Bilan contrasté pour les ZSP

Séverine Cattiaux

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Bilan contrasté pour les ZSP

320px-French_Police_p1230006© 2007 David Monniaux

© 2007 David Monniaux

Soixante-quatre « zones de sécurité prioritaires » (ZSP) ont été mises en place. Dans certains quartiers, il s'agit du retour de l'État de droit et certains acteurs de terrains créditent le dispositif d'une réussite assurée. Mais le dispositif ZSP n'est pas tout rose.

Trois mois après l'installation de la zone de sécurité prioritaire de Grigny (90 % du territoire de cette commune de l'Essonne), les chiffres de la police (1) étaient spectaculaires : vols avec violence en recul de 39 %, cambriolages divisés par 2, vols de véhicules qui ont chuté de 66 %, incendies de véhicules en chute libre. La délinquance avait baissé globalement de 62 %. Côté syndicat, pour Philippe Capon, secrétaire général de l'Unsa Police : « les habitants dans les ZSP reprennent confiance et discutent avec la police parce qu'elle est de nouveau présente en continu, ce qui était encore inimaginable il y a quelques mois... ». Mais la médaille a son revers...

Sous perfusion

Jusqu'ici, les ZPS fonctionnent avec les personnels locaux : en sous-effectifs donc, puisque les effectifs globaux de la police ont chuté ces dernières années... Ces agents locaux sont par conséquent soutenus par le concours de services de sécurité extérieurs plus musclés (CRS mobiles, GIR, Brigade anticriminalité...). Exemple : sur la ZSP de Montreynaud, à Saint-Étienne, la présence policière est organisée de 8 heures à 23 heures, avec un roulement des services de la police nationale qui vient en renfort... La nuit : c'est la BAC qui prend le relais.

Mais les ressources humaines supplémentaires et spécifiques mobilisées sur la ZSP manquent a fortiori ailleurs... Tout est donc affaire de bonne, voire de fine coordination et de ciblage... Le ministère avait ainsi précisé dans sa circulaire de juillet 2012 instaurant le dispositif ZSP : « pour éviter une dispersion des ressources, [les] actions [dans les ZSP] devront être concentrées sur un nombre restreint d'objectifs [2 à 4] clairement identifiés ».

Problème : les syndicats de police Alliance et UNSA notent le report de la délinquance aux frontières de certaines ZSP, et ils se plaignent même parfois d'être en sous-effectifs dans les ZSP (incidents de juillet 2013 à Roubaix et Tourcoing) en dépit de la mobilisation exceptionnelle. Ils attendent donc, de pied ferme, les nouvelles recrues promises par le gouvernement : 270 effectifs supplémentaires prévus pour les ZSP d'ici la fin de l'année 2013, puis 500 postes annuels supplémentaires de policiers et de gendarmes, affectés prioritairement aux ZSP.

La ZSP est loin d’être un dispositif descendant, son pilotage est basé sur le partenariat local

Pilotage partenarial et local

La ZSP est loin d'être un dispositif descendant, ce qui est un élément à porter à son crédit. Son pilotage est basé sur le partenariat local, réunissant services de l'État, justice, police, direction des territoires, répression des fraudes, douanes, bailleurs sociaux, transports en commun, responsables des collèges des zones d'éducation prioritaire... La ZSP répond aussi aux situations locales. Sur la zone de Montreynaud, s'est ainsi fait sentir le besoin d'affecter deux officiers réservistes pour faire le lien avec la population, laquelle peut les appeler à tout moment. « Ça, c'est extrêmement positif » estime Régis Juanico, député de la Loire, qui a plaidé en faveur de l'installation de cette ZSP.

Autre nouveauté du dispositif : il oblige des institutions qui n'en avaient pas toujours l'habitude, à coopérer. Certes, il existait bien depuis 2002 les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) mais ils n'étaient pas obligatoires et sont souvent « un lieu d'échange sans réelle capacité décisionnelle » estime Manuel Valls (circulaire de juillet 2012). Fini donc la parlote : place à l'action.

