LIVRE ECOLOGIE
Un tour du monde intellectuel de l’écologie
Des quatre coins d’un globe menacé par l’homme et par la technique, on trouve des signatures qui ont posé les jalons et discussions de ce que les deux promoteurs de cette opération éditoriale baptisent «la pensée écologique». Celle-ci trouve des racines chez un Rousseau et un Thoreau, tous les deux férus ravis de l’expérience naturelle. Elle s’élabore avec un Maurice de Tribolet ou un Élisée Reclus, tous les deux inquiets de l’avenir animal. Elle prend toute sa puissance avec un Bertrand de Jouvenel (un des auteurs qui apparaît le plus souvent dans l’anthologie) qui estime nécessaire l’affirmation d’une conscience écologique, et avec un Garrett Hardin, célèbre pour sa mise en évidence de la tragédie des biens communs. Après cette montée chronologique en puissance, ce sont les grands enjeux qui font l’objet à chaque fois d’une introduction érudite et de morceaux généralement aussi bien choisis que ciselés. Dans une rubrique sur la croissance en question, on retrouvera ou trouvera (ce sera selon) André Gorz, Ivan Illich, Edward Goldsmith. Dans une partie sur les enjeux techniques, ce sont les analyses de Jean-Pierre Dupuy, de Hans Jonas, de Jacques Ellul qui nourrissent la pensée écologique. D’autres développements portent sur les enjeux éthiques, juridiques, politiques, mais aussi religieux.Une terre plus petite
On ne saurait résumer la substance de tout cet ensemble. On notera que lire ou parcourir ces pages amène indéniablement à voir que la terre est chaque jour plus petite, confrontée à des problèmes qui ne sont pas forcément plus grands mais à des perspectives toujours plus graves. L’inquiétude qui traverse ces analyses, jusqu’au potentiel effondrement (à mettre au pluriel), a à voir avec la préoccupation démographique. La lecture conduit à doublement s’interroger sur la finitude humaine et sur l’habitabilité du monde. Ce qui n’est pas rien. L’alternance de fragments de rapports officiels, de développements moins connus et de textes fondateurs confère sa consistance à ce document d’exception. À titre de mini-discussion, on se demandera si «l’écologisme» n’aurait pas été un meilleur titre, dans la mesure où il s’agit explicitement de se situer aux côtés du libéralisme, du conservatisme ou du féminisme. En tout cas, on a là l’assortiment rigoureux des éléments qui font un courant de pensée. Avec ses marques et sa cohérence. Une pièce maîtresse dans toute la production autour de l’écologie, de l’environnement et du développement durable.Dominique Bourg, Augustin Fragnière, La pensée écologique. Une anthologie, Paris, PUF, coll. «L’écologie en questions», 2014, 876 pages, 30euros.Extraits «Les biens communs, dans la mesure où ils sont justifiables, ne le sont que dans des conditions de faible densité de population. Quand la population humaine a augmenté, les communaux ont dû être abandonnés l’un après l’autre.» (Garrett Hardin). «Généralement notre époque est signalée par une heureuse accentuation de la conscience sociale, mais, en revanche, par une atténuation de ce que l’on pourrait appeler la ‘conscience écologique’.» (Bertrand de Jouvenel).