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Il y a de nombreux leviers sur lesquels s’appuyer pour oser une démarche d’inspiration de l’entreprise libérée. Présentation de quelques exemples.
Responsabilité et liberté
On peut développer quelques outils qui vont dans le sens de la responsabilité et d’une plus grande liberté ((A lire : « Les Entreprises Vivantes, ensemble elles peuvent changer le monde », sous la direction de Manfred Mack et Christine Koehler, Editions l’Harmatan (2016) ; « La Liberté ça marche », d'Isaac Getzchez, Flammarion (2016) ; « Reinventing Organizations, vers des communautés de travail inspirées », de Frédéric Lalouxchez Diateino (2015)). L’expérimentation du télétravail qui commence à se développer est un signal fort adressé aux équipes sur le niveau de confiance de l’organisation. La ville de Paris, la plus grande collectivité de France avec ses 52 000 agents, expérimente le télétravail depuis 2016 à assez grande échelle avec un objectif de 1 500 salariés télé-travaillant d’ici 2020.
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Transparence à tous les étages
Instaurer plus de transparence au sein des équipes, revoir les règles de promotion pour retrouver un sentiment de justice, très important dans le bien-être au travail ; ne pas surestimer le levier du Rifseep dans la motivation des agents ; revoir les avancements de grade en ne prenant pas en compte uniquement le niveau d’encadrement, mais également des missions d’expertise ou de chef de projet transversal, ce qui implique une réflexion au sein des services des DRH pour adapter les fiches de fonction à ces nouveaux enjeux.
« La collectivité libérée ne doit pas se faire au doigt mouillé »
« La transformation des organisations est une nécessité dans notre quotidien. Mais ce qui est innovant à Vertou ne le sera peut-être pas ailleurs. Tout doit partir des agents, de la place que chacun occupe.La coconstruction prend plus de temps mais, une fois installée dans la durée, elle peut être plus efficace. Doit-on s’inspirer du privé ? Je renverrai la question en étant convaincue que l’entreprise libérée peut s’inspirer de la collectivité libérée tout autant. Chaque fois qu’une innovation managériale a trouvé sa résonnance concrète, c’est parce que les agents en ont été les premiers et actifs promoteurs. Cette démarche ne doit pas se faire au doigt mouillé, en laissant l’empirisme faire le tri entre ce qu’il faut garder et rejeter. C’est une approche systémique, entraînant tout le monde, de façon fluide, dans le cadre du management de la confiance, intégrant le droit à l’erreur, à la prise de risque. Sans cette approche pragmatique, les agents ressentent qu’ils prennent plus de risque à « se libérer » que le contraire et l’échec est logiquement au bout ».
Hélène Guillet, DGS de Vertou (Loire-Atlantique), responsable du réseau médiation au SNDGCT
Accompagner les agents vers l’autonomie
Développer une politique de formation, d’accompagnement à la mobilité, de coaching individuel pour permettre aux agents d’acquérir les compétences nécessaires pour leur assurer un meilleur niveau d’autonomie ; développer le tutorat, le mentorat, la transmission du savoir...
Adapter sa stratégie RH
Mettre en place une stratégie RH reposant sur les principes de responsabilité et de plus de liberté, alors que, bien souvent, les DRH sont encore perçues par les agents comme des lieux de contrôle, ce qui ne permet pas de développer la culture de la confiance… et surtout apprendre aux dirigeants territoriaux le lâcher prise... sans doute, l’aspect de plus sensible de la transformation des modèles de management des collectivités, qui nécessiterait à lui seul un dossier tout entier !
« La transversalité ne doit pas être un vain mot »
« J’ai pris mes fonctions à la communauté d’agglomération du Mont Saint-Michel en juillet 2017, pour accompagner la création de cette nouvelle collectivité, fruit de la fusion de cinq intercommunalités. Nous sommes donc encore en phase d’organisation, dans tous les domaines et aussi celui relevant du management. Depuis 30 ans, j’ai toujours exercé des fonctions de DGS. J’ai donc le recul pour vous confirmer qu’il n’est désormais plus possible de fonctionner en silo et que les maîtres-mots de coopération et de transversalité s’imposent à nous. Ce qui suppose de changer d’état d’esprit. Je travaillais auparavant à Melun en Seine-et-Marne où l’on trouve des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous avons beaucoup insisté sur la notion d’interculturalité. L’ignorance de l’autre borde lentement mais sûrement le lit du confinement communautaire, avec son lot de tensions. Je pense que nous devons faire la même chose dans les collectivités, dans lesquelles les métiers sont divers et où, d’un service à l’autre, les agents peuvent ignorer ce que les autres font alors qu’ils travaillent dans un même objectif, rendre le meilleur service public qu’il soit. J’aime bien le concept d’organisation apprenante où les intelligences multiples se nourrissent entre elles mais pas à partir du talent de l’agent et pas seulement de sa compétence. Pour ce faire, la démarche managériale doit s’attacher rigoureusement au contrat moral qu’elle induit : pas de hiérarchie, des catégories C à A, des cadres aux fonctions exécutantes, chacun doit se sentir investi dans la dynamique de révision de la gouvernance. Bien sûr, il y aura toujours des cadres et des non-cadres. Mais la transversalité ne doit pas être ressenti comme un vain mot. Dans ce cas, la démarche échoue et provoque même un effet boomerang avec des agents qui considèrent à juste titre que l’engagement de la direction manquait de sincérité ».
Pierrick Lozé, DGS de la communauté d’agglomération du Mont Saint-Michel