Code du travail et statut : double tentative de meurtre

Nicolas Braemer

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Code du travail et statut : double tentative de meurtre

Code du travail

© curtisneville

Derrière l'offensive contre le statut et contre le code du travail, il y a l'idée qu'en négociant localement les droits des salariés, on gagnerait en souplesse. Mais n'oublions pas que la loi est toujours plus protectrice et que rien ne justifie qu'on ampute les protections des salariés, du public comme du privé.

Article publié le 21 septembre 2015

Ainsi donc, il est devenu de la plus haute modernité de vouloir la peau de tout ce qui ressemble à un cadre national de protection des salariés.

Depuis quelques semaines, les hérauts de la libéralisation nous expliquent que le droit du travail est rigide et complexe ; la qualité d’un code se mesurant, à l’inverse, à sa légèreté et à sa simplicité. Et plus récemment, l’offensive s’est étendue au statut de la fonction publique, dont un ministre d’un gouvernement de gauche estime qu’il n’est « plus adapté ». Dans le secteur privé comme dans le public, il conviendrait donc de simplifier, d’adapter, d’alléger… Affirmons ici qu’il n’en n’est rien.

Lire aussi : Revenu universel : faut-il déconnecter revenu et travail ?

« Adapté ». À quoi ? À qui ?

Commençons donc par le droit du travail. Comme toute construction juridique, le code du travail a accumulé au fil des années des dispositions qui peuvent paraître « complexes » pour reprendre le vocabulaire de ceux qui veulent sa peau. En réalité, là n’est pas la question. Le législateur (et l’exécutif auquel revient la majeure partie de l’initiative législative) a certes cette mauvaise habitude d’accumuler les textes sans se soucier de l’épaisseur des codes qu’il crée, ni de la complexité des normes qu’il met en place. Il y a donc un vrai chantier à mener quant à la modernisation de notre action législative, mais qui n’a rien à voir avec la protection des salariés.

Ceux qui veulent priver les salariées des protections qu’ils jugent excessives savent la difficulté qu’ils auront à justifier cette régression devant le Parlement, et donc devant les Français.

Quant au statut, dernière victime des petites phrases qui sont tout sauf innocentes, le voilà donc pas « adapté ». À quoi ? À qui ? On n’en saura pas plus, car le débat a vite été refermé. Mais on a laissé une fois de plus s’ancrer l’idée que tout ce qui protège les salariés, publics comme privés, est de l’ordre de l’insupportable rigidité.

Voir notre dossier : Droit syndical : ce qui change dans la fonction publique territoriale

Les salariés français sont-ils trop protégés ?

La vraie question qui se pose, et que posent en réalité les thuriféraires de la « simplification » est : les salariés français sont-ils trop protégés ? La réponse est évidemment non. Car si on pose cette question, demandons qu’on y réponde en nous disant de quelle protection on souhaite les dépouiller.

Derrière ce débat, se trouve en filigrane la place respectivement accordée à la loi et à l’accord collectif. Ceux qui veulent priver les salariées des protections qu’ils jugent excessives savent la difficulté qu’ils auront à justifier cette régression devant le Parlement, et donc devant les Français. Il prônent par conséquent la tangente : les accords d’entreprises ou de branche deviennent la nouvelle panacée. Avec l’idée, vraie en l’occurrence, que plus on descend dans l’échelle des discussions, plus il est difficile de garantir des droits aux salariés et plus les patrons – ou les élus puisque l’objectif est le même pour la fonction publique – sauront imposer leurs intérêts.

Disons-le donc ici, la loi est plus protectrice que l’accord de branche. Elle doit continuer à prévaloir, sauf, comme c’est le cas aujourd’hui, quand une négociation collective a permis d’arracher des droits supplémentaires. Il n’y a aucune modernité à vouloir revenir sur ce principe. Et aucune modernité à utiliser la mondialisation comme prétexte de la régression sociale.

Lire aussi : Loi déontologie, ce qui change : protection fonctionnelle

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