Comme une moule à son rocher

Nicolas Braemer

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Comme une moule à son rocher

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Les habitudes de cumul ont la vue dure. Tant d'élus locaux s'appliquent encore et toujours au contrôle absolu de leur pouvoir politique local que même la nouvelle loi permet de douter de la capacité de renouvellement de la démocratie locale.
La démocratie locale française est bizarre. Elle est sous la coupe d’un mâle dominant, blanc, de 60 ans ou plus (parfois moins mais c’est rare), installé là depuis des décennies, qui occupe tous les postes de pouvoir locaux. Elle marine dans un immobilisme voulu, par lequel tout élu local entend rester où il est et maîtriser totalement son environnement politique.

Troisièmes de liste

Des exemples ? En veux-tu, en voilà. Ici, les députés-maires sortants, contraints de renoncer à la tête de liste et qui ont gardé la première place disponible : la deuxième pour Pascal Cherki dans le 14e arrondissement de Paris, la troisième pour Patrick Bloche dans le 11e, Manuel Valls, à Évry, troisième sur la liste… Là ce sont ceux qui continuent à cumuler tant qu’ils le peuvent, se (re) présentant aux municipales. La caricature est en Côte-d’Or où François Rebsamen annonce cyniquement qu’il sera sénateur-maire jusqu’en 2020 et où François Patriat présente une liste alternative aux sénatoriales, histoire de placer deux hommes là où la loi impose la parité… Même la « nouvelle génération », dont on pouvait attendre qu’elle participe aux changements de moeurs, s’y est mise : Razzy Hammadi et Matthieu Hanotin, tout juste élus députés, briguent une mairie… Benoist Apparu forme un tandem bien masculin maire/président d’agglo avec Bruno Bourg-Broc.
Même le changement fondamental que nous promettait la fin du cumul des mandats semble incertain.

Perdants et gagnants

Remarquons que cette course effrénée à la conquête et à la préservation du pouvoir est quasi exclusivement celle des hommes, mais qu’elle transcende largement les clivages politiques et de génération. La seule constante, c’est que les femmes, les jeunes et la « diversité » en sortent rarement gagnants. Il suffit de se tourner vers Montpellier, où Jean-Pierre Mourre, le président de l’agglo a fini par avoir la peau du maire (une femme) pour occuper tout le pouvoir, comme si présider une agglomération de 420 000 habitants et 1,2 milliard de budget ne suffisait pas. Et que dire d’un Pierre Izard, immortel président du conseil général de Haute-Garonne (78 ans), que j’ai récemment entendu se vanter d’être élu dans son canton depuis… 1967, l’année de ma naissance ?
Remarquons que la course effrénée à la conquête et à la préservation du pouvoir est quasi exclusivement celle des hommes.
Quel gouffre avec la décision (si rare et si estimable) d’une Barbara Romagnan qui, à peine élue députée du Doubs, a démissionné du conseil général pour se consacrer à temps plein à son mandat parlementaire. On ne voit qu’en France un tel degré de concentration du pouvoir local, d’absence de mixité et de renouvellement, de monopole masculin. Même le changement fondamental que nous promettait la fin du cumul des mandats semble incertain, tant les élus locaux s’accrochent à leur pouvoir comme des moules à leur rocher. Mais d’où peut donc venir le salut ?

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