Athènes : la ville se met au vert

Marjolaine Koch
Athènes : la ville se met au vert

Lycabettus_hill_from_Acropolis_Athens_Greece

Entièrement bétonnée ou presque, la ville d’Athènes laisse une portion congrue aux espaces verts. Pour remédier à ce manque de biodiversité qui conduit les habitants à supporter des températures caniculaires ou des inondations de plus en plus courantes, la municipalité a mis en place un vaste plan de reverdissement.

Densité et anarchie. En visitant la capitale grecque, ce sont certainement les deux qualificatifs qui viennent en premier à l’esprit. Des décennies d’intense urbanisation, des constructions qui couvrent 80 % de la surface de la ville, de l’asphalte pour le reste ou presque : en matière environnementale, Athènes a tout faux. Le béton et le bitume qui retiennent la chaleur au point de générer des températures supérieures de 10 °C à celles des banlieues environnantes en plein été.

Et en période de pluie, ce même bitume retient l’eau, créant des « inondations flash » de plus en plus courantes. Il est donc plus que temps, pour la ville, de rectifier le tir.

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Une forêt urbaine stressée

Elle a donc élaboré, en 2017, le « plan stratégique de résilience Athènes 2030 ». Ce plan, soutenu par la Banque européenne d’investissement, projette de créer au moins 25 % d’espaces verts en plus. Pour y parvenir, la ville a choisi de prendre comme point de départ un site historique et emblématique : la colline de Lycabette. Telle un mamelon émergeant d’entre les immeubles, cette colline, haute de 277 mètres au-dessus du niveau de la mer, borde le quartier calme et huppé de Kolonaki. À son sommet, la chapelle orthodoxe Saint-Georges, construite au XIXe siècle. Un funiculaire pour l’y rejoindre, et un aqueduc romain à ses pieds.

Mais surtout, Lycabette est pourvue de pentes si raides que seuls les pins ont pu l’habiter. Seulement, cette forêt urbaine souffre des mêmes stress que la ville : dégradation environnementale, chaleurs extrêmes, une gestion de l’eau erratique et une biodiversité en déclin.

1 500 habitants ont donné leur avis sur le programme de protection de la colline

Lycabette est donc le point de départ d’un vaste projet qui, pour la première fois à Athènes, fait travailler côte à côte l’université d’agriculture pour s’appuyer sur des études approfondies en matière d’environnement naturel, le département d’architecture technique de l’université pour les questions d’environnement bâti, et une série d’experts techniques externes engagés sur ces questions, permettant d’offrir de solides retours sur les orientations prises.

Cette démarche a aussi conduit l’administration athénienne à interroger 1 500 habitants, pour qu’ils donnent leur avis sur le programme de protection de la colline de Lycabette. Cette première phase a été l’occasion d’agglomérer un nombre de données jamais atteint jusque-là pour la commune. Elles alimentent à la fois les autorités locales pour ce projet global de reverdissement, et les intervenants extérieurs, notamment d’autres villes intéressées par le processus.

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Une approche consciente des risques

L’approche se veut donc multidisciplinaire, et c’est une première. L’idée est de démontrer qu’il est possible à la fois de revitaliser cette colline et de préserver son attractivité touristique. Le funiculaire, construit en 1965, comme l’amphithéâtre de la colline l’a été par l’architecte grec Takis Zenetos, vont être revalorisés.

D’une capacité de 3 000 spectateurs, le théâtre en plein air est fermé depuis 2011. Après une réfection, il accueillera à nouveau des événements internationaux et des spectacles. Deux axes ont donc été retenus pour cette première étape de reverdissement d’Athènes : redéployer cet espace vert clé, avec une valeur d’héritage historique significative, et accompagner le tourisme en espérant rendre compatibles ces deux facettes. La ville apprend à gérer ses biens culturels avec une approche consciente des risques. D’ailleurs, la municipalité bénéficie largement au passage de ce plan en renforçant ses compétences en matière de développement urbanistique durable, et de partage des données avec d’autres institutions – une petite révolution pour Athènes.

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Pour concrétiser ces actions, plusieurs étapes sont nécessaires : d’une part, l’adoption d’une stratégie formelle concernant la gestion des espaces publics verts de la ville. Ensuite, le plan d’investissement mobilité de la colline de Lycabette sera affiné, avant de lancer le développement du premier corridor vert athénien. Ces étapes impliquent des actions aussi simples qu’un réaménagement des chemins pédestres pour en améliorer l’accessibilité et un nettoyage en profondeur de la végétation.

Puis, dans un volet plus complexe, planifier une meilleure gestion de l’eau pour pallier les problèmes d’érosion et améliorer l’aménagement de la route principale dans une visée bioclimatique. Dans le même temps, la ville projette d’améliorer la maintenance basique des infrastructures sur la colline, pour être le moins interventionniste possible.

L’air conditionné, la pire des idées
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), les émissions de gaz à effet de serre générées par le secteur de la réfrigération augmenteront de 90 % d’ici 2050. Autrement dit, le refroidissement de l’environnement consommera la même quantité d’électricité que celle actuellement consommées par les activités humaines en Chine et en Inde. Pour enrayer cette progression et limiter la hausse des températures, il n’y a d’autres choix que de réduire drastiquement le recours à l’air conditionné en période de fortes chaleurs.

Corridor vert

Enfin, viendra ce corridor vert : il devrait relier les collines de Lycabette et de Strefi, situées à 700 mètres d’écart.

Mais en parallèle, l’aire de l’Académie de Platon et le parc de Lambrini seront eux aussi reverdis et piétonnisés partiellement.

Outre un rafraîchissement des quartiers en période de chaleur et une absorption des eaux en cas de grosse pluie, ces zones vertes au cœur de la capitale permettront à la biodiversité de se réimplanter au sein de la ville. Sans oublier, bien sûr, l’amélioration de la qualité de l’air et des conditions de vie des habitants.

Financé à hauteur de 55 millions d’euros par la Banque européenne d’investissement, Athènes fait office de projet pilote, mais l’ensemble de sa conception est pensé de manière à pouvoir se décliner dans d’autres villes par la suite.

Medellín aussi favorise les corridors verts
Pour enrayer le réflexe « air conditionné », la ville colombienne de Medellín a opté, bien avant les premières villes européennes, pour un reverdissement. Habituée aux températures élevées, la population souffrait malgré tout de l’effet des îlots de chaleur urbains. La municipalité a lancé un vaste plan de transformation de 18 rues et 12 cours d’eau, pour qu’ils deviennent des « refuges verts ». Première action : le reboisement pour aménager en tout 30 corridors, principalement dans les zones qui ne bénéficiaient d’aucun espace vert. Une fois ces modifications apportées, une réduction significative de la température, de deux degrés, a été relevée. En Europe, le verdissement des villes se poursuit et dans la droite ligne d’Athènes, Milan prévoit de planter trois millions d’arbres d’ici 2050.

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