne pas filtrer et que tout le monde ait le même niveau de parole. » Une fois tous les intéressés réunis autour de la table, pas question de faire un état des lieux de l’existant et de ce qui manque. « On se met dans un état fictionnel où il n’y a rien. » Autour de la table : des experts, parmi lesquels un psychiatre de rue, un éducateur spécialisé, des agents de l’État, une chargée de mission sur l’égalité des chances en lien avec la préfète, des membres d’associations, des étudiants, des fonctionnaires territoriaux issus de la métropole et du conseil départemental.
« Un chez soi d’abord », le programme pérennisé
Depuis le 1er janvier 2017, le dispositif « Un chez soi d’abord » a été généralisé par décret à l’ensemble du territoire. Expérimenté à Marseille, Toulouse, Lille et Paris depuis 2011, ce programme vise les personnes sans-abri souffrant de problèmes psychiques sévères. N’entrant pas dans les dispositifs classiques d’accompagnement, ces personnes particulièrement vulnérables se voient proposer directement un logement ordinaire depuis la rue, au sein duquel ils recevront un accompagnement soutenu par une équipe médico-sociale pluridisciplinaire. Cette prise en charge entérine l’accès direct au logement comme fondamental et préalable à toute démarche de soins et d’insertion. L’objectif est qu’une fois installé, le locataire puisse se concentrer sur la résolution de ses problématiques individuelles. Sécurisé puis accompagné, il peut être responsabilisé petit à petit pour gagner en autonomie.
L’association Aurore, qui menait l’expérimentation parisienne, constate que 96 % des personnes intégrées sont toujours suivies cinq ans après son lancement, que 86 % sont toujours dans leur logement et que 80 % reçoivent des soins de santé mentale. Actuellement, à Paris, l’association accompagne et loge 353 personnes. 80 % des logements sont captés dans le parc privé via le dispositif d’intermédiation locative et il leur faut en moyenne 28 jours pour accéder au logement. Le coût estimé est de 14 000 à 15 000 e par an et par personne, inférieur à la prise en charge habituelle.
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72 heures pour offrir une solution
Armés de leur seule baguette magique, les participants se retrouvent pour deux séances où ils discutent à bâtons rompus durant 1 h 30. « Nous avions un fonds d’amorçage portant sur 18 mois, il fallait donc des expériences pouvant être montées rapidement » précise Marthe Pommié. Deux projets émergent : le premier porte sur l’urgence sociale. Il consiste à réagir immédiatement lorsqu’une personne appelle le 115, au lieu de l’inscrire sur une liste d’attente.
La rue abîme vite les gens : plus le temps passé dehors est long, plus il est difficile de remonter la pente
Le délai pour obtenir un logement suite à une demande oscille actuellement entre 9 et 24 mois. La rue abîme vite les gens : plus le temps passé dehors est long, plus il est difficile de remonter la pente. Pour cette expérience, 100 places ont été identifiées comme solutions d’hébergement. Dès qu’une personne appelle pour la première fois le 115, elle est immédiatement prise en charge. En 72 heures au plus, une offre de solutions d’hébergement et de logement est proposée. Cette action, calquée sur le modèle des urgences médicales, vise à éviter des surcoûts plus élevés dus à la déchéance de la rue.
Second projet : l’aménagement d’un lieu hybride au cœur du quartier Belsunce. Baptisé « Coco Velten », ce nouveau lieu se veut à la fois social, entrepreneurial et culturel. L’objectif est de favoriser la réinsertion de personnes à la rue depuis peu, tout en les mêlant à d’autres publics dans un lieu de vie et de passage. C’est un ancien bâtiment de la Direction des routes qui est prêté pour une durée de trois ans.
Dans un lieu ouvert sur d’autres horizons, on espère accélérer la resocialisation et la réinsertion
Les 4 000 m² rénovés abritent depuis février des entreprises ou associations de l’économie sociale et solidaire, une programmation culturelle et un centre d’hébergement d’urgence de 80 places, réparties en chambres individuelles ou collectives. Particularité : les hébergés ne devront pas quitter les lieux le matin, l’accueil se fera 24h/24. Les espaces, modulables, permettent d’accueillir des familles. Dans un lieu ouvert sur d’autres horizons, les acteurs de ce projet espèrent accélérer la resocialisation et la réinsertion des personnes en difficulté.
« Ces solutions sont-elles pérennes et intéressantes ? Objectivement, la question se pose » reconnaît Marthe Pommié. Mais ces rencontres et ces projets ont permis aux différents acteurs du territoire de se parler dans un cadre moins formel, de mieux se connaître, et par là d’améliorer un écosystème local, en attendant d’analyser les résultats de ces expérimentations.