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Cette année, 28 000 nouvelles places d’hébergement temporaire ont été créées, la moitié pour le plan hivernal et l’autre pour faire face à la crise sanitaire.
Ce sont notamment près de 12 000 chambres d’hôtel qui ont été trouvées pour permettre de dédensifier les centres d’hébergement d’urgence existants.
Cette mobilisation sans précédent explique sans doute, avec la mise en place de structures dédiées aux sans-abri malades, la faible contamination au Covid-19 des sans domicile fixe ((Durant la crise du Covid-19 sont apparus les centres d’hébergement spécialisé (CHS) pour confiner des sans-abri malades. 2 000 places ont été créées, occupées à seulement 30 %. Une partie de ces CHS est maintenue, dans l’hypothèse d’un rebond de l’épidémie. L’autre sera transformée en structures accueillant les publics précaires nécessitant des soins.)). Mais il y a un hic : ces places vont disparaître en grande partie dans les prochaines semaines.
« Ce ne serait pas très logique qu’après cette crise, alors qu’on n’est pas sûr d’un prochain rebond de l’épidémie, on remette des gens à la rue »
La gestion de l’hébergement « au thermomètre » tant dénoncée par les associations, va-t-elle reprendre du service ? Et si la crise avait plutôt amorcé un changement de paradigme ? Dans la région lyonnaise, on en prend le chemin. Pour preuve, la métropole et la préfecture viennent de lancer le plan « zéro retour à la rue ». Une évidence pour Martine Chanal, chargée de mission habitat-stratégie et innovation à la direction Habitat et Logement : « On comprend bien que ce ne serait pas très logique qu’après cette crise, alors qu’on n’est pas sûr d’un prochain rebond de l’épidémie, on remette des gens à la rue ». La méthode ? Simple, sur le papier tout au moins : libérer des places dans l’hébergement d’urgence en accélérant le plan quinquennal « Logement d’abord ». Lequel vise à accompagner les sans-abri vers un logement de droit commun.
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Les objectifs ambitieux de la métropole lyonnaise
« La crise sanitaire a confirmé toute la pertinence du logement d’abord, déclare Julien de Normandie, ministre en charge de la Ville et du Logement, dans une circulaire sortie le 2 juin dernier. Et de poursuivre : « Les personnes sont mieux protégées lorsqu’elles ont un logement que lorsqu’elles doivent avoir recours au 115 dans des centres d’hébergement où la promiscuité peut être la règle ». Ces propos ont de quoi réjouir les associations de solidarité portant secours aux sans-abri, qui ne demandent qu’à les croire.
Le ministre avance l’objectif ambitieux de reloger 3 000 ménages sur l’ensemble du territoire national d’ici fin juillet
Le problème est que cet engagement arrive un peu tard, tiquent certains responsables associatifs. Dans sa circulaire, le ministre avance ainsi l’objectif ambitieux de reloger – d’ici fin juillet – 3 000 ménages sur l’ensemble du territoire national, suivant une répartition territoriale assez précise : 315 en Auvergne Rhône-Alpes, 340 dans les Hauts-de-France, pour ne citer que ces exemples.
Pour corser le tout, la pénurie de logements sociaux s’est accentuée pendant la crise, car les ménages ont moins déménagé. Une situation que la métropole de Lyon avec son plan « Objectif : zéro remise à la rue » entend tourner à son avantage en captant les logements libres dans lesquels n’ont pas pu emménager des habitants des quartiers en renouvellement urbain. Cette manne n’épuisera certes pas l’ambition de trouver en cinq mois 400 logements contre 200 en temps ordinaire.
« On sera forcément dans une logique de priorisation, estime Martine Chanal, mais il y a un moment où il faut admettre qu’on a pris du retard sur ces publics ». Par ailleurs, le parc privé sera également mobilisé, ainsi que les pensions de famille et l’habitat groupé.
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Des avancées… mais de gros besoins
« En dehors du plan de la métropole de Lyon, on n’a tout de même pas l’impression qu’il y ait une forte volonté dans les autres territoires » relève, circonspect, Emmanuel Bougras, chargé de mission Hébergement-Logement à la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Par ailleurs, les 3 000 logements pour fin juillet ne sont qu’une petite goutte d’eau pour résorber les problèmes du sans-abrisme et du-mal logement.
Ce n’est certes qu’une première étape, indique le ministre dans sa circulaire, rappelant qu’au total pour 2020, 17 000 logements dans le cadre du logement d’abord devront permettre le relogement des sans-abri.
Les places en hébergement demeurent donc indispensables. Sans compter que les bidonvilles et squats n’ont pas disparu
Une belle avancée… encore insuffisante pour répondre aux 70 000 ménages prioritaires au Dalo toujours dans l’attente d’un logement, selon les chiffres du ministère de la Cohésion des territoires. Enfin, l’accès au logement ne peut être qu’une partie de la solution au problème du sans-abrisme, puisqu’il faut bien entendu disposer de droits dits « ouverts » pour accéder à un logement.
En sont exclus quantité de sans-papiers, ces derniers représentant entre un tiers et la moitié des précaires à la rue. Les places en hébergement demeurent donc indispensables. Sans compter que les bidonvilles et squats n’ont pas disparu, et ce, même pendant la crise du Covid-19. Un regain de vigilance a néanmoins été porté sur leurs occupants, en termes sanitaire, de distribution alimentaire, de gestion des déchets, et de points d’eau.
« Un enjeu : essayer de coordonner les politiques »
Le ministère prévoirait d’ores et déjà la transformation de 6 000 places en hébergement pérenne, lesquelles s’ajouteront aux 150 000 places existantes dans les centres d’hébergement à l’année.
Pour le reste, les 22 000 places d’hébergement temporaire vont bel et bien se tarir après le 10 juillet, les fermetures ont déjà commencé.
C’est bien logique, les hôtels veulent récupérer leurs chambres, les entreprises leurs bâtiments, l’Éducation nationale ses internats… Dans sa circulaire, le ministère enjoint toutefois aux préfets de région et de département de limiter la fermeture des hébergements avant cette échéance et « d’éviter toute remise à la rue sèche ».
Les 22 000 places d’hébergements temporaires vont bel et bien se tarir après le 10 juillet, les fermetures ont déjà commencé
Des solutions semblent être trouvées à chaque fermeture de site, pour le moment. La Fédération des acteurs de la solidarité plaide cependant pour maintenir le plus possible des places en hébergement d’urgence. « Cela n’a aucun sens de fermer des places pour les rouvrir dans deux mois ! alerte Emmanuel Bougras. En plus, c’est dangereux, le virus est encore là. »
En la matière, la métropole de Lyon se montre prévoyante : son intention est de constituer un stock permanent de 250 logements temporaires pour les sans-abri « sans droits ».
« Cela ne relève pas de notre compétence, mais on a un enjeu d’essayer de coordonner les politiques », souligne Martine Chanal. L’idéal serait de pouvoir mixer la création de logements transitoires avec des projets d’économie sociale et solidaire, renchérit-elle « afin de permettre aux gens de travailler, même s’ils ne sont pas là durablement ».
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L’accompagnement sera-t-il à la hauteur ?
Dernier point, l’accompagnement dans le logement et l’hébergement des sans-abri, un volet à ne pas négliger pour garantir un départ du bon pied pour toutes ces personnes souvent en souffrance. C’est à l’État de le prendre en charge, rappelle la métropole de Lyon actuellement en pourparlers avec ce dernier. Le