Convention citoyenne en Occitanie : des mesures votées "sans filtre" ?

Séverine Cattiaux
Convention citoyenne en Occitanie : des mesures votées

Hands of voting people indoors

© AdobeStock

Bien moins médiatisée que la convention citoyenne nationale sur le climat, la convention citoyenne en Occitanie s’est révélée, elle aussi, très prolifique sur une durée pourtant très courte, une semaine, entre septembre et octobre. Beaucoup de mesures ont été retenues par les élus, tandis que les sujets polémiques feront l’objet de débats ultérieurs.

En novembre dernier, la région Occitanie a voté son « plan de transformation et de développement » autrement baptisé « Green New Deal ». Un plan portant sur l’avenir de la région et qui concerne somme toute près de 6 millions d’habitants. Sa spécificité ? Pour la première fois, un plan d’envergure semble vouloir tenir compte aussi de mesures formulées directement par des citoyens, à l’issue d’une convention citoyenne, ainsi que des résultats d’une votation citoyenne organisée à la suite, en octobre dernier.

Un comité de suivi va permettre aux tirés au sort de vérifier la mise en œuvre effective des propositions citoyennes

« Nous avons voté ces mesures et nous allons à présent décliner les dispositifs au sens concret dans les prochains mois », annonce avec conviction Agnès Langevine, vice-présidente en charge notamment de la transition écologique et énergétique. À la demande des citoyens, un comité de suivi va par ailleurs permettre aux tirés au sort de poursuivre l’aventure et de vérifier la mise en œuvre effective des propositions citoyennes, quitte à mettre la pression sur les élus si les problématiques n’avançaient pas assez vite. Les citoyens de la convention nationale n’auraient pas espéré mieux…

Un contexte favorable aux mesures solubles dans la politique régionale

Stopper l’expansion des villes, favoriser l’implantation du secteur médical dans les zones de déserts médicaux, relocaliser la production industrielle, simplifier les démarches administratives, accélérer l’approvisionnement des cantines en produits locaux et bios cuisinés sur place… Ce sont là quelques exemples de mesures formulées par les citoyens de la convention citoyenne de l’Occitanie devant, considèrent-ils, participer au « futur modèle de développement » pour la région. Des mesures somme toute dans l’air du temps, qui vont dans le sens du cap fixé par la région. D’autant qu’un bon lot de propositions citoyennes telles que « la rénovation énergétique des bâtiments » ou « la remise en circulation des petites lignes de chemin de fer » viennent surtout conforter des politiques déjà bien engagées par la région.

On comprend donc que l’Occitanie n’a eu aucune peine à s’approprier les propositions citoyennes et à les injecter dans son pacte vert

On comprend donc que l’Occitanie n’a eu aucune peine à s’approprier les propositions citoyennes et à les injecter dans son pacte vert, en les répartissant plus précisément dans les dix plans thématiques (santé, alimentation, etc.) dont il est constitué. L’esprit consensuel de la convention régionale tient au contexte dans lequel est né le processus, s’en explique Agnès Langevine. « La convention citoyenne nationale a été une issue de sortie de crise des gilets jaunes. Nous, on a lancé cette convention, sur un volet plus positif, car il s’agissait de venir compléter, appuyer, renforcer notre action, donc on n’avait pas de charge négative », commente-t-elle. Participant à la convention, Alexandre Weber, 53 ans, cordiste de profession, n’est guère étonné que la convention citoyenne se soit mieux déroulée en région. « Par rapport à l’État, la région est un pouvoir décentralisé, plus proche de nous, il y a eu une réelle écoute », commente-t-il ainsi.

