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Dans cette discipline plus que dans toute autre, les décisions sont prises en haut et elles sont appliquées en bas. La construction d’un budget local laisse bien peu de place aux bonnes résolutions managériales de participation ou d’horizontalité. Pourtant, changer d’optique pourrait permettre, là aussi, des politiques publiques plus efficaces.
À l’heure où les budgets des collectivités sont votés, la question de la délégation, de la confiance et de leur traduction concrète se pose de manière particulière. La fabrication de ces budgets locaux révèle beaucoup de la conception des services publics.
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- 10 % partout
Il y a les collectivités dans lesquelles les budgets N-1 sont reconduits systématiquement, puis des ajustements sont faits à la marge pour faire rentrer les dépenses dans les recettes. Il y a celles qui essaient d’évaluer la qualité de ce qui est fait et où le budget doit être repensé en fonction de cette évaluation des politiques publiques. Et puis il y a celles, nombreuses, dans lesquelles il est décidé que tout le monde doit appliquer la même règle, généralement à la baisse : - 10 % (chiffre vu à de multiples reprises récemment). De telle manières posent de nombreuses questions managériales.
C’est tout un système que ces manières de faire embarquent qu’il faudra bouleverser
D’abord parce qu’elles s’accompagnent nécessairement d’une dose d’arbitraire : la baisse unilatérale est la suite logique de l’absence de détermination de priorités politiques (sinon, l’argent serait mis dans les choses considérées comme importantes quitte à en soustraire ailleurs). Le moins que l’on puisse dire est que cela manque de sens, de direction, politique. Et comment donner du sens en interne quand on n’est pas capable de le faire en direction des citoyens ?
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Une marque majeure de confiance
Ensuite, parce qu’elles sont souvent accompagnées d’une dose de brutalité : l’oukase est rarement vécu par les troupes comme un signe de confiance. Et à raison. Parce qu’en réalité, rares sont les endroits dans lesquels on donne la possibilité aux acteurs de terrain de choisir où les coupes sont possibles, où elles ne le sont pas, où des marges de manœuvres pourront être trouvées sans trop de dégâts, où moins d’argent se traduira obligatoirement par moins de service public. Je me souviens d’un consultant qui me disait qu’il y avait un acte managérial majeur dans ces gestes comptables : parce qu’il y avait une marque majeure de confiance dans les équipes à considérer que leur expertise d’usage les légitimait à pouvoir décider de la meilleure utilisation de l’argent disponible. Et que oui, on pouvait considérer qu’un chef d’équipe de jardiniers municipaux était mieux placé pour savoir où il pouvait économiser que son N+3 ou que la direction des finances.
Mais si l’on veut changer, c’est tout un système que ces manières de faire embarquent qu’il faudra bouleverser. Mettre en place la structure et les processus pour responsabiliser les agents du haut en bas, leur faire confiance, les former à pouvoir exercer cette autonomie, y compris dans des décisions « régaliennes » (finances, RH…). Le chantier est devant nos yeux : pour rompre réellement avec la verticalité, il faut en tirer les conséquences organisationnelles et managériales et aller jusqu’au bout.