À qui reporte le dircom ?

Rémi Uzan

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À qui reporte le dircom ?

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Le directeur de communication de collectivité a trois publics : élus, services, habitants. À tous, il doit rendre des comptes. Mais qui l’emporte ?
Pour la majorité de nos témoins interrogés, pas d’états d’âme : c’est le politique qui est le vrai chef du dircom.« Je ne crois pas à une communication neutre. Il s’agit de mettre en valeur des politiques publiques définies forcément par des élus qui ont une orientation politique » souligne ce dircom d’une ville de 40 000 habitants en banlieue parisienne.
C’est un poste qui demande une intimité intellectuelle avec le maire.
« C’est un poste qui demande une intimité intellectuelle avec le maire » précise Claude Eliaszewicz, directeur de cabinet du maire de Villeneuve-la-Garenne et délégué Ile-de-France de l’Arccol, association de collaborateurs d’élus de la droite républicaine et du centre. « Au militant qui a su apprendre sur le tard est venu s’adjoindre le professionnel qui est – parfois, voire même souvent – devenu militant » juge Christophe Disic ((Ancien dircom adjoint de collectivités, expert en droit d’expression de l’opposition et stratégie de communication des collectivités (animateur du blog La parole est à l’opposition (http://disic.expertpublic.fr/), actuellement responsable de la communication interne à la direction générale de la Cohésion sociale (ministère des Affaires sociales et de la santé).)), qui ajoute : « le dircom doit se voir comme un fusible. Car c’en est un ».

L’évaluation des services

Pour autant, une réponse purement politique est courte pour évoquer les évaluateurs du dircom territorial. Sauf à considérer comme de mauvais professionnels les directeurs de la communication de centaines de villes qui ont basculé en mars dernier. Car, au-delà de la communication politique, le dircom a pour mission de valoriser l’offre de services offerts par sa collectivité. Et donc les hommes et les femmes qui les rendent au quotidien.Thierry Charret, dircom de Fontenay-sous-Bois, évoque ainsi une campagne sur le civisme : « Nous avons coconstruit notre action de communication avec les jardiniers, les agents de la voirie, ambassadeurs du tri, police municipale… Toutes celles et ceux qui ont à faire face, au quotidien, aux questions des citoyens ».

Démarche qualité

Une initiative louable dans l’esprit, mais également prudente. En effet, en cas d’erreur sur une offre de services, nul doute que les collègues du dircom sauront le faire savoir. À l’intéressé, mais également à la direction générale.
 Les rapports de force politiques ne sont jamais très loin…
Au conseil général de l’Yonne, le directeur de la communication, Fabrice Jobard, est allé au bout de la démarche. Il a choisi de faire évaluer son service par les autres services à travers une démarche de certification ISO 9001. « Au fil du temps, nous avons constaté que la communication était une fonction support comme les autres. »

Et le public dans tout ça ?

Une fonction support ainsi qu’un service aux habitants.« Il est évident que les premiers à qui l’on reporte, ce sont les citoyens », estime Thierry Charret. Son employeur, la ville de Fontenay-sous-Bois a fait officiellement le choix de considérer la communication comme un service au public. Les locaux, situés hors de la mairie, ont pignon sur rue. « N’importe qui peut venir, à n’importe quel moment. On dialogue avec tout le monde, même si parfois ça peut-être très fastidieux. Je pense aux associations qui arrivaient à l’époque avec une maquette illisible et qui nous demandaient de l’imprimer sans poser de questions. Il y a eu des échanges animés. Mais au vu de la qualité proposée aujourd’hui elles acceptent et surtout demandent qu’on intervienne sur la forme ».
 L’élu a toujours le dernier mot : toutes les actions engagées par la communication peuvent avoir une conséquence au niveau politique.
Une configuration « ouverte » qui s’explique aussi par le fait que « le maire n’a jamais fait de ce secteur « une chasse gardée ». Cela nous a appris à partager et ouvrir la fonction communication ». On y revient ; les rapports de force politiques ne sont jamais très loin…Trois questions à :

Marc Thebault 2012 BMarc Thébault, Directeur de la communication de Caen la Mer et auteur d’un blog sur la communication publique*. À qui reporte le dircom ? L’élu a toujours le dernier mot. En effet, toutes les actions engagées par la communication peuvent avoir une conséquence au niveau politique. Du dépliant présentant un grand aménagement à la publication du menu des cantines. Le maire, le président de département, d’interco ou de région a une échéance électorale en tête qui l’incite à organiser les choses en termes de communication. Je dirais que la pression électorale est certaine et quasi quotidienne. Le dircom est-il le seul comptable de l’image de la collectivité ? Non. À l’instar des supports de communication, la voirie et l’accueil, les repas du troisième âge envoient aussi des signes et une image des élus. Par exemple, il ne sert à rien de mettre une belle mélodie pour faire patienter les gens au téléphone si, ensuite, l’agent de la mairie qui répond est mal aimable. Je dirais que le travail du communicant public est terminé quand il y a cohérence entre les symboles portés par la musique d’attente au standard de la mairie et l’attitude de la personne qui répond. Pourtant de nombreux dircoms sont sur la sellette après les municipales… Les communicants publics en sont en partie responsables. Nous avons peut-être laissé croire que nous étions Jacques Séguéla et que nous pouvions faire réélire une équipe. Or, si le communicant public est politique par essence, nous ne sommes pas des conseillers du prince ou des spin doctors. Cela, c’est la mission du cabinet. * www.thebaultmarc.expertpublic.fr

Assaël Adary, coprésident du cabinet d’études et de conseil Occurrence, spécialisé dans l’évaluation de la communication. Évaluer la communication : « Le point de départ, c’est souvent depuis 5 ans la rationalisation budgétaire » Nous intervenons de plus en plus auprès des collectivités, où le besoin d’évaluation part du besoin de rationaliser les budgets, de les optimiser. La question c’est : qu’est-ce que j’ai en face de mon argent ? Mais il est difficile de mettre des euros en face des euros. En effet, la communication crée une valeur qui n’est pas monétaire. Elle intervient sur le patrimoine immatériel de la collectivité, la valeur de sa marque. Celui qui contribue à créer cette valeur, c’est bien le communicant territorial. Nous avons ainsi travaillé avec un conseil général. Son président avait été interpellé sur le coût de la communication. Nous avons interrogé deux échantillons représentatifs, un de lecteurs, un autre de non-lecteurs du magazine départemental. Les résultats sont éloquents. Les lecteurs sont 10 fois plus nombreux à savoir qui fait quoi au sein du « millefeuille territorial ». Nous avons également démontré une corrélation entre la lecture des supports et la bonne image de l’institution. Un autre critère d’évaluation de la communication, c’est sa contribution au sentiment d’appartenance de l’habitant au territoire, idem pour les patrons des PME implantées sur le territoire ! Toute la question est de savoir quel indicateur va servir de pilotage. C’est en général le politique qui donne le tempo et c’est parfois une difficulté à mon sens. L’élu ne choisit pas forcément les bons critères, il peut être happé par sa temporalité électorale. Or le temps des habitants se compte en décennies et celui du territoire en siècles.

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