Bien manager : place à la stratégie collective, aux métiers et à l'autonomie

Julie Krassovsky

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Bien manager : place à la stratégie collective, aux métiers et à l'autonomie

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Gérer l’incertitude, ce n’est pas verrouiller tout pour maîtriser les aléas. Ces réflexes de contrôle doivent être abandonnés au profit d’attitudes plus intelligentes : l’écoute du terrain, la réflexion collective, le travail sur le sens… Ça change, mais c’est le seul moyen d’avancer en terrain mouvant.

Article publié le 19 février 2016

L’environnement des collectivités, en constante mutation, impose des réponses qui ne se trouvent ni dans la gestion de la restriction, ni dans le contrôle. Au contraire, il faut parier sur la stratégie collective, les métiers et l’autonomie. Au fil des années, le management public s’est complexifié, en partie à cause de facteurs économiques, bien sûr, mais aussi sociodémographiques, socioculturels, technologiques, juridiques et institutionnels.

Le défi à relever suppose de parier sur l’humain et le collectif pour transformer les contraintes en opportunités.

La nouveauté tient à la rapidité des mutations et à l’horizon, de plus en plus à court terme, du changement. Pour Philippe Dressayre, « les encadrants doivent absolument favoriser l’émergence d’une intelligence collective, développer l’agilité des structures et des modes de fonctionnement et assurer la production de sens ». Le consultant en management ajoute « le défi à relever suppose, au contraire, de parier sur l’humain et le collectif pour transformer les contraintes en opportunités. Les managers doivent adapter les objectifs aux moyens et pas l’inverse ». Pour sortir des carcans, ces mêmes managers ont à s’affranchir de quatre postures généralement bien ancrées : la nécessité de tout comprendre avant d’agir, le refus du droit à l’erreur, l’aversion du risque, l‘organisation bureaucratique verticale. Vaste programme !

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Gérard Varaldi, consultant : « Se positionner sur l’intelligence collective »
« La réalité est souvent la dimension la moins partagée dans une collectivité en raison d’une différence et d’une distance, sociale ou professionnelle, entre les groupes. Or, un des sujets du travail collectif s’appuie justement sur le partage d’une certaine réalité. Pour y arriver, il faut commencer par constituer clairement les groupes suivants, les instances professionnelles, l’équipe de direction. Chacun doit avoir conscience de ce qu’il doit au groupe. Il faut construire un véritable pacte de coopération entre la hiérarchie et le management qui est parfois difficile à obtenir. L’incertitude du lendemain, la permanence de l’aléa et la forte tension sur les moyens obligent à donner des garanties sur le quotidien. Interface entre « le terrain » et l’échelon de direction, les cadres managers doivent fédérer autour d’un dialogue constant avec les collaborateurs et les agents. Ce n’est pas parce qu’il ne maîtrise pas tout que le manager ne peut pas commencer à agir. Il peut préparer les négociations, ce à quoi il tient comme valeur, actions et domaines. Il doit envisager des scénarios d’arbitrage avant même un changement de hiérarchie ou d’exécutif. »

Penser le management dans le changement permanent

Qu’on se rassure, de nombreuses collectivités expérimentent de nouveaux modes de gouvernance basés la plupart du temps sur une réflexion collective. Sandra Chelelekian, directrice associée du cabinet Cap Nova, a ainsi accompagné une communauté de communes rurale sur son projet d’élaboration du territoire. Des groupes de réflexion ont été constitués mêlant agents de terrain, directeurs de services, encadrants intermédiaires, avec pour objectif d’arriver à définir leur collectivité en 2025. « Il leur fallait imaginer comment mettre en scène la présentation de la commune. Faire un choix de vocabulaire pour ainsi les aider à envisager une ligne directrice ».

Les remontées du terrain, le sentiment des agents

sur leur travail font partie intégrante de cette « intelligence collective » qu’il faut faire émerger dans les collectivités.

Directeur général des services de la communauté d’agglomération de la Plaine centrale du Val-de-Marne, Fabien Tastet, par ailleurs président de l’Association des administrateurs territoriaux, est un fervent partisan d‘une évolution de la posture des managers. « Il m’est arrivé de passer deux jours en immersion avec un cantonnier. Je l’ai accompagné dans ses tâches quotidiennes. Au lieu d’exprimer des inquiétudes quant à son emploi, il m’a, au contraire, proposé des idées pertinentes d’aménagement pour son service ! ». Les remontées du terrain, le sentiment des agents sur leur travail font partie intégrante de cette « intelligence collective » qu’il faut faire émerger dans les collectivités. « C’est un moyen de mettre les actions en cohérence. J’aime aussi la pratique des assemblées générales. Dans l’Essonne, nous avions mis en place le blog du directeur général qui permettait de transmettre des informations en temps réel, de valoriser les services. Nous recourions aussi à des tchats sur des sujets précis comme la loi « Notre » », confie-t-il. Autant de moyens de diversifier les échanges et d’alimenter le dialogue avec les agents.

Donner du sens

Pour Philippe Dressayre, « le service public n’est pas seulement de la production de services et de réalisations mais surtout une réponse à des besoins. Pour aider chacun à comprendre l’utilité de ce qui lui est demandé comme contribution à la réalisation d’un objectif commun, le manager doit donner du sens, ce n’est pas seulement le rôle de l’élu ». Les managers doivent aussi parfois élaborer une stratégie d’accompagnement qui ne sera pas forcément participative mais plutôt directionnelle. « Dans ce cas, précise le consultant, il devra équilibrer le négociable et le non-négociable, identifier les groupes qui vont y perdre plus que d’autres, et ceux qui vont avoir les moyens de résister. Puis monter des actions ciblées en fonction de chacun de ces acteurs ».

Fabien Tastet, directeur général des services de la communauté d’agglomération de la Plaine centrale du Val-de-Marne : « Donner du pouvoir aux agents »
« Le manager n’est plus celui qui dispose de l’information mais plutôt celui qui la hiérarchise. Il doit aujourd’hui donner du pouvoir aux agents. Dans ma collectivité précédente, le conseil général de l’Essonne, c’est ce que nous avons porté auprès des maisons des solidarités (sept cents agents). Si la collectivité avait annoncé les priorités d’objectifs de politique publique et les moyens qu’elle y mettait, l’organisation de terrain, la mise en œuvre ont ensuite été laissées à l’initiative des agents. Les équipes ont travaillé pendant trois ou quatre mois. Puis nous avons fait le tour des dix maisons des solidarités. À partir d’une enveloppe budgétaire, égale entre chaque institution, certaines d’entre elles ont créé des postes liés aux besoins, d’autres ont revu leur organisation de travail interne. Des choix adaptés qui ont permis de sortir des guides de réponses de type standard. Le pouvoir managérial doit être capable d’assumer cette partie subjective. S’il déroge parfois à la doctrine de la collectivité, il faut que la décision soit transparente et assumée. »

 

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