Cornouailles : Work 50 +, l’aide au retour à l’emploi pour les seniors

Marjolaine Koch

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Cornouailles : Work 50 +, l’aide au retour à l’emploi pour les seniors

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© Robert Kneschke _ adobestock

Dans les Cornouailles, plus d’un tiers de la population active a plus de 50 ans. Et dans les rangs, nombreux sont chômeurs. Comment aider cette population à retrouver un emploi, alors que les personnes se sentent souvent dépassées par l’évolution du marché du travail ? Pour les y aider, depuis bientôt dix ans, une série d’actions a été imaginée par les services locaux.

Les statistiques parlent d’elles-mêmes : dans les années à venir, dans cette région de Grande-Bretagne comme dans la plupart des pays européens, le nombre de personnes en recherche d’emploi et ayant plus de 50 ans va augmenter. L’âge de départ en retraite reculant, comment aider cette population à retrouver un emploi, alors que les personnes se perçoivent souvent comme dépassées par l’évolution du marché du travail, et pas vraiment accueillies à bras ouverts par les recruteurs ?

Les 11 600 chômeurs de plus de 50 ans de la région représentent 40 % du nombre total de chômeurs.

C’est en partant de ce constat qu’un travail de fond est né au sein du Design Council en 2009. Ce projet, baptisé « Cornwall Works 50 + », vise les 11 600 chômeurs de plus de 50 ans de la région, qui représentent 40 % du nombre total de chômeurs. Des recherches menées par ailleurs avaient déjà démontré des caractéristiques communes aux chercheurs d’emploi de cette tranche d’âge : ils vivent plus mal cette période d’inactivité qui peut s’allonger, leurs qualifications ne sont parfois pas mises à jour, ils manquent de confiance, n’ont pas rédigé de CV, ni procédé à des entretiens d’embauche depuis des années, ils ne se sentent pas attendus sur le marché de l’emploi et certains, usés par leurs précédents postes, présentent des problèmes de santé qui les rendent hostiles à retrouver un emploi similaire. Enfin, certaines personnes, à l’aube de la retraite, seraient plus enclines à opter pour un temps partiel ou des modèles de travail plus flexibles.

Un site de référencement des bonnes pratiques

Le protocole d’aide aux chômeurs de plus de 50 ans est désormais hébergé par le site de l’association d’aide au retour à l’emploi Shaw Trust. Complet et très synthétique à la fois, il permet à toutes les personnes concernées, gratuitement, de trouver des clés pour accompagner cette population dans le retour à l’emploi. Étape après étape, le site propose de passer en revue les actions que peut mener une personne en recherche d’emploi, et les méthodes pour l’aider à tomber les barrières qu’elle se met souvent seule. « Je n’ai pas de réseau, cela fait trop longtemps que je n’ai pas contacté telle personne… ». Des études de cas et des listes d’arguments sont référencées, ainsi que des propositions de mise en situation. Enfin, des propositions de moments d’échanges sont décrites, avec des thématiques à étudier en commun, afin de libérer la parole, dynamiser les personnes et susciter l’entraide.

Aider à se projeter dans un nouvel emploi

La première phase du projet a consisté à diagnostiquer les services déjà existants : les cartographier, lister les succès, mais aussi étudier ce qui se fait ailleurs. Une visite a ainsi été programmée dans le Finistère, dont la situation est proche de celle des Cornouailles, pour étudier les solutions mises en place. Un chercheur finlandais spécialisé dans le chômage des plus de 50 ans, Paivi Tahkokallio, a également été invité à partager ses recherches.

Quatre sites ont été retenus pour leur fort taux de chômage sur cette tranche d’âge : commence alors une phase de découverte associant cette fois des groupes d’utilisateurs et des fournisseurs de service que sont amenés à rencontrer les chômeurs dans leurs démarches. Les processus, mais aussi les manques dans ceux-là sont décortiqués. Une liste des enjeux les plus importants est établie, qui servira de feuille de route pour les actions à mener.

