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Pour remédier aux maux du périurbain, les territoires eux-mêmes se sont lancés dans des initiatives réparatrices, notamment en termes de densification et de mobilité.
Comme souvent, la complexité et la frugalité auxquelles font face les territoires périurbains sont sources de créativité et d’innovation. Deux domaines, l’urbanisme et la mobilité, en sont le témoin actif depuis quelques années.
Bimby, la densification douce et intelligente en pratique
Depuis la fin des années 2000, la densification des quartiers pavillonnaires est évoquée dans les milieux professionnels. La loi Alur, à travers l’étude de densification urbaine et l’objectif de mobiliser des « terrains issus de lotissement » met, quelques années plus tard, un coup de projecteur sur la démarche Bimby (Build in my back-yard, ou construire dans son jardin), initiée en 2009 dans le cadre d’un programme de recherche.
Une soixantaine de propriétaires ont pu bénéficier d’un conseil gratuit sur l’opportunité de densifier leur parcelle par insertion d’une maison supplémentaire
La communauté d’agglomération du Sicoval (Haute-Garonne), en association avec l’Apump (association des professionnels de l’urbanisme de Midi-Pyrénées), s’est investie avec énergie dans cette démarche, une de ses communes, Vigoulet-Auzil, ayant joué un rôle de défricheur. Pour rompre avec les modes d’urbanisation pratiqués par le passé tout en redynamisant la commune, le maire a décidé d’investir en amont, en mobilisant une AMO pluridisciplinaire (cabinet d’avocats, architectes, laboratoire de recherche en urbanisme).
Une soixantaine de propriétaires ont ainsi pu bénéficier d’un conseil gratuit sur l’opportunité de densifier leur parcelle par insertion d’une maison supplémentaire.
Intérêt des individus et intérêts de la collectivité
Au cœur de la réussite de cette démarche, une conviction qui constituait l’hypothèse centrale du programme de recherche initial : c’est la capacité des acteurs de l’urbain (habitants, techniciens, élus) à mobiliser le foncier des tissus pavillonnaires existants qui permet de financer le renouvellement et la densification progressive de ces quartiers.
On observe en effet que, dans de nombreux cas, l’intérêt des individus (notamment à diviser un terrain pour mieux valoriser son bien sur le marché immobilier) peut aller dans le sens des intérêts de la collectivité (à proposer une offre diversifiée de logements individuels sur son territoire sans engendrer d’étalement urbain).
Encourager, maîtriser et canaliser les initiatives individuelles passe par la définition de règles d’urbanisme adéquates
C’est vrai pour peu que l’on respecte deux principes essentiels :
- encourager, maîtriser et canaliser ces initiatives individuelles par la définition de règles d’urbanisme adéquates et la mise à disposition d’un conseil au particulier en matière d’architecture et d’urbanisme dense ;
- cibler les moments où les intérêts individuels et collectifs se rejoignent, notamment au moment des ventes des maisons individuelles ou à l’occasion des évènements et des projets de vie des habitants.
L’électromobilité partagée en milieu peu dense, un pari réussi
Devant le constat récurrent que les difficultés de mobilité sont un frein au développement des territoires périurbains et ruraux, certaines collectivités font preuve d’audace pour inventer des solutions adaptées.
Ainsi la commune nouvelle de Tinchebray Bocage (2 800 habitants, Orne) a mis en place un service d’autopartage de voitures électriques, géré en régie, avec le soutien d’un partenaire privé pour le volet administration dématérialisée des réservations et rotations du parc. Les tarifs, modiques, garantissent l’accessibilité de cette offre et transforment la demande potentielle en usage effectif.
Le service d’autopartage peut constituer une réponse très concrète et très prometteuse aux problématiques des territoires périurbains ou ruraux
Devant le succès rencontré par cette initiative, le département de l’Orne a lancé fin avril 2017 Autofree 61, son propre service d’autopartage. Cette expérimentation à petite échelle puis son déploiement sur un périmètre départemental montrent que l’autopartage électrique n’est pas qu’une lubie de cadres supérieurs résidant au cœur des grandes métropoles mais qu’il peut, à condition de prendre le temps de l’appropriation et de l’expérimentation, constituer une réponse très concrète et très prometteuse aux problématiques des territoires périurbains ou ruraux.
TÉMOIGNAGE
« Il n’existe pas une seule France périurbaine »
« Il n’existe pas une seule France périurbaine. Elle recouvre des réalités et des imaginaires différents. Certains de ces territoires sont riches, d’autres plus pauvres. Certains habitants font le choix du périurbain pour sa qualité de vie, son rapport à l’espace naturel et agricole, une certaine forme d’habitat et de vie sociale, d’autres sont plus dans la contrainte, du fait des prix élevés des logements en zone urbaine. Mais il est vrai que le périurbain a du mal à trouver sa place dans les politiques publiques. La loi SRU de 2000 a inscrit la densité urbaine comme le principal levier de préservation des espaces naturels – en luttant contre l’étalement urbain –, de cohésion sociale – en favorisant la mixité des fonctions et des logements, et d’efficience des services urbains – en intensifiant notamment les constructions aux abords des transports. Depuis, les lois successives ont plutôt renforcé ce qui est presque aujourd’hui un dogme dans le développement des zones urbaines. L’adaptation au changement climatique et les effets dévastateurs de la concentration urbaine sur la qualité de l’air sont en train de faire évoluer ce dogme. De plus, la demande sociale se maintient en faveur des espaces peu denses et de la maison individuelle. Nous assistons à une densification assumée comme plus “douce”. Des constructions se développent de manière diffuse là où les besoins se font sentir, y compris dans le périurbain. Il y a là un vrai modèle à créer, notamment dans le rapport aux métropoles. Le plan Action cœur de ville du gouvernement, qui cible les villes moyennes, va dans cette direction, visant par exemple à réparer les effets négatifs des zones commerciales périphériques sur les centres anciens constitués, et à redonner une valeur d’usage au centre-ville. Le renouvellement urbain dans ces cœurs de ville passe alors par la qualité plus que par la quantité, les besoins en construction n’étant pas nécessairement importants. Cette démarche s’inscrit aussi dans une volonté de rendre la ville aux piétons, et de limiter le recours aux véhicules polluants motorisés ».
Hélène Peskine, secrétaire permanente du Puca, Plan urbanisme construction architecture