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© Romolo Tavani - adobestock
L’opération aura donc échoué, pour le moment en tout cas. Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions intégrées dans la loi Avenir professionnel qui prévoyaient un recours accru aux contractuels dans les postes de direction de la fonction publique. Cet échec appelle plusieurs remarques.
L’équitation, ça s’apprend
La première tient évidemment à la procédure. Le Conseil constitutionnel, depuis des années, tient une ligne ferme sur les cavaliers législatifs. Systématiquement, il censure les dispositions qu’il juge sans « lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale ». Que le gouvernement puisse penser qu’une méthode dix fois censurée puisse « passer » cette fois, voilà qui pousse à s’interroger sur un professionnalisme qu’il porte pourtant en étendard.
Tout part de cette idée que des fonctionnaires ne seraient pas si aptes à exercer les fonctions pour lesquelles ils ont été formés
Deuxième remarque, brève, sur la méthode : au moment où il dépose son projet de loi, le gouvernement avait déjà entamé une concertation sur l’ouverture des postes de direction aux contractuels. Il a finalement décidé de passer à la manière forte, ou rapide, en choisissant l’amendement. Soit il ne croyait pas dès le départ à cette négociation et à ses résultats, soit il a trouvé en cours de route que cette négociation était du temps perdu et il a préféré aller droit au but. Dans les deux cas, la sincérité du recours à la discussion et la prise en compte des avis des corps intermédiaires n’était pas au rendez-vous. Mais on le savait un peu.
Fonctionnaires, mais moins bons
Troisième et dernière remarque, davantage sur le fond. Le gouvernement avait prévu de massifier le recours aux contractuels dans les trois fonctions publiques, avant, devant une vague de protestation, de limiter le dispositif à la territoriale (victime expiatoire de toujours). Tout part donc de cette idée que des fonctionnaires ne seraient finalement pas si aptes à exercer les fonctions pour lesquelles ils ont été formés dans des écoles de qualité, aux frais du contribuable. Et que des cadres issus du secteur privé pourraient, par la nature même de leurs choix de carrière et des fonctions qu’ils exercent dans les entreprises, apporter davantage à la gestion du secteur public.
À nous d’imposer une autre vision, qui préfère une action publique bénéfique au plus grand nombre, financée par un impôt
Nous ne sommes décidément pas sortis de l’auberge. Car toute cette affaire est finalement portée par des convictions somme toute très vieux monde : elles étaient déjà portées au début des années quatre-vingt par Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Malgré les crises politiques et financières, elles continuent à faire la loi. Il ne nous reste qu’à lui opposer, pied à pied, une autre vision, celle qui préfère une action publique bénéfique au plus grand nombre, financée par un impôt considéré comme un moyen légitime de répartition des richesses, administrée par des fonctionnaires capables et formés. Mais, j’y pense : ça ne ressemble pas déjà un peu au monde des collectivités ?