Conseil général de Haute-Savoie : un laboratoire de qualité de vie au travail

Séverine Cattiaux

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Conseil général de Haute-Savoie : un laboratoire de qualité de vie au travail

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La Haute-Savoie a franchi la frontière des « risques psychosociaux » pour élargir son champ d’action à la qualité de vie au travail. Des chercheurs en « santé au travail » l’y ont aidée.
En 2008, le conseil général de Haute-Savoie élabore son document unique. « On a passé en revue les risques professionnels dans les collèges et les routes. Les risques psychosociaux ((Selon l’accord-cadre de 2013, les plans d’évaluation et de prévention des RPS devront être initiés en 2014 et achevés en 2015.)) sont apparus quand on est allés sur la direction sociale » explique Anne-Marie Ségade, DRH. Une intuition la pousse à élargir l’investigation à la « santé au travail » dans toute la collectivité. « Car si on s’arrêtait aux RPS, on s’arrêtait au conflit, au harcèlement, à l’agressivité des usagers… Notre démarche devait se concentrer davantage sur la manière d’améliorer la circulation des informations, la communication, la reconnaissance des agents, quels que soient leur métier et leurs fonctions ».Restait à trouver l’expert qui guiderait le conseil général, de préférence bienveillant, mais sans concession, et sachant faire preuve de confidentialité… Ce sera Emmanuel Abord de Châtillon et son équipe de chercheurs de l’Irege (voir témoignage). Les chercheurs font accoucher les services de propositions et les accompagnent dans la mise en œuvre. Un plan d’actions est posé en décembre 2011. Il faut agir sur « le management », « la violence interprofessionnelle », « le vivre ensemble », et « le sens au travail ».
 Au total, 110 responsables sont formés et/ou en cours de formation.

Du curatif et du préventif pour le management malade

Les managers ont été largement épinglés lors de l’enquête de repérage. Certains ne font jamais de réunions, ne disent pas bonjour, ne savent ni déléguer, ni donner les bonnes informations, ni faire le lien entre les personnes, ni motiver. « Ça pèche un peu chez certains » constate pudiquement la DRH. « La solution de facilité aurait été de prendre ce qui existe dans les catalogues de formation », mais les RH se lancent, avec l’aide des chercheurs, dans la mise en place de formations sur mesure. Le cas des chefs des services des routes, des cantines, et des services sociaux est examiné de très près. « C’est là que l’on a constaté le plus de défaillance et de souffrance ».Au total, 110 responsables sont formés et/ou en cours de formation. Quant aux primo-managers, leurs besoins de formation sont également importants, et listés précisément en concertation avec un groupe primo-managers. La direction des ressources humaines entreprend, pour sa part, une formation « socle commun » auprès de tous ses managers, portant sur les RH, les statuts, les règles de la comptabilité, la charte informatique… Par ailleurs, le conseil général fait appel à des formateurs extérieurs pour tout ce qui relève de la gestion de conflits.

Vitamines et huile dans les rouages…

Plusieurs initiatives sont prises :- pour développer le « vivre ensemble, recréer du collectif, améliorer le climat social », le conseil général se dote surtout d’un service de communication interne digne de ce nom, avec trois personnes à temps plein. Le bulletin interne, l’intranet sont ainsi repensés, étoffés. Des nouvelles actions sont menées, comme les petits-déjeuners entre voisins, des visites de terrain, etc. ;- pour faciliter la mobilité, une charte de recrutement est rédigée. Elle a plusieurs objectifs : faire bouger les agents pour lesquels on estime que c’est nécessaire, lever certains soupçons de favoritisme en faisant toute la transparence sur les procédures de mobilité interne. Le jury doit ainsi désormais fournir une justification quand il souhaite recruter en externe ;- un « service d’urgence » est instauré pour aider les agents rencontrant des difficultés financières. 20 personnes en ont déjà bénéficié depuis son démarrage, il y a 5 mois… ;- enfin, pour mieux « traiter les violences interpersonnelles », le conseil général étudie l’élaboration d’un mode d’emploi, facile d’accès, rassurant et à la portée de tous les agents (qui contacter, quand, où, confidentialité…). Des « référents management et santé au travail » seront également désignés dans chaque direction, pour faire remonter les problématiques et ils travailleront en mode projets.
Pour l’heure, l’efficacité de ces actions se mesure à l’aune d’un tableau de l’absentéisme par service, largement diffusé.

Quelle évaluation ?

Sur ce volet, le département n’en est qu’à ses débuts. Pour l’heure, l’efficacité de ces actions se mesure à l’aune d’un tableau de l’absentéisme diffusé auprès de tous les responsables de services. Chaque responsable connaît son taux d’absentéisme et peut comparer avec les autres.

Retour de l’angoisse

Avant de quitter le conseil général, les chercheurs ont travaillé avec les agents d’un service d’action sociale en souffrance, qui a produit des propositions de changement. Mais « ces changements validés par les supérieurs, n’ont pas été opérés… » regrette Emmanuel Abord de Châtillon. Une réorganisation s’est mise parallèlement en marche, suite à un audit de toutes les directions sociales. En juin, la nouvelle réorganisation va aboutir. « Et en septembre, promet la DRH, les préconisations issues de l’intervention des chercheurs reprendront ! ».Une nouvelle source d’inquiétude vient désormais peser sur l’ambiance de travail : la réforme territoriale. « Personne ne sait quoi répondre aux agents sur ce que vont devenir les services. Cela crée un climat d’angoisse, qui contrarie tout ce que l’on fait pour améliorer la qualité de vie au travail » déclare Anne-Marie Ségade.

En quoi votre qualité de vie au travail s’est-elle améliorée ? « J’encadre une vingtaine de personnes depuis 6 ans. En mars, j’ai suivi une formation de management, qui tombait au moment où je rencontrais quelques difficultés avec différents collègues… Aujourd’hui, je mets en place des plannings de production, que je transmets à mon équipe. Cet outil a changé positivement l’organisation du travail, et apaisé le climat. » Annick Bessé, chef de cuisine de la cité scolaire de Chamonix.

« Lors d’un petit-déjeuner entre voisins, organisé par le service de communication interne, j’ai rencontré une personne du service informatique. Je lui ai exposé un problème que je rencontrais… Il est venu me voir, ce qui a permis de le résoudre ! Au passage, lui, a mieux compris ce que nous faisions. » Corinne Warin, assistante socio-éducative à la direction de la gérontologie et du handicap.

« J’ai suivi avec toute l’équipe d’agents, une formation aux techniques d’entretien des locaux, à l’utilisation des produits moins toxiques. Notre matériel a évolué, pour moins de fatigue physique. Nos demandes ont été prises en compte par la direction. C’est pour nous un signe de reconnaissance. Nous avons aussi changé de responsable : les échanges sont plus faciles avec elle. » Nadia Helt, agent d’entretien au collège de Varens à Passy.

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