Le député Régis Juanico relève aussi un autre point positif de la méthode ZSP : « des objectifs et priorités réajustés régulièrement entre les partenaires au fil des réunions tous les deux mois ». L'aspect « prévention » ne semble pas avoir été totalement oublié du montage des ZSP, (même s'il est rapidement évoqué dans la circulaire) : une partie des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance est en effet réservée pour les ZSP. Quelque peu sibylline, l'injonction du ministère de l'Intérieur (toujours dans sa circulaire), appelant tous les préfets à trouver des « indicateurs qualitatifs, objectivement mesurables » pour évaluer les ZPS.

Pas convaincus, les médiateurs de terrain trouvent « troublants » les bons résultats affichés par la police

D'autres luttes à mener...

À Grigny, quelques mois après l'installation de la ZSP, les médiateurs sur le terrain n'étaient pas convaincus et trouvaient même « troublants » les bons résultats qu'affichait la police : « le trafic continue dans les halls d'entrée [...], la présence de la police est visible mais n'a pas une réelle influence sur le comportement des jeunes ! » ((Source reportage France Info mars 2013.)). C'est aussi le sentiment de Philippe Rio, maire de Grigny qui observe que la ZSP, aussi partenariale soit-elle, ne pourra rien, sans que l'on s'attelle à deux problèmes qui concernent la jeunesse : « Primo : il faut couper le lien entre la délinquance et les jeunes ». Ses solutions ? « L'accès à l'éducation et, dès le plus jeune âge, développer l'offre en loisirs, sport, et culture... ». « Deuxièmement : la lutte contre la récidive... Le « tout-emprisonnement » pour les jeunes ne me convient pas. Mais alors, assurons correctement le suivi des jeunes en instance de jugement, et ceux sous mains de justice ! ». Ce qui est loin d'être le cas...

Témoignages : La « ZSP », qu'est-ce que ça change ?

Régis Juanico, député PS de La Loire
« Globalement, depuis 4 mois, sur la ZSP du quartier de Montreynaud, très peu d'actes d'incivilités ont été relevés. Il y a eu un peu plus de difficultés par rapport au phénomène d'occupation de halls d'immeubles. Au niveau de la prévention à la sécurité routière, le paquet a été mis... Intéressant aussi le fait que la ZSP agisse sur différents leviers. La préfète a ainsi demandé aux services de la Direccte de procéder à des contrôles sur le plan économique et social des entreprises de la zone franche urbaine (Nldr : vérifier qu'elles remplissent bien leurs contreparties aux exonérations fiscales). Logiquement, on devrait constater une augmentation des actes de la délinquance dans les mois qui viennent, du fait de l'activité plus importante des services de police, puis un ralentissement, et une baisse de la délinquance... Après, est-ce qu'il y a aura un déplacement de la délinquance dans d'autres quartiers périphériques de la ZSP ? Difficile à dire. Il faudra également comparer les chiffres avant, après, dans ces quartiers-là. »

Philippe Rio, maire de Grigny dans l'Essonne
« Le bilan que je fais est plutôt positif. Je note des rencontres régulières entre le préfet, le procureur, la police, les services de sécurité... Sur le terrain : une action de police renforcée, avec une compagnie de CRS mobile, et la BAC, Il y a un peu plus d'écoute sur le quartier, même si on a régulièrement de l'incivilité [...]. La ZPS permet en tous les cas de sortir d'une certaine impuissance. On bouscule des pratiques enkystées de squat, notamment sur les grandes pelouses. Il y a une volonté d'étouffer le trafic de stupéfiants. Autre chose : je trouve intéressant que la ZSP s'attaque à la délinquance en col blanc : les marchands de sommeil. Dans ce groupe de travail spécial, des institutions qui se rencontraient peu : le préfet, la mairie, la CAF, l'agence régionale de la santé, la répression des fraudes, la police... »

Philippe Capon, secrétaire général de l'UNSA Police
« La ZSP devrait être le fonctionnement général de la police nationale... Nous devrions pouvoir mener de telles collaborations efficientes et efficaces entre les différents services qui concourent à la sécurité, partout en France... Car le constat est là : la police ne peut pas régler les problèmes à elle toute seule. Il faut travailler avec les bailleurs sociaux, les associations, travailleurs sociaux, les douanes... À défaut de le faire partout, on le fait uniquement dans les ZSP, où on concentre beaucoup de moyens au détriment du reste... L'arrivée des nouveaux effectifs et le remplacement de tous les départs à la retraite par le gouvernement sont très attendus... »

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