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Volkswagen, Air France, ou telle entreprise confondue pour turpitude dans le cadre d’un reportage télévisé, sont de bons exemples des crises auxquelles peuvent être confrontées les institutions. Les crises font partie de leur vie, elles constituent ces moments où l’immobilisme devient fatal, ces ruptures brutales, que l’on ait pu ou non en anticiper la survenance. Selon l’étymologie, elles imposent des décisions ou génèrent des opportunités mais, dans tous les cas, elles traumatisent fortement le corps social et impactent la mission des managers.
Certains élus parlent de crise pour évoquer la situation budgétaire de collectivités locales, autres institutions confrontées aussi à ces moments décisifs de leur existence. La crise n’est pas qu’un objet d’étude lointain pour sociologue ou historien, elle représente aussi un sérieux enjeu pour les managers dans le quotidien de leurs activités et de leur mission, avec leurs équipes et dans la position institutionnelle qui est la leur.
Les crises exigent d’inventer et il n’est aucune boîte à outils universelle pour aider les managers confrontés à ces situations.
Les crises exigent d’inventer et il n’est donc aucune boîte à outils universelle pour aider les managers confrontés à ces situations. Cependant, ils peuvent au moins se référer à quelques principes pour nourrir leur réflexion et imaginer leur plan d’action ((Thévenet, M. Manager en temps de crise. Eyrolles, 2009.)).
Premier principe : « nécessité ne fait pas loi »
Pour les managers, la crise est toujours un fait, une réalité. Ils ont donc tendance à imaginer que tout le monde doit forcément interpréter les « faits » de la même manière : ils comprennent les émotions devant la gravité de la réalité qu’il leur paraît impensable de nier.
Malheureusement, nécessité ne fait pas loi, tout le monde peut reconnaître un fait sans l’interpréter de la même manière. Les tenants de la théorie du complot sont là pour nous rappeler régulièrement la remise en cause de ce qui nous semblait totalement attesté et avéré dans l’histoire ou dans l’actualité. Les managers ne devraient donc jamais surestimer le partage d’une interprétation commune de la réalité du seul fait de leur gravité.
Deuxième principe : « pas d’activisme »
L’urgence d’une crise peut conduire à l’activisme dont le mérite est de donner l’impression de faire quelque chose sans être forcément adapté.
La crise requiert aussi de la réflexion et de la clairvoyance. On raconte souvent cette légende germanique de deux souris tombées dans un pot de crème. La première se décourage et meurt noyée ; la seconde continue de nager frénétiquement et, comme à cette époque la crème battue se transformait en beurre, elle se hisse sur la motte pour s’échapper du pot. Cette histoire est souvent présentée comme un hymne à l’optimisme et à l’activisme : il ne faut jamais oublier que, quand on tombe dans un pot, c’est rarement de la crème…
À FAIRE
- Communiquer quand il n’est pas nécessaire de communiquer, simplement pour se réexprimer les références communes et partagées
- Se montrer exemplaire, étant entendu que c’est un problème et pas une solution
- Rendre visible la réalité plutôt que de la dire ou de l’expliquer.
Troisième principe : le « besoin d’engagement »
Pour sortir d’une crise, il est préférable d’avoir de bonnes idées, des stratégies pertinentes, du financement et aussi de la chance. Mais rien ne peut se faire, avec tous ces atouts, sans l’engagement des personnes — de l’ensemble du personnel – à surmonter la crise, c’est-à-dire concrètement à changer profondément ses manières de voir et d’agir. Ce souci de s’investir et de prendre sur soi relève in fine d’une décision personnelle.
Ces principes paraissent bien généraux et il est indispensable de les illustrer avec quelques conséquences pratiques dans les domaines traditionnels de l’action managériale.
Restaurer la confiance avant de communiquer
Le premier domaine qui semble impacté est évidemment celui de la communication. La communication a cette caractéristique, parmi les problèmes de management, d’être souvent considérée comme la panacée sans jamais connaître l’état de santé. S’il est une chose que ne devraient jamais oublier les managers, en situation de crise et même avant, c’est que l’efficacité de la communication ne dépend pas du message mais de la confiance accordée à celui ou celle qui le porte.
Les managers devraient donc moins s’occuper de peaufiner leurs messages dans la solitude de leur bureau que de renforcer concrètement les relations de confiance avec leurs équipes.
En temps de crise tout spécialement, les messages importent peu car le climat peut être tellement tendu, suspicieux et délétère que n’importe quelle information sera toujours interprétée, sur-interprétée, mésinterprétée. Les managers devraient donc moins s’occuper de peaufiner leurs messages dans la solitude de leur bureau que de renforcer concrètement les relations de confiance avec leurs équipes. Cette confiance se construit au fil du temps, dans la répétition, le partage de visions ou d’expériences communes.
Investir dans le collectif
Le deuxième domaine est celui du collectif. Le manager doit faire en sorte qu’une action collective soit efficace et, en situation de crise, il doit d’autant plus investir sur la dimension collective de son action, alors que l’activisme peut souvent le cantonner dans son bureau.
En situation de crise, le manager doit être là (en deux lettres), présent auprès de ses équipes. Reconnaissons la difficulté de la tâche pour au moins trois raisons. La première, c’est qu’il est déjà beaucoup demandé aux managers dans ces situations difficiles : réunions, plans, projets, etc. La deuxième raison tient au fait que les équipes sont en attente d’informations et de perspectives que le manager n’a pas toujours la possibilité de donner, par souci de confidentialité assez rarement, par ignorance le plus souvent. La troisième est moins avouable : elle peut tenir au manque de motivation du manager à être présent sur le terrain avec ses équipes.
La présence n’est pas une potion magique et certains managers font même parfois pire en étant présents qu’en étant absents.
Toutefois la présence n’est pas une potion magique et certains managers font même parfois pire en étant présents qu’en étant absents… La seule idée qui devrait les animer dans ces moments n’est pas d’essayer de faire passer des messages, mais de sans cesse revenir sur ces références communes partagées dans chaque équipe, qu’elles tiennent à la raison d’être d’une activité ou aux fondements d’un métier.
Prendre soin des symboles
Le troisième domaine est celui de l’action ou de la décision. Après avoir quitté Panama pour chercher à découvrir le Pérou, Pizarro se retrouve tôt confronté à la révolte de ses compagnons, tenaillés par la faim et le découragement. Il décide alors de réunir tout le monde et de partager publiquement et en parts égales — lui compris — la nourriture restante. C’est une action symbolique qui contribuera à renverser l’ambiance. En situation de crise, le symbolique a de l’importance, même s’il ne semble concerner que des détails. Ce souci du symbolique a au moins deux conséquences pratiques, concernant l’exemplarité évidemment, mais aussi la surcommunication sur ce qui est réellement important.
Il reste maintenant au manager à mettre en musique ces quelques pistes dans la particularité et la complexité de son propre contexte. À lui d’imaginer ! À lui surtout de se méfier, dans ces situations critiques, de toutes les idées simples et prêtes à l’emploi : elles séduisent, mais leur inefficacité fait souvent perdre beaucoup de crédit à leurs utilisateurs. Et c’est justement de crédit dont le manager a le plus besoin dans ces situations.
À ÉVITER
- Vouloir rassurer : il n’y a rien de moins rassurant que quelqu’un qui veut vous rassurer
- Expliquer : le rôle du manager n’est pas d’expliquer mais de réexpliquer sans cesse sous des formes, dans des styles et circonstances différents. C’est fastidieux mais indispensable
- Se réfugier dans les projets en oubliant qu’ils devront forcément être collectifs