Urban greening
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Depuis 2008, un groupe de recherche de l’université de Toronto, Canada, explore les différentes initiatives prises autour de l’agriculture urbaine dans le monde. Le résultat de leurs recherches est présenté dans une exposition itinérante, mais aussi sur leur site, une vraie source d’inspiration.
C’est un projet universitaire qui a dix ans : un groupe de professeurs spécialisés en architecture et paysagisme de l’université Ryerson, à Toronto, agglomère, avec l’aide des étudiants, toutes les initiatives relatives à la production alimentaire urbaine. Il résulte de ce travail une véritable bible des bonnes idées, où chacun peut piocher et imaginer, à son tour, des solutions en adéquation avec la sociologie et les caractéristiques d’aménagement de sa propre ville. Les chercheurs ont tiré de ce travail une exposition itinérante qui est notamment passée par les grandes villes de France en 2012, mais qui, aujourd’hui encore, poursuit sa mission à travers le monde, en anglais, français, italien et arabe.
Les productions verticales sont utilisées depuis des millénaires.
Pour y voir plus clair, cinq catégories d’aménagements agricoles ont été distinguées, autour de différentes échelles urbaines : la ville, les quartiers, les logements et les toits. S’y ajoute une partie consacrée aux contenants, les bacs, sacs, conteneurs rendant possibles les cultures, même sur terrains pollués ou sur des surfaces minérales. Voici, pour chacune de ces catégories, un exemple des initiatives qu’ils ont recueillies.
Villes : Alternatives et les plants autonomes de Montréal
La ville québécoise héberge de plus en plus de jardins sur les toits de ses immeubles. Le projet Des jardins sur les toits ((www.lesjardins.ca)) ambitionne non seulement de produire des fruits et des légumes, d’embellir le paysage et de favoriser une activité physique saine et productive, mais aussi de contribuer à la réduction des îlots de chaleur, à la récupération des déchets organiques et à la croissance de la biodiversité.
Montréal héberge de plus en plus de jardins sur les toits de ses immeubles.
La méthode innovatrice de ce projet tient dans l’auto-arrosage des plants : fruits et légumes sont cultivés dans des contenants munis d’un réservoir d’eau, qui servent aussi de récipients pour recueillir l’eau de pluie. L’eau contenue permet d’hydrater les plants sans intervention durant trois à cinq jours. Ces bacs permettent aussi l’agriculture sur des sols contaminés.
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Communautés et savoir partagé : à Brooklyn, la « cour d’école comestible »
En 1995, Alice Walters, grande cuisinière et auteure renommée, lance avec la Fondation « Chez Panisse » un programme destiné à apprendre aux enfants à cultiver et préparer des aliments sains. Lancé initialement à Berkeley, en Californie, ce projet a consisté à créer une cuisine et un jardin potager biologique de 4 000 m² sur un terrain vacant adjacent à l’école. Les instituteurs et éducateurs l’utilisent comme une salle de classe interactive pour sensibiliser les élèves. Au passage, les menus de la cantine s’en sont trouvés améliorés… grâce à la production interne !
À Brooklyn, un jardin potager bio de mille mètres carrés a été aménagé, ainsi qu’une serre mobile, des espaces de culture et de cuisine.
L’école Arturo Toscanini de Brooklyn a repris et développé ce concept sur un ancien parking : un jardin potager bio de mille mètres carrés a été aménagé, ainsi qu’une serre mobile, des espaces de culture et de cuisine pour que des cours de cuisine soient dispensés. Parents et habitants du quartier sont inclus dans le projet.
Carrot city, creating places for urban agriculture*, le livre de l’exposition
En anglais**, ce livre décrit les meilleurs exemples d’implantation d’agriculture urbaine. Quelles stratégies pour réintroduire l’agriculture en ville, quel design ? Une quarantaine d’initiatives sont décrites, depuis les plus simples mesures pour inciter les habitants à aménager un potager chez eux, jusqu’aux plans urbains d’envergure. Une série richement illustrée qui montre l’intérêt de réintroduire l’agriculture tout en réalisant des aménagements audacieux au design attractif.
