Communes nouvelles : un avènement programmé

Rémi Teillet

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Communes nouvelles : un avènement programmé

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Les communes nouvelles apporteront à l’évidence des solutions à l’impasse. L’enjeu est de passer de communes sans moyens et sans poids à des communes nouvelles qui pourront enfin peser sans le paysage local, y compris face aux intercommunalités.

Pour autant et malgré les résistances de tous ordres, l’avènement de la commune nouvelle est programmé. La France va réussir (enfin !) sa mutation, celle que nos voisins européens sont parvenus à opérer, au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Redimensionner l’échelon municipal pour mieux le sauver, tel est l’enjeu qui s’offre à nous. À moins qu’il ne s’impose littéralement à nous !

Des communes sans élus et sans argent

Faute de combattants d’abord. Le casse-tête du bouclage des listes aux dernières élections municipales en apporte un criant éclairage. Nonobstant la crise des vocations qui traverse toutes les formes d’engagement, admettons que l’action publique menée sur un territoire élargi, avec des moyens étendus aux services des habitants, présente un caractère plus sexy pour attirer les futurs candidats.

À défaut de réformer l’assiette fiscale, c’est le périmètre du territoire que l’on doit adapter.

Faute de moyens ensuite, devant la pénurie inédite des ressources territoriales. Sans remuer le couteau dans la plaie, les dotations baissières, la crise de l’État providence, ou encore, plus récemment, la participation à la couverture du déficit national, ont fini d’achever les derniers optimistes lorsque, face à cela, le seul levier possible de la fiscalité est devenu inopérant. À défaut de réformer l’assiette fiscale, c’est le périmètre du territoire que l’on doit adapter. Les incitations financières validées en février par le parlement devraient achever de convaincre.

Les habitants sont en avance sur les élus

Le spectre d’intervention de l’action municipale encore, dont, reconnaissons-le, l’essentiel n’est bien souvent déjà plus assuré par la commune (à combien de Sivu, Sivom, syndicats mixtes, EPCI à fiscalité propre ont déjà été confiées la plupart des compétences ?). Dès lors, la fusion de communes s’impose. Il est d’ailleurs truculent de constater que la population a déjà vécu cette mutation avant les élus eux-mêmes.

La fusion de communes s’impose : la population a déjà vécu cette mutation avant les élus eux-mêmes.

Combien de clubs sportifs se sont réorganisés autour d’un périmètre plus vaste que la seule commune, combien d’habitants appellent de leurs vœux la rationalisation de l’organisation administrative et technique, combien de contrats enfance-jeunesse, ou de projets de territoire ont déjà largement malmené les frontières communales ? Autant d’exemples illustrant à merveille l’obsolescence de nos découpages actuels.

Un rôle nouveau dans l’intercommunalité

Plus insidieux enfin, mais sans nul doute l’argument le plus convaincant, le poids des futures communes nouvelles dans des intercommunalités toujours plus grandes. Les fusions d’EPCI ont conduit à des territoires communautaires très larges au sein desquels les communes actuelles (trop petites) ne possèdent la plupart du temps qu’un fragile strapontin avec un unique représentant. L’enjeu est donc de peser davantage dans les gouvernances futures.

La commune nouvelle, mieux que l’effet papillon : l’effet domino.

Cela passe nécessairement par les fusions communales et, partout où la réflexion se mène, la recomposition des rapports de forces à l’échelle communautaire n’est jamais bien loin. Cet argument est tellement persuasif que les mois qui viennent pousseront les élus encore réticents à reconsidérer leurs positions lorsque la tectonique des plaques aura débuté au sein de leur propre EPCI. La commune nouvelle, mieux que l’effet papillon : l’effet domino.

Et de fait, face à des intercommunalités trop grandes et des communes trop petites, la commune nouvelle représente la solution absolue. La seule qui permettra paradoxalement de sauver l’échelon municipal. À défaut de se saisir de cette chance, la commune continuera de se vider inexorablement de son sens jusqu’à disparaître définitivement. Pour sauver la commune, transformons-la !

Jean-Léo Ponçon, DGS mutualisé de Belleville et de la CC Beaujolais Val de Saône (69) : « Pour rationaliser l’action publique »
« Dans le nouveau conseil territorial du Rhône, la création d’une commune nouvelle autour de Belleville nous permettrait d’être la deuxième commune de cette collectivité de 450 000 habitants, derrière Villefranche (Ndlr, l’autre partie du département a fusionné avec la métropole lyonnaise). Mais c’est surtout pour rationaliser l’action publique qu’il serait utile de faire ce choix. Je crois que nous sommes à un tournant et que les petites communes ont compris qu’elles n’avaient pas d’autre choix que de s’unir pour sauver quelques-unes de leurs compétences. »

Sylvie Peillon, DGS de la commune nouvelle Thizy-lès-Bourgs (Rhône) : « Nos services fonctionnent mieux »
« Depuis la création de la commune nouvelle, en 2013, nos services publics fonctionnent mieux. Il a fallu repenser l’organisation des services, spécialiser un peu plus la fonction des agents dans le cadre du transfert de tous les anciens agents municipaux à la commune nouvelle. La rationalisation financière est passée par le non-remplacement des départs à la retraite et des personnes mutées. Nous en avons profité pour renforcer la police municipale avec un agent supplémentaire. Les plus touchés sont les secrétaires de mairie qui avaient l’habitude de tout gérer, jusqu’à l’enregistrement des permis de construire. Aujourd’hui, leur champ d’action s’est clairement resserré. Même l’Association des maires ruraux de France (Amrf), qui s’opposait aux communes nouvelles, s’y convertit progressivement. »

Brigitte Richard, DGS de la commune nouvelle de Dévoluy (Hautes-Alpes) : « Nous voulions éviter une fusion intercommunale »
« Ce qui nous a d’abord poussés, c’est le fait qu’autour de Dévoluy, qui est une station de ski réputée, nous avions formé une petite communauté de communes à quatre. Et avec le schéma intercommunal de coopération présenté par le préfet, nous étions voués à fusionner avec une autre communauté de communes. Nous avons donc transformé notre intercommunalité en commune nouvelle, dans l’espoir de conserver quelques compétences dans le futur. Nous avons intégré la communauté de communes de Buech-Dévoluy en janvier 2014 et notre maire, Jean-Marie Bernard, en a été le président. Nous restons une petite commune aujourd’hui, avec 1 000 habitants, mais une DGF de 5 000 du fait de notre statut de tourisme de montagne. Nous craignons de perdre la compétence tourisme dans la réforme actuelle de la loi Notre. C’est dommage, parce que les stations de ski ont un véritable savoir-faire en la matière. »

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