Ces villes « amies des aînés »

Marjolaine Koch
Ces villes « amies des aînés »

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© oneinchpunch - adobestock

L’Organisation mondiale de la santé fédère plus de 500 villes à travers le monde afin d’améliorer le quotidien des personnes âgées. Toutes ces communes partagent leur méthodologie et leurs initiatives pour tendre vers une ville plus inclusive.

La ville, ce territoire hostile à toutes les populations non « standard » : entendez par là les personnes malhabiles, lentes, de petite taille ou dont la mobilité est réduite. Les aménagements urbains sont pensés pour un individu actif et bien portante, qui circule à travers la ville sans jamais (ou presque) s’y arrêter. Les enfants eux, manquent de visibilité, et les personnes à mobilité réduite peinent à franchir certains obstacles, malgré les normes d’accessibilité en vigueur.

Des environnements accueillants pour le plus grand nombre

Pour inverser la tendance, depuis 2010, l’Organisation mondiale de la santé fédère un réseau des « villes amies des aînés ». Ce réseau incite à repenser les environnements de façon à ce qu’ils soient accueillants pour le plus grand nombre. Huit ans plus tard, 541 villes et communes, réparties dans 37 pays, en sont membres. Ensemble, elles améliorent la mobilité, les conditions d’accès, mettent en place des structures, innovent et partagent leurs bonnes pratiques.

En Belgique, Mons a rejoint le réseau en 2014. Sa première démarche a été d’élaborer un « diagnostic de terrain participatif » avec l’appui de l’Observatoire de la santé local, selon une méthode originale. L’enquête abordait les thèmes recommandés par l’OMS (voir encadré), et prenait la forme d’entretiens. Pour les réaliser, les aînés du conseil de Mons ont été mis à contribution : coachés et formés, ce sont eux qui sont partis interroger les aînés de la municipalité. En binôme, ils ont rencontré une quarantaine de personnes à domicile. Parallèlement, deux enquêtes similaires ont été réalisées, l’une par une étudiante en santé publique, l’autre par une étudiante en sociologie, auprès des professionnels et des aînés.

L’originalité de l’enquête menée par les aînés du Conseil de Mons tenait à sa méthode « boule de neige »

L’originalité de l’enquête tenait à sa méthode « boule de neige » : les premiers enquêteurs du conseil des aînés ont mené une première interview avec une personne de leur entourage. Cette personne devait ensuite les introduire auprès d’une de leurs connaissances en respectant les critères d’échantillonnage, et ainsi de suite. Cette méthode a permis de mobiliser le réseau social des personnes âgées, et de toucher des habitants qui n’auraient pas été atteints par les méthodes classiques. Il est ressorti de cette étude un ensemble d’attentes et de revendications de la part de ce public, qui a servi de base à l’élaboration d’un plan triennal pour la ville. Ce plan, une fois finalisé, a été présenté à l’OMS qui a labellisé la ville « amie des aînés ».

Le premier bilan canadien

 En Ontario, la commune de Hearst (Canada) en est à son second plan. 2017 fut l’occasion de présenter un bilan des accomplissements du premier acte. Outre des campagnes de sensibilisation à la sécurité routière, des balises clignotantes ont été placées aux cinq intersections les plus fréquentées de la ville, afin de réduire la vitesse et de donner la priorité aux piétons. Des négociations avec les sociétés d’autocars locales ont débouché sur la mise à disposition de bus plus adaptés aux personnes âgées et la garantie de déneiger les marches de la passerelle de bus en hiver.

Un suivi au long cours par la ville pour faire la jonction entre les univers des ainés et des écoles a certainement manqué

En parallèle, des discussions ont été engagées pour organiser des navettes entre les périphéries et le centre de la ville, notamment pour les rendez-vous médicaux à l’hôpital local. Sur le plan de l’inclusion sociale, la ville admet un semi-échec : des rencontres avec les directions des écoles avaient permis d’identifier les activités pour lesquelles ils auraient besoin d’aînés. Suite à cela, une liste de personnes disponibles pour du bénévolat avait été créée. Si quelques activités ont pu voir le jour, aucune n’a semblé se maintenir. Un suivi au long cours par la ville, pour faire la jonction entre les deux univers, a certainement manqué. De nouvelles pistes sont à l’étude.

