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David Ytier, vice-président de la métropole Aix-Marseille-Provence, en charge du logement et de la lutte contre l’habitat indigne, le confie d’emblée : « J’aborde ce dossier avec énormément d’humilité ». Il a été nommé au mois de mars dernier président de la Spla-In (société publique locale d’aménagement d’intérêt local) chargée de lutter contre l’habitat indigne, entre autres, dans le centre-ville de Marseille. L’objectif est de tourner la page du drame de la rue d’Aubagne du 5 novembre 2018, qui fit huit victimes.
Un dossier très complexe, qui réclame la mise en place d’une partition bien équilibrée pour éviter la moindre fausse note au regard du nombre d’intervenants publics
L’état des lieux est connu, révélé en 2015 par le rapport Nicol. Qualifié de « fumisterie » par l’ex-maire LR de Marseille Jean-Claude Gaudin, il recensait 40 000 taudis dans la deuxième ville de France, soit 100 000 personnes concernées sur les 860 000 habitants que compte la ville. Florent Houdmon, de la Fondation Abbé-Pierre à Marseille, avait fait les calculs. Si l’on met de côté les 5 000 évacués et relogés, suite aux dizaines d’arrêtés de péril pris dans les mois qui ont suivi l’effondrement de la rue d’Aubagne, « il reste encore 95 000 personnes dans des logements insalubres ».
« Enchevêtrement de compétences »
« La Spla-in ne sera pas le sauveur ou le remède miracle », assure-t-il. « C’est simplement un outil qui va nous aider à aller un peu plus vite et un peu plus loin. Mais la grande avancée aujourd’hui est que nous sommes tous, l’État, la ville et la métropole, autour de la table avec une ambition commune d’éradication de l’habitat indigne ». Un dossier très complexe, qui réclame la mise en place d’une partition bien équilibrée pour éviter la moindre fausse note au regard du nombre d’intervenants publics.
Ce plan partenarial d’aménagement consacrera 2 millions d’euros par an à la réalisation d’études sur différents secteurs jugés prioritaires en centre-ville
« La métropole ne peut être seule à la manœuvre sur ce dossier, il y a un enchevêtrement de compétences et la Spla-In sera un point de jonctions de toutes les actions publiques qui viseront à améliorer la situation. C’est un vaste chantier mais l’outil est adapté. Sur l’habitat indigne, il permet de travailler sur toute la chaîne, de la maîtrise foncière jusqu’au relogement, sans oublier la phase nécessaire de la rénovation du bâti ».
217 millions d’euros pour agir
L’équipe opérationnelle de la Spla-In est en place, dirigée depuis peu par Franck Caro. Elle doit mettre en œuvre le plan partenarial d’aménagement (PPA) adopté en juillet 2019 par la métropole Aix-Marseille-Provence (AMP), la ville de Marseille et l’État. Elle dispose d’un budget de 217 millions d’euros alimenté par l’État, les collectivités (AMP, conseil départemental des Bouches-du-Rhône et ville de Marseille), l’Anah, l’Anru, l’établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’association régionale HLM Paca-Corse et la Banque des territoires. Ce même PPA consacrera 2 millions d’euros par an à la réalisation d’études sur différents secteurs jugés prioritaires en centre-ville, à savoir l’îlot Clovis-Hugues - Belle-de-Mai, l’îlot Noailles-Ventre, l’îlot Noailles-Delacroix et l’îlot Hoche-Versailles.
Il s’agit d’abord d’accorder les violons avec la ville de Marseille, gérée par le Printemps marseillais, et AMP, dont la présidente LR, Martine Vassal, était l’adversaire du maire actuel
Accorder les violons entre la ville et la métropole
Si son action se concentrera dans un premier temps sur le renouvellement de 1 000 hectares en centre-ville de Marseille, la Spla-In aura vocation à intervenir sur l’ensemble des 91 communes d’AMP. Ce travail d’éradication de l’habitat indigne s’articulera avec des actions sur les commerces, les équipements et les espaces publics. La Spla-In pourra s’appuyer sur la société foncière dédiée à la redynamisation économique des centres-villes qu’envisage de créer la métropole. Son objectif est d’acheter, louer, éventuellement rénover et commercialiser, puis revendre des locaux commerciaux situés dans des rues et sites stratégiques des centres-villes métropolitains.
« Sur l’habitat indigne, on tombe souvent sur de la propriété privée, ce qui demande un traitement plus long »
Une intervention facilitée par la Banque des territoires ainsi que d’autres actionnaires privés et/ou publics afin de faire reculer la vacance commerciale et faciliter le déploiement d’activités économiques de proximité. Le directeur général, Franck Caro, a pris ses fonctions début avril. Le travail peut commencer. Il s’agit d’abord d’accorder les violons avec la ville de Marseille, gérée par le Printemps marseillais, et AMP, dont la présidente LR, Martine Vassal, était l’adversaire du maire actuel lors de la dernière élection municipale. « Nous sommes sur une stratégie de cogouvernance. Il n’appartient pas à la ville de Marseille ou à la métropole d’imposer ses vues mais à l’ensemble des acteurs, dont font partie aussi l’État et le département. Au-delà des étiquettes politiques, l’essentiel est d’agir pour améliorer la situation, ce qui est une volonté partagée par tout le monde », assure David Ytier.
Associer les habitants
Reste à savoir comment concilier le temps de la rénovation, complexe dans ses modalités juridiques, ardu dans sa mise en œuvre, et l’impatience légitime des habitants, encore sous le choc du drame de la rue d’Aubagne. « On peut essayer d’aller vite mais il faut tenir aux habitants un discours responsable : tout ne changera pas du jour au lendemain… Sur l’habitat indigne, on tombe souvent sur de la propriété privée, ce qui demande un traitement plus long. Le passage à une phase plus active sera certainement visible. Mais il est absolument nécessaire que les habitants soient associés à la démarche. Sous quelle forme, je l’ignore encore », explique l’élu.
La concertation avec les maires de la métropole est lancée autour du plan local de l’habitat
Une enquête publique a été lancée sur la rue d’Aubagne, préalable indispensable pour « récupérer la maîtrise foncière de plusieurs immeubles. Nous verrons quelles sont les conclusions de l’enquête. De nombreuses idées émergent sur cette maîtrise foncière et les projets qui pourraient en découler. Je le dis et le répète : tout se fera dans la transparence, avec communication régulière à la fois des échecs et des réussites dans tout ce que nous faisons ». Enfin, la concertation avec les maires de la métropole est lancée autour du plan local de l’habitat, l’objectif étant qu’il soit adopté dans moins d’un an. Ce PLH portera la vision de l’habitat sur l’ensemble du territoire, qui présente des situations très variées, avec des enjeux différents du centre-ville de Marseille à d’autres communes. « Le PLH ne peut satisfaire tout le monde mais il doit chercher à répondre à toutes les situations », conclut David Ytier.