De nombreuses mesures encore à l’étude

Les mesures de la convention régionale n’ont pourtant pas été reprises « sans filtre », tient à préciser Agnès Langevine. D’ailleurs, la région n’a jamais rien promis, en ce sens, aux citoyens. Elle s’est engagée à « examiner toutes les propositions, sans s’interdire d’en écarter certaines », met bien les points sur les « i » la vice-présidente. Le cadre a ainsi été, en toute transparence, posé aux citoyens. « On a par exemple dit clairement non à l’idée de faire appel à des personnes incarcérées pour nettoyer la nature », illustre la vice-présidente. Quelques propositions citoyennes vont tout de même bien conduire à la création de nouveaux dispositifs. Agnès Langevine pense au nouveau « écochèque réparation » lancé en janvier. Disons que ce dispositif s’inspire davantage des mesures énoncées par les citoyens, plus qu’il ne les reprend au pied de la lettre, tout au moins pour le moment.

« Parmi les 348 mesures issues de la convention, les élus en ont déjà intégré 205 dans les rapports votés »

Sur ce volet de la « réparation », les membres de la convention ont, pour leur part, manifesté leur souhait de « subventionner des associations qui réparent ou qui aident à réparer les objets de seconde main », et d’« augmenter l’écotaxe sur le neuf pour augmenter ces subventions et baisser l’écotaxe pour les objets de seconde main ». Enfin, les mesures citoyennes sont encore loin d’être toutes en scelle notamment parce qu’un certain nombre d’entre elles ne relèvent pas des compétences de la seule région. Cette dernière n’entend pas les mettre sous le tapis pour autant.

« Parmi les 348 mesures issues de la convention, les élus en ont déjà intégré 205 dans les rapports votés, les autres sont à l’étude au sein du comité de suivi pour regarder de quelle manière on pourrait les prendre en compte en lien avec les politiques régionales ou d’autres », précise Ghislaine Lala-Alquier, directrice générale déléguée en charge de la transformation de l’action.

Les sujets épineux… traités à part

Les sujets de société polémiques se sont, du reste, bel et bien invités à la table des discussions. Au cours des échanges, immanquablement, un certain nombre de thèmes ont suscité des désaccords. Sur ce point, les membres de la convention sont tout à fait transparents. Le droit au logement, les nouveaux métiers de demain, le déploiement de la 5G en Occitanie, la gestion des autoroutes, l’éducation numérique, sont des sujets qui n’ont pas fait l’unanimité. Même les énergies renouvelables, à l’étonnement de certains participants de la convention, ont généré de la controverse.

Au vu du temps imparti, les tirés au sort de la convention ont trouvé judicieux que la région organise, pour chacune de ces thématiques, un débat citoyen à part entière. Ne préférant pas endosser la responsabilité de décider seuls des thèmes à débattre dans les mois à venir, les tirés au sort ont proposé qu’une votation citoyenne, qui s’est tenue en octobre, décide de prioriser les thématiques. Ce qui a été fait. Sont arrivées en tête les énergies renouvelables, la ressource en eau et la protection des populations face aux enjeux climatiques. Le déploiement de la 5G a été relégué, lui, en huitième position.

Le taux de participation de la votation n’est pas bien élevé : seuls 20 000 votants se sont mobilisés

Le hic est que le taux de participation de la votation n’est pas bien élevé. C’est du moins l’avis de certains membres de la convention. Seulement 20 000 votants se sont mobilisés. Le Covid-19 n’a pas aidé à la diffusion de l’information, des conférences de presse ont été annulées, les communes n’ont pas joué le jeu, déplorent pêle-mêle les tirés au sort. Ce score fait pâle figure à côté des 230 000 votes que la votation portant sur le nom de la région avait réunis, s’étrangle l’un des participants.

« D’après les étiages qu’on a sur les votations nationales, c’est assez positif. Après, c’est un vote, c’est une démarche, et c’est aussi la première ! », précise la vice-présidente. Pour Ghislaine Lala-Alquier, cette participation est plutôt encourageante : « C’est un de nos meilleurs résultats. Il faut voir que la votation n’a duré que trois semaines, avec une participation seulement numérique, sur des sujets un peu spécifiques ». Quant aux débats, la région les mènera, elle s’y engage, si la majorité est réélue en juin.

Séverine Cattia

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