Enfin, Portland est certainement l’exemple le plus abouti dans ce réseau de « villes amies des aînés » : elle est la première ville des Etats-Unis à s’être engagée dans la démarche de l’OMS. Un travail complet d’adaptation de la voirie a été conduit. Les bords de trottoirs ont été adoucis, l’éclairage renforcé, des bancs et des ralentisseurs de trafic ont été installés. Et pour couronner le tout, une ONG locale recueille les avis des usagers pour dispenser son label « Elders Friendly » aux commerces jugés accueillants envers les personnes âgées.

 Lire aussi :  Générations : une maison de retraite qui est aussi une crèche…

Une mine d’idées à piocher
- À Vancouver au Canada, une opération « Panthères blanches » a été instaurée. Les personnes de plus de 65 ans participent systématiquement au processus de décision sur l’aménagement urbain. La ville part du principe que ce sont les plus de 65 ans qui marchent et observent le plus, qu’ils ont une bonne connaissance et une expérience de la pratique de leur environnement, et qu’ils sont une référence pour tous les autres usagers.
- À Vienne en Autriche, les étudiants sont mis à contribution à travers leurs travaux d’étude. Ils ont identifié, repéré par GPS et cartographié les « points noirs » pour les aînés, puis ils ont étudié les besoins communs aux enfants et aux personnes âgées dans l’espace public : carrefours, barrières, trottoirs, bancs, rampes…
- À Essen en Allemagne, des « Walk Audits » ont été menés avec les étudiants de l’Université de Duisbourg. Leurs évaluations ont montré l’intérêt de l’expérimentation sous forme d’aménagements temporaires et du questionnement in situ, ainsi que l’importance des points d’arrêt bus et du confort des échanges multimodaux pour les personnes âgées.
- À Baden en Suisse, des aires de jeu pour adultes, comme des jeux de dames ou d’échecs géants, ont été aménagés sur les grandes places, pour provoquer un mélange des générations et des rencontres.

Les engagements des villes adhérant au réseau
Pour rejoindre le réseau de l’OMS, les villes doivent remplir un formulaire d’adhésion, écrire un courrier indiquant qu’ils s’engagent à entreprendre un cycle d’amélioration continuelle dans le cadre du réseau, et détailler ce cycle qui peut durer jusqu’à cinq ans. Le plan d’action s’attachera à améliorer les espaces extérieurs et les bâtiments, les transports, le logement, la participation au tissu social, le respect et l’inclusion sociale, la communication et l’information, le soutien communautaire et les services de santé. Une première phase de planification, à laquelle sont inclus les aînés, sert à identifier les points à améliorer et à élaborer un plan d’action. Cette phase peut durer deux ans. Ensuite, le plan d’action est mis en œuvre entre les années trois et cinq. Durant cette période, un suivi des avancées doit être établi en suivant une grille d’indicateurs prédéterminés. Enfin, le cycle s’achève par un bilan des avancées, puis l’élaboration d’un nouveau plan pour le cycle suivant.

Toute ville qui rejoint le réseau peut accéder à SharePoint, une plateforme sociale en ligne qui permet de partager des approches, d’améliorer l’accès aux connaissances, d’identifier des experts et de créer des partenariats entre les différents acteurs, pour améliorer le quotidien des personnes âgées.

Pour le moment, l’OMS n’a pas fixé de critères ou de repères pour l’évaluation des résultats, chaque commune les détermine pour elle. C’est toutefois une mesure que l’OMS compte mettre en place à l’avenir pour estimer les avancées véritables des quelque 541 villes membres.

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