Coopérations territoriales et accès aux ressources stratégiques, deux jambes de territoires périurbains "bien dans leurs baskets"

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Coopérations territoriales et accès aux ressources stratégiques, deux jambes de territoires périurbains

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Pour gérer les défis qui sont les leurs, les territoires périurbains doivent en premier lieu activer deux leviers : les coopérations territoriales d’une part et la mobilisation de l’ingénierie d’autre part.

L’interdépendance avec les espaces métropolitains proches est sans aucun doute la première marque de fabrique des territoires périurbains. Comme l’évoque Frédéric Bonnet dans son rapport, « aller au travail, à l’université, faire ses courses, accéder aux loisirs et aux services de santé se fait à une échelle qui dépasse très largement la commune, certes, mais aussi la communauté de communes ». Dans ce contexte, qui relativise les périmètres institutionnels de référence de la commune et de l’EPCI, la gestion stratégique des coopérations territoriales relève d’une impérieuse nécessité.

Coopérer pour gérer les interdépendances

Les contrats de réciprocité territoriale, initiés en 2015, représentaient à cet égard une belle promesse qui s’est avérée en pratique une réelle déception, certaines métropoles contractant par pur affichage avec leur deuxième ou troisième couronne périurbaine, en restant très frileuses dans la gestion des vraies questions politiques avec les territoires de leur première couronne.

La qualité comme la réussite des logiques de réciprocité dont ils peuvent  être (ou pas) porteurs repose sur deux piliers essentiels

De façon plus pragmatique, il semble essentiel de se saisir des outils de coopération existants tant en matière de planification (syndicats mixtes de Scot) que d’exploitation de services publics (syndicats mixtes de transports en commun) pour faire valoir les intérêts et problématiques des territoires périurbains dans un ensemble plus vaste. La pratique montre que ces outils peuvent donner lieu à des dynamiques plus ou moins constructives ou conflictuelles. La qualité comme la réussite des logiques de réciprocité dont ils peuvent  être (ou pas) porteurs repose sur deux piliers essentiels : l’agenda politique de ces instances d’une part (et la nature des sujets qui y sont mis en débat) et la méthode de travail d’autre part.

Faciliter l’appropriation collective de la réciprocité

En ce qui concerne le premier aspect, éviter de se noyer dans l’observation territoriale sans commande politique claire pour au contraire se saisir des sujets porteurs de véritables enjeux politiques semble fondamental. Les Scot, vecteurs de réelles dynamiques de réciprocité, sont à cet égard ceux qui ont su mettre en débat l’organisation spatiale de l’accueil des entreprises, l’identification de secteurs stratégiques clés à l’échelle de l’aire urbaine (qui ne se limitent pas au cœur métropolitain et aux portes métropolitaines) ou encore l’organisation effective de l’offre de mobilité intégrant les pratiques multimodales et les nouveaux usages collaboratifs.

L’élaboration de « plans guides », à laquelle le rapport Bonnet nous invite, est une piste particulièrement intéressante

En ce qui concerne le deuxième aspect, il ne faut pas sous-estimer l’importance de se doter de méthodes de travail adaptées pour faciliter l’émergence et l’appropriation collective de ces logiques de réciprocité. Une bonne articulation entre travail politique et travail technique, une mobilisation à bon escient des outils de l’intelligence collective, une association ouverte de tiers neutres et experts (ex : les services de la DDT) sont autant de voies à explorer pour y parvenir.

Mobiliser une ingénierie adaptée pour manager la complexité

Les défis qui se posent aux territoires périurbains sont multiples et complexes. Ils interrogent le registre de la technicité urbaine, de l’expertise juridique et financière, des sciences sociales. Autant de domaines dans lesquels ces territoires disposent d’une ingénierie, soit insuffisante soit, sur certains segments, inexistante. Si l’offre institutionnelle traditionnelle (SPL d’aménagement, CAUE, ATD) est souvent de nature à apporter des réponses opérationnelles, l’ingénierie de programmation, celle qui permet de réfléchir sur le destin du territoire, fait souvent défaut.

De ce point de vue, l’élaboration de « plans guides », à laquelle le rapport Bonnet nous invite, est une piste particulièrement intéressante. Cette approche souple, légère et intégratrice est en effet particulièrement adaptée pour combiner temps long de la prospective et temps court de l’opérationnalité, permettant de traiter des questions auxquelles chacun peut être sensible ou d’expérimenter dans sa vie quotidienne.

Les régions devraient se saisir d’un rôle de coordination de l’offre d’ingénierie en lien avec leurs compétences clés

Au-delà, il semblerait intéressant que les régions se saisissent, dans le cadre des Sraddet, d’un rôle de mise en réseau et de coordination de l’offre d’ingénierie en lien avec leurs compétences clés (économie, mobilité, stratégies foncières, etc.) afin de s’assurer que les territoires périurbains disposent des ressources suffisantes pour se doter de stratégies de développement appuyées sur des points de vue aussi pluridisciplinaires que possibles.

TÉMOIGNAGE 
« Le périurbain existe et doit être considéré comme tel »
« Que ce soit à travers les appels à projet de l’État, à travers les visions d’aménagement du territoire émises autour des réflexions d’organisation spatiales dans les démarches Scot ou à l’échelle régionale autour des démarches Sraddet (Ndlr, schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), ou encore les règles nationales de contractualisation sur les dépenses publiques, nous constatons malheureusement très souvent que les règles, les financements, les visions méconnaissent le périurbain et ne le définissent parfois que comme un sous-produit de l’urbain, du rural en mutation ou de l’urbain en devenir. Le périurbain a pourtant ses propres caractéristiques, ses propres problématiques. S’il est bien sûr très influencé par sa proximité avec la centralité urbaine dont il est proche, sur le plan de l’emploi et des transports notamment, son dynamisme parfois hors norme en matière d’accueil de population (2,3 % en moyenne par an pour le Sicoval depuis 10 ans) l’oblige à une constante mutation urbanistique et à un niveau de service sans cesse renforcé. Le périurbain existe et doit être considéré comme tel car les populations qui y demeurent ne sont ni des urbains, ni des ruraux, mais des périurbains. Elles ont de fortes attentes de qualité de vie et d’espace mais aussi de service et bien sûr à des prix plus abordables ».

Philippe Lemaire, DGS de Sicoval, syndicat intercommunal pour l’aménagement et le développement des Coteaux et de la Vallée de l’Hers

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