Ausculter et réformer l’hôpital public

Julien Damon

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Ausculter et réformer l’hôpital public

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© Lulu Berlu - adobestock

Martin Hirsch, dans un nouvel ouvrage, fait pénétrer le lecteur dans la machinerie de l’hôpital public. L’occasion d’un témoignage, d’un plaidoyer et d’analyses de premier plan sur les enjeux et rouages du système de santé.

Martin Hirsch, « L’hôpital à cœur ouvert », Stock, 2017, 282 pages, 19 euros.

L’assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) – ancienne « assistance publique » – compte environ 100 000 agents, une quarantaine d’hôpitaux, 22 500 lits. Avec près de 8 milliards d’euros de budget, elle voit passer chaque année près de 10 millions de patients. Premier employeur francilien et plus important établissement de santé européen, l’AP-HP est une institution atypique.

Au cœur des politiques de santé, noyau important de la recherche universitaire, foyer d’expérimentations multiples (médicales comme financières), ce service public, aujourd’hui sous la direction de Martin Hirsch, connaît une période de bouillonnement stratégique. Il faut y assurer la production de la santé, dans des conditions économiques serrées, mais aussi y « soigner les soignants » et y « manager les managers ».

Un paquebot de la santé publique

Martin Hirsch, selon ses termes, avait davantage pris l’habitude des hors-bords manœuvrables (comme l’Agence du service civique) que de gros paquebots institutionnels comme l’AP-HP. Il rappelle cependant qu’il avait, jeune, débuté des études de médecine avant de se tourner vers l’ENA. Il raconte, par ailleurs, avoir rêvé depuis très longtemps de prendre les rênes de cette institution capitale.

Avec un brin d’humour et de provocation, Martin Hirsch écrit que la fonction de directeur d’hôpital consiste
à « faire en sorte que les ascenseurs marchent »

Le directeur sait aussi être auteur. Il raconte les bisbilles quotidiennes mais aussi les formidables réactions solidaires face aux attaques terroristes, la prise à bras-le-corps du sujet des urgences (même s’il concède être encore loin d’avoir divisé par deux les temps d’attente). Martin Hirsch revient aussi sur ses convictions, déjà bien présentes dans le débat public.

Lire aussi : Pour une vraie politique de santé publique

Il plaide ainsi, par exemple, pour la fusion des deux étages de l’assurance maladie, avec absorption des régimes complémentaires, par les régimes de base. Il appelle cela, avec la suggestion d’organiser un référendum sur ce thème, « descendre d’un étage ». D’ailleurs, ce sujet des étages se retrouve aussi dans ses préoccupations purement opérationnelles. Avec le brin d’humour et de provocation qui le caractérise, il écrit que la fonction de directeur d’hôpital consiste à « faire en sorte que les ascenseurs marchent ». L’intendance, dans l’hôpital, ne doit pas suivre. Elle doit précéder.

Les mutations de la santé

Martin Hirsch se penche sur les questions stratégiques et éthiques attachées aux déluges de données dans lesquels exercent désormais les médecins. C’est dans l’open data et le big data que le « docteur data » travaille. Le médecin lui-même n’a plus le monopole du savoir et la relation médicale n’est plus en rien un colloque singulier entre un patient passif et un soignant savant.

Lire aussi : Hervé Poher : « Face aux déserts médicaux, il faut toucher à la liberté d'installation des médecins »

Martin Hirsch trouve les mots pour souligner la nécessité de réhabiliter la science (et, en passant, la vaccination) ; pour lutter résolument contre les conflits d’intérêts (avec une proposition phare consistant à faire contribuer les laboratoires à un fonds de formation des médecins) ; pour mettre en avant la nécessité de la reconnaissance d’infirmières mal payées et d’un personnel non médical mal considéré ; pour réformer une sphère hospitalière qui ne devrait pas s’évaluer sur le nombre de lits mais sur la modernité des plateaux techniques ; pour faire vraiment tomber les frontières entre la médecine de ville et l’hôpital.

Il sait décrire habilement ce que sont les tensions entre une médecine nécessairement personnalisée (individualisée) et une médecine potentiellement dépersonnalisée (déshumanisée). Un ouvrage de référence.

Extraits
« Je m’amuse à dire que si devise je devais avoir, elle serait la suivante : « Égaux face aux soins, des soins face aux ego ». »
« Un hôpital n’est pas une entreprise, contrairement à ce que certains craindraient ou d’autres souhaiteraient, au sens où il ne sert pas un objectif économique, mais est au service du patient. »
« L’hôpital s’éloignera de sa racine étymologique. Il sera moins le lieu qui offre l’hospitalité, mais davantage le lieu qui assure la santé, qui suit, qui soigne. »

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