claude_fluck
© Claude Fluck
Claude Flück intervient depuis plus de trente ans dans le domaine des ressources humaines et de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), comme directrice de projet et spécialiste des référentiels (métiers, compétences et formation). Ses interventions se déroulent en France et sur le continent africain, dans des organisations privées (entreprises industrielles ou de service, centres de formation), publiques (ministères, offices, institutions publiques et parapubliques) ou associatives (ONG, associations, fondations…).
À lire : Management des compétences en pratique, Gereso éditions. Dispositifs, méthodes et outils concrets, 2017
Comment résumeriez-vous l’objectif général de cet ouvrage ?
Toutes les organisations (privées, publiques) ont le même souci, celui de mener leurs missions avec un personnel compétent bien sûr (la bonne personne à la bonne place), mais surtout avec un personnel qui demeure compétent, quelles que soient les transformations internes et les pressions de l’environnement. Ce qui diffère d’une organisation à l’autre, c’est la manière de subir ou de prendre la main sur les événements ou, en d’autres termes, de se forger les moyens d’en réduire les dégâts potentiels.
Cet ouvrage propose un processus global centré sur l’adaptation du personnel à l’évolution des métiers et des pratiques professionnelles qui en découlent. Il est essentiellement destiné à ceux et celles qui doivent œuvrer dans ce domaine et se veut concret et accessible.
Aucun métier ne se transforme du jour au lendemain sans que des signes avant-coureurs et des études s’en soient fait l’écho.
Vous évoquez l’enjeu de l’ajustement RH face aux mutations (innovation, digitalisation, management…). Comment faciliter celui-ci ?
Une des idées reçues dans le domaine est que les métiers évoluent si rapidement et avec une telle intensité, que l’on ne peut que subir les changements. De fait, aucun métier ne se transforme du jour au lendemain sans que des signes avant-coureurs et des études s’en soient fait l’écho. La transformation digitale qui touche d’ores et déjà les organisations, les conditions de travail et les pratiques managériales, en est un bel exemple. Si la digitalisation représente en effet un défi technologique majeur souvent acté, les conséquences professionnelles associées ne semblent pas encore représenter un impératif pour les structures. Il y a là une double opportunité pour les services ressources humaines, digitaliser leurs propres prestations d’une part, tout en accompagnant les managers et les professionnels concernés dans ce domaine d’autre part. Une manière de renforcer leur crédibilité à travers la conduite opérationnelle de projets compétences.
Vous insistez aussi sur la nécessité de se donner des repères ?
Une chose est d’annoncer des transformations d’envergure, qui peuvent être stratégiques, réglementaires, techniques, commerciales, juridiques, financières, technologiques, culturelles… Une autre est de prendre en compte les conséquences professionnelles et humaines que vivent les personnes à leur poste de travail, au quotidien. On donne trop souvent des injonctions de changement sans dessiner les caractéristiques du changement lui-même. L’avenir des organisations quelles qu’elles soient repose sur la capacité des individus à se situer personnellement et collectivement dans des perspectives d’adaptation, de rebond, de développement de compétences.
On donne trop souvent des injonctions de changement sans dessiner les caractéristiques du changement lui-même.
Apprendre à faire face aux risques ensemble impose de partir de problèmes majeurs de compétences reconnus par les dirigeants, de dessiner la route à suivre, d’en étudier la faisabilité, les conditions de réussite précises et les engagements indispensables avant d’enclencher concrètement les démarches et d’y engager les humains. C’est tout l’enjeu d’un projet compétences.
Vous proposez des démarches et des outils pour les décideurs et managers. Sur lesquels insisteriez-vous plus ?
Les démarches et les outils sont indispensables et l’ouvrage en propose une vingtaine, utiles et reliés aux trois processus proposés (projet, management des compétences et accompagnements des personnes). Mais il permet surtout d’attirer l’attention sur une dérive. En effet, cantonner la GPEC aux outils et notamment, aux référentiels de compétences, procède d’une vision réductrice.
Cantonner la GPEC aux outils et notamment, aux référentiels de compétences, procède d’une vision réductrice.
C’est la conception d’un projet compétences (le but, l’objectif) mais également la manière de le mener qui conditionnent l’efficacité des outils. Ce qui est difficile. Et pourtant, le gage de la réussite, ce sont les synergies positives dans l’action quotidienne : l’alliance entre les dirigeants, les managers et les services ressources humaines pour s’accorder sur un projet ; l’alliance entre les services RH, les encadrants de proximité, les agents concernés et les partenaires sociaux pour conduire et concrétiser le projet au quotidien. La qualité des relations, de la réflexion, des démarches, des engagements conjoints de toute la chaîne des contributeurs, vaut autant que la technicité des démarches et des outils.
L’enjeu primordial est de co-construire le devenir des métiers, de garder les compétences en adéquation avec un environnement en perpétuelle mutation.
Comment résumeriez-vous l’enjeu de management des compétences très présent dans votre ouvrage ?
Tant pour les organisations que pour les individus, confrontés à un environnement en perpétuelle mutation, l’enjeu primordial est de co-construire le devenir des métiers, de garder les compétences en adéquation avec cet environnement, d’introduire de nouvelles pratiques professionnelles, et de les inscrire dans des espaces de collaboration, de partage, de veille. Il s’agit de limiter la pénurie et/ou les recrutements en urgence en s’appuyant sur les dispositifs de développement des richesses humaines, en valorisant les acquis des salariés et en favorisant leur accompagnement. Peut-être est-ce la contribution des organisations au développement de « compétences durables » ?