A l'abandon depuis plus d'un demi-siècle, le monument aux morts allemands de 14-18, à Sedan, oppose le maire aux historiens qui veulent en faire un "symbole de la réconciliation", l'édile souhaitant, lui, raser un "édifice de provocation" devenu dangereux pour ses administrés.
"Vouloir détruire ce bâtiment très rare relève d'une grande méconnaissance du patrimoine de la Grande Guerre et de sa valorisation, particulièrement à l'aube du centenaire", déplore l'historien Nicolas Offenstadt, maître de conférence à l'Université Paris 1 et spécialiste du premier conflit mondial.
Le maire veut détruire
Avec une cinquantaine de ses confrères, il a interpellé en février Didier Herbillon, le maire PS de Sedan, qui a inscrit au budget de la ville la destruction du monument situé dans un cimetière de la commune et qui menace de s'effondrer.
"C'est un lieu de mémoire remarquable qui témoigne à la fois de la zone d'occupation allemande en 1914, des pratiques funéraires et des discours de guerre du fait des inscriptions encore visibles sur son fronton", souligne l'historien.
Edifié par les troupes de Guillaume II en 1915, le monument aux morts allemands a des allures d'édifice antique avec ses quatre colonnes doriques. C'est l'un des premiers bâtiments réalisés en béton armé.
A l'abandon
Entre les deux guerres, les sépultures des soldats tombés au front ont été transférées dans le cimetière militaire allemand voisin de Noyer-Pont-Maugis et depuis, le monument a été laissé à l'abandon par les différentes municipalités.
"Il nous faut trouver environ 50.000 euros pour réhabiliter l'édifice et en faire un outil mémoriel emblématique de la réconciliation franco-allemande", explique pour sa part Sébastien Haguette, le président de l'Association d'histoire et d'archéologie de Sedan qui a été un des premiers à s'émouvoir du projet de démolition.
Intérêt historique
Même s'il ne s'oppose pas à cette réhabilitation, le maire refuse d'y consacrer des crédits et conteste l'intérêt historique du monument.
Avant de soumettre le projet de destruction au conseil municipal, Didier Herbillon affirme avoir consulté l'ensemble des associations d'anciens combattants qui se sont toutes rangées à son avis.
"Je suis moi-même professeur d'histoire de l'art et j'ai un peu d'idées sur la valeur patrimoniale d'un monument", fait valoir M. Herbillon, maire de Sedan depuis 2008.
Il évoque avec agacement "un édifice de provocation qui n'a aucune valeur à tel point que les autorités allemandes s'en fichent comme de l'an 40".
Danger
"Ce bâtiment met en danger la population qui se promène dans le cimetière, si l'Etat ou d'autres veulent se charger de la conservation, libres à eux, mais la ville de Sedan ne mettra pas un centime de plus dans cette affaire que les 13.000 euros qui ont été décidés pour sa destruction", affirme l'édile.
Du côté des historiens, on réfléchit au lancement d'une souscription internationale pour réunir les fonds nécessaires à la sauvegarde du monument.