Sondés, les répondants sont principalement motivés par l’envie d’aider, de travailler à l’extérieur, d’être libres et sans stress.

Prenant conscience de la difficulté de certains à se projeter dans un nouvel emploi, et surtout à valoriser leurs compétences, une série d’actions est proposée pour libérer la parole et encourager les conversations. Un « arbre des talents » voit fleurir sur ses branches les compétences de chacun, invité à les partager en les y accrochant. Un sondage sur « le travail de vos rêves » surprend également ses organisateurs : les répondants disent vouloir être fermier ou aide-soignant, et sont principalement motivés par l’envie d’aider, de travailler à l’extérieur, d’être libres et sans stress. Des demandes, pour la plupart, réalisables.

Lire aussi : Les pôles territoriaux de coopération économique : l'ultime chance pour l'emploi local

Élaborer des solutions par le co-design

Enfin, une réunion de co-design est organisée avec conseillers et médiateurs. Les équipes constituées réfléchissent autour de plusieurs pôles, et élaborent une liste de solutions :

• l’accueil-maison, qui consiste à encourager les seniors à ouvrir leur maison et interagir avec la communauté pour réduire l’isolement ;

• l’échange de compétences grâce à l’élaboration d’un annuaire de contacts entre les membres, pour qu’ils s’aident et échangent en pratiquant la formation et l’apprentissage mutuels ;

• le mentorat 50+50, où les personnes qui ont retrouvé un emploi appuient ceux qui sont en recherche ;

Le mentorat 50+50 permet aux personnes qui ont retrouvé un emploi d’appuyer ceux qui sont en recherche.

• la plateforme des compétences, qui permet de mettre en rapport les expériences et les projets des uns pour inspirer et encourager les autres à reprendre confiance, en réorientant leur carrière ou en démarrant leur propre activité entrepreneuriale ;

• enfin, « High Street Huer » est sans doute le plus inattendu. En Cornouailles, le « huer » est le pêcheur des hauts-fonds. Dans ce programme, il est celui qui va faciliter l’orientation vers les services de l’emploi des plus de 50 ans perdus dans les méandres de l’administration. Et ces « huers » ont des profils surprenants : ils sont pharmaciens, libraires, coiffeurs ou buralistes… engagés volontaires, ils identifient les personnes qui pourraient bénéficier des services d’aide à l’emploi ou de santé, et engagent le dialogue avec eux pour les informer des services existants. Si leur interlocuteur l’accepte, ils peuvent transmettre leurs coordonnées aux services concernés pour que ceux-ci viennent à leur rencontre, puisqu’eux-mêmes ont des difficultés à franchir ce pas.

En mettant en place ces actions, les services se sont rendu compte du désir d’entraide qui existait au niveau des communautés locales. Soutenu par le Fonds social européen, le programme s’est achevé en 2013. Les améliorations apportées sont désormais intégrées dans les services, et certaines actions portées par des associations reconnues d’utilité publique.

Les bénéfices tirés du programme

Dans leur rapport final, en 2013, les acteurs du programme Cornwall Work 50 + soulignent notamment les liens que leur ont permis de créer ce projet entre tous les acteurs du territoire. « Des réseaux nouveaux et approfondis, des partenariats et des relations qui dépassent les organisations clé travaillant dans cette sphère, et qui ont servi de catalyseurs pour de nouveaux développements », écrivent-ils. « Ce rôle de catalyseur apparaît aussi dans les compétences qui sont apparues à la suite des projets et activités développés. […] De cette manière, les débouchés positifs et les effets produits sont à la fois opérationnels et stratégiques. »
Même si déjà, à l’issue du programme, les membres s’inquiétaient de la pérennité de leurs actions dans le temps, ils notaient l’influence favorable sur le réseau de soutien aux chômeurs. Ils notaient également l’intérêt de mener une étude, à plus long terme, sur les résultats de ces changements dans les processus d’accompagnement.

Lire aussi : Développement économique : une vision d'ensemble pour une action locale

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