Collectivité libérée : le pari de l’innovation participative

Collectivité libérée : le pari de l’innovation participative

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© terentiewshura - adobestock

Une fois qu’on a dit ce qu’était l’entreprise libérée, il faut l’appliquer aux collectivités. Après quelques précaution d’usage, place donc au premier pilier de la démarche : l’innovation participative.

Il existe aujourd’hui un quasi-consensus dans les collectivités territoriales sur l’urgence d’une transformation des pratiques managériales, qui doivent devenir plus participatives et à l’écoute des agents. Avant de s’emparer d’une démarche de projet d’administration qui s’inspirerait des modèles de l’entreprise libérée cependant, il faudra toujours tenir compte de quelques paramètres intrinsèques à l’organisation des collectivités territoriales, notamment sur la place du dialogue social, les relations avec les élus, les contraintes statutaires (voir encadré).

Lire aussi : Territorialiser les politiques publiques et les pratiques managériales

Une fois ces questions posées, quelles pourraient être les quelques chantiers à lancer pour oser si ce n’est la libération de nos collectivités, au moins l’acculturation à de nouvelles pratiques professionnelles ?

L’innovation participative ou comment donner aux agents le pouvoir d’agir et de décider

Le premier chantier est incontestablement l’innovation participative ou comment donner aux agents le pouvoir d’agir et de décider, ce qui est le mieux pour concilier qualité de vie au travail et qualité du service public.

Qui dit plus grande autonomie dans le travail, dit aussi risque d'une plus grande surcharge si quelques conditions ne sont pas réunies

Récemment, un article publié sur le site de la Gazette des Communes citait l’exemple, à Saint-Brieuc, d’un chef de service qui parvient à mettre en place une réforme du temps de travail, en coconstruisant le projet avec ses collaborateurs. Pas de mouvement social, il a simplement adopté une posture de transparence et de responsabilité sur les enjeux de la réforme, mais en laissant une marge de manœuvre aux agents quant aux choix à opérer pour atteindre l’objectif fixé par l’exécutif.

Donner plus de marges de manœuvre aux agents, les laisser s’organiser sur certaines tâches, accroître leur niveau d’autonomie, notamment pour ceux qui sont en contact avec le public, sont de vraies pistes pour concilier qualité de vie au travail et amélioration de l’efficacité du service public.

Lire aussi : L'autonomie des agents, une quête du manager

Cette conviction est partagée par de nombreux chercheurs, notamment ceux du Centre de recherche sur  le travail et le développement du CNAM, longtemps dirigé par Yves Clot (professeur de psychologie du travail et auteur de nombreux ouvrages, notamment « Le travail à cœur, pour en finir avec les risques psychosociaux »), ou encore ceux de l’Anact, de plus en plus sollicités pour des interventions dans les collectivités territoriales.

Attention, l’autonomie a aussi ses risques

Mais attention, qui dit plus grande autonomie dans le travail, dit aussi risque d’une plus grande surcharge si quelques conditions ne sont pas réunies :
- revisiter régulièrement le « pourquoi » et s’assurer qu’il est bien connu et partagé par l’ensemble des agents,
- s’appuyer sur des dispositifs d’accompagnement des agents, qui leur permettent de réguler entre eux et de définir des normes collectives indispensables au bon fonctionnement des équipes,
- s’assurer, et c’est le rôle des managers, qu’il existe des dispositifs de régulation de la charge de travail et cognitive, souvent négligée car mal appréhendée par l’encadrement.

Faire le pari de l’intelligence humaine

Autre témoignage intéressant, celui de la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines, plusieurs fois primée dans la catégorie des administrations innovantes, comme en témoigne son directeur Pierre Negaret à l’origine du projet Colibri mis en place à partir de 2016, autour de cinq leviers : donner du sens, accorder de l’autonomie, créer de la confiance, cultiver de la reconnaissance, développer la fierté d’appartenance.

Le chantier d’une organisation du travail prenant davantage en compte l’implication des agents, leur capacité d’auto-organisation, faisant le pari de l’intelligence humaine est peut-être celui d’inspiration du modèle de l’entreprise libérée, le plus stimulant pour les collectivités territoriales.

Les questions à se poser sur la collectivité libérée
1- Quelle place au dialogue social ?
Difficile aujourd’hui de bien connaître la position des partenaires sociaux sur ces nouveaux modèles de management. L’expérience du secteur privé montre qu’ils ne sont pas des ambassadeurs de ces démarches, qui portent atteinte à leur rôle d’unique interlocuteur des salariés et des employeurs.
2- Quelle adaptation du statut ?
L’adaptation du statut, à l’agenda du gouvernement, se pose dans ce modèle qui remet en cause le principe hiérarchique.Quid des modalités d’avancements de grade dans un système qui diminue les niveaux hiérarchiques ?
3- Et le couple élus/DGS dans tout ça ?
Dans un contexte de professionnalisation du politique et de montée en compétence d’une nouvelle génération de dirigeants territoriaux, qui est le leader libérateur ?, celui qui fixe la vision de la collectivité, sa raison d’être ?
4- Et le droit à l’erreur et à l’expérimentation ?
Sommes-nous prêts à l’inscrire dans le statut ? La question sera sans doute l’objet de discussions dans le cadre du projetde loi « pour un État au service d’une société de confiance », qui pourrait concerner aussi les agents publics.

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