SDF
© Jean-Michel LECLERCQ - adobestock
Tout avait commencé avec Christophe Castaner, qui nous avait expliqué que certains sans-abris refusaient « d’être logés » parce que se retrouver dans des centres d’hébergement entravait « leur liberté » et qu’ils ne s’y sentaient pas « à l’aise ». Puis, on a eu le secrétaire d’État à la Cohésion des territoires, qui a inventé le formidable concept d’« avérés à la rue » (ceux qui ne trouvent jamais de place nulle part), pour calculer qu’au final ceux qui sont « vraiment » sans abri (comprendre encore une fois que les autres le sont parce qu’ils le veulent bien) ne dépassaient pas la cinquantaine en Île-de-France. Puis, le bouquet final, avec le député LREM de Paris, Sylvain Maillard, qui nous expliqué que « l’immense majorité » des SDF restaient à la rue parce que « c’est leur choix ».
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On ne tombe ni ne reste dans la rue par volonté
L’objectif de ces propos est évidemment de rendre les victimes responsables de l’incapacité d’Emmanuel Macron à honorer sa promesse qu’il n’y ait plus « à la fin de l’année » 2017, « des femmes et des hommes dans les rues ». Que cet indigne épisode de démagogie sans retenue et de mensonges organisés nous permette pourtant de rappeler quelques vérités.
Personne n’est capable de proposer à des milliers de gens des solutions de long terme
Quiconque a déjà travaillé auprès des personnes sans abri sait : qu’ils ne se sont pas retrouvés dans la rue parce qu’ils le voulaient et qu’ils n’y restent pas non plus parce qu’ils les veulent. Comme dans toutes les situations de détresse sociale extrême, se mêlent les drames personnels, les fragilités individuelles et la réalité sociale. Les gens « tombent » souvent après des ruptures personnelles ou professionnelles auxquelles ils ne peuvent résister. Ils restent dans la rue parce que presque personne n’est capable de proposer à des milliers de gens des solutions individuelles de long terme de logement et de réinsertion sociale et professionnelle. C’est aussi simple que cela.
La rue, c'est d'abord la violence
S’y ajoute, pour répondre à ces messieurs, que oui, les solutions ponctuelles de logement offertes dans des centres d’hébergement ont le mérite d’exister, mais qu’elles sont souvent tellement inadaptées (on est gentils sur les termes) que les personnes restent dans la rue, malgré son froid, sa dureté et sa violence. Malgré les vols, les viols, les maladies, les blessures dont elles sont sûres d’être victimes. Malgré la mort. Plutôt que de les prendre à partie, ces messieurs feraient bien de réfléchir à ce qui pousse ces femmes (ne l’oublions pas) et ces hommes à endurer cela. Personne n’a forcé Emmanuel Macron à prendre cet engagement. D’autres avant lui avaient échoué à tenir cette promesse, principalement parce que s’il était possible de résoudre en six mois toutes les situations individuelles des personnes sans abri, il est évident que cela aurait déjà été fait.
L’enjeu n’est évidemment pas de sauver la mise du président de la République, il est bien de trouver des réponses durables, mais c’est plus difficile qu’un bon mot.