comoodle
C’est un projet d’envergure dont les quelque 400 000 habitants de cette ville du Yorkshire pourront bientôt faire usage. Comoodle.com est un site développé par la collectivité, dans le but de repenser la manière dont les ressources publiques sont gérées. L’objectif ? Faire tomber les frontières entre les organismes publics, les collectivités, les associations locales et la population. Comment ? En connectant, par le biais du site Comoodle, les gens désireux d’améliorer leur quartier et en leur donnant accès aux ressources nécessaires à la réalisation de leur projet. Que ces personnes soient des individus, des entreprises ou des associations, peu importe. Le tout, c’est qu’elles puissent concrétiser leur projet.
Valoriser les ressources locales
Ce site web de partage part du principe que quantité de ressources locales sont inexploitées. En les référençant, elles deviennent accessibles au plus grand nombre. Biens inactifs du secteur public ou d’associations, que ce soit des tondeuses, des camions, des lieux inutilisés, des expertises, des compétences… sous son slogan « stuff, space, skills » (affaires, espaces, compétences), la plateforme liste tout.
La démarche demande de passer d’un mode de gestion descendant à un mode transversal, souple et collaboratif.
Pour que le succès soit au rendez-vous, la ville mène une réflexion en profondeur. Car la démarche n’est pas anodine : elle demande de passer d’un mode de gestion descendant, où la collectivité tient les rênes de l’organisation, à un mode de gestion transversal, souple et collaboratif. Loin d’être dans les habitudes des administrations…
Un projet sur le long terme
Toutefois, pour que le site fonctionne, le rôle d’accompagnement de la ville reste important. D’une part, en listant les partenaires susceptibles de partager leurs biens et leurs savoir-faire, d’autre part en offrant une plateforme parfaitement fonctionnelle, afin que les projets aboutissent dans les meilleures conditions. Mais une fois que les usagers se seront approprié l’outil, la mairie devrait se faire de plus en plus discrète.
C’est pourquoi la phase de préparation et de test de ce projet amorcé en 2014, va durer plusieurs années. Les chercheurs de l’université de Huddersfield, qui soutiennent le projet, estiment qu’il faudra trois ans à Comoodle pour être rôdé. À l’heure actuelle, la ville teste son concept sur des projets de petite envergure, calibrés.
Collaboratif, donc complexe
L’un des premiers projets testés a été la maintenance d’un espace vert. « Si nous pouvons entretenir ce site pour vous car c’est votre terre, mais c’est notre intérêt de le faire, pouvez-vous nous aider avec la logistique et le matériel ? » ont demandé des habitants. Ce projet, simple en apparence, a nécessité de coordonner le partage des tâches, de déterminer la part de travail allouée aux volontaires et celle des employés de mairie, de résoudre les questions de sécurité et de responsabilité, et d’envisager le coût financier de l’opération.
Il faudra trois ans à Comoodle pour être rôdé.
Une fois le projet abouti, lors du recueil des avis des participants, les chercheurs ont entendu un discours très encourageant : « Le sentiment de bien-être que nous avons eu en faisant cela… ce n’est pas juste couper de l’herbe, c’est le développement d’un esprit de communauté, ce sont des gens qui se parlent entre eux alors qu’en temps normal, ils ne se seraient certainement jamais adressé la parole ». L’investissement des habitants dans ce projet commun a permis d’accroître leur satisfaction d’habiter dans ce quartier.
Des écueils à éviter
John Lever et Fiona Cheetham, tous deux chercheurs à l’université d’Huddersfield, sont chargés d’analyser les projets tests élaborés par Comoodle. Ils ont noté plusieurs défis à relever pour que la plateforme gagne en clarté et, au final, devienne réellement un outil d’accompagnement des projets citoyens.
- Être le plus clair possible sur les projets qu’il est possible ou non de développer par le biais de Comoodle : que peut déléguer la collectivité ?
- Qui est responsable lors de ces projets ? Où tracer la ligne de séparation entre l’action bénévole et le travail de la collectivité ?
- Il faut souvent, dans ces projets, prendre en compte à la fois les besoins à court terme, tout en réfléchissant à des solutions plus durables. Deux niveaux d’analyse sont nécessaires.
- Il existe des différences entre les calendriers et priorités de chacun. Le temps de l’administration n’est pas celui d’une association ou d’un particulier, il faut pouvoir coordonner l’ensemble.
Faire des économies sans perdre en qualité de vie
Pour les autres projets tests, la mairie a mis à disposition des membres de son personnel dont les compétences sont recherchées. Le but, à terme, serait de recourir à des personnes compétentes hors du réseau du service public, toujours dans une optique d’économie. Et réaliser des économies sans perdre en qualité de vie, à Kirklees comme dans nombre de collectivités, c’est un véritable défi. Voilà peut-être une solution à envisager, à la fois pratique, économique et inclusive.
« Ce n’est pas juste couper de l’herbe, c’est le développement d’un esprit de communauté. »
Sur cette plateforme, les organisations locales vont d’abord résumer leur projet ou idée, identifier les biens, lieux, services ou compétences nécessaires, puis accéder à la liste de tout ce qui est disponible en ligne pour mener à bien leur projet. La mairie fera de même en présentant des programmes par le biais de la plateforme, afin de trouver, en contrepartie de l’aide fournie, les ressources nécessaires au sein des associations, particuliers ou entreprises sur certains événements ou actions.
Dès sa conception, l’équipe aux commandes a choisi de proposer un cadre exploitable par d’autres villes du Royaume-Uni et même d’autres pays européens. Kirklees, qui a décroché une aide d’un million d’euros en 2014 lors du concours Bloomberg Philanthropies Mayors Challenge, doit répondre à cet impératif du concours : développer un projet facilement transposable à d’autres villes. Ainsi, les villes pourraient maximiser leurs ressources, mais aussi construire une relation de confiance avec les différents organismes qui la composent, et libérer la créativité, source de nouvelles propositions souvent à l’origine d’une amélioration du quotidien pour les habitants.
Une nouvelle monnaie d’échange : le Comoodle
Les ressources mises en ligne sur la plateforme se verront attribuer une valeur nominale, le Comoodle. Il servira d’unité de mesure pour évaluer le succès des projets, et de monnaie virtuelle pour déterminer la valeur des échanges. Le montant des biens partagés – affaires, espaces, compétences – de la part du secteur public, des associations et même des entreprises va grossir avec le temps puisque de plus en plus de projets locaux et de programmes gouvernementaux vont bénéficier de la plateforme.