Les deux auteurs sont des membres fondateurs du projet : Mark Gorgolewski est professeur au département de Science architecturale à l’université Ryerson de Toronto et spécialiste de design durable, June Komisar est architecte et professeure associée de cette même université, également membre du département alimentation de la municipalité de Toronto ; enfin Joe Nasr est un spécialiste de l’agriculture urbaine et de la sécurité alimentaire.
*240 pages, Éditeur : Monacelli Press, 50 $, vendu notamment sur http://www.monacellipress.com/book
**Le site www.carrotcity.org offre une version française du descriptif sur de nombreuses initiatives répertoriées.
Maisons : l’« agro-housing » à Wuhan, Chine
L’agro-housing, ou logement agricole, est un immeuble imaginé en 2007 par le bureau d’architecture israélien Knafo Klimor, à l’occasion d’un concours. L’objectif de ce projet était d’intégrer la production alimentaire dans le bâtiment, pour augmenter la résilience urbaine. Les architectes ont imaginé un bâtiment où les résidents auraient accès à un espace de culture alimentaire sur place, pour eux-mêmes ou pour vendre la production à une communauté locale.
L’agro-housing, ou logement agricole, est un immeuble permettant d’intégrer la production alimentaire dans le bâtiment, pour augmenter la résilience urbaine.
Une solution pour certaines familles pauvres, capables ainsi de compléter des revenus parfois insuffisants. L’objectif est à la fois de favoriser l’interaction communautaire et de conserver les compétences et valeurs rurales des nombreuses familles forcées de migrer vers les villes pour trouver un travail. L’immeuble comprend des espaces communautaires et semi-privés, un espace vert sur le toit et une grande serre au centre, sur plusieurs étages. Ce projet proposait une réflexion sur l’importance de conserver des cultures et traditions rurales au sein d’un environnement urbain dense, il n’a pas été concrétisé à ce jour.
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Les toits : à Chicago, des « rooftops » productifs
Grâce à un programme de subvention de la ville, les toits verts productifs se multiplient à Chicago : on en compte déjà plus de deux cents, pour une superficie totale de 23 hectares. Parmi eux, de petits projets commerciaux dont les toits fournissent des légumes et des herbes aromatiques aux commerces situés en rez-de-chaussée. Un quartier défavorisé, par le biais de son centre de la jeunesse, a également vu éclore un jardin de 760 m² aménagé au-dessus d’un gymnase et d’un café.
Le jardin, pratiqué sur de longues bandes de terre de cinquante centimètres de profondeur, a produit plus de 450 kg de nourriture en un an.
Le jardin, pratiqué sur de longues bandes de terre de cinquante centimètres de profondeur, a produit plus de 450 kg de nourriture en un an grâce au rayonnement solaire et à la perte de chaleur du gymnase, auxquels s’ajoutent des tentes installées pour prolonger la saison de croissance jusqu’en hiver. Les groupes d’élèves viennent apprendre les cycles alimentaires du semis à la table, et profiter des produits qu’ils ont cultivés.
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Les contenants pour pousser : des contenants suspendus
Parmi les différents contenants répertoriés par les chercheurs, les productions verticales sont utilisées depuis de millénaires. Les containers en hauteur permettent de décupler la capacité d’exploitation, mais peuvent aussi avoir tout simplement une valeur esthétique. Ainsi, après la prolifération des murs végétaux, apparaissent les murs comestibles, installés en extérieur ou en intérieur, en choisissant le type de végétation adapté au milieu. Les systèmes, modulaires souples ou rigides, sont souvent élaborés avec des matériaux réutilisables. Ils permettent de modifier l’agencement en fonction du lieu ou des cultures, et offrent une souplesse digne d’intérêt pour les jardiniers urbains comme pour les populations dans la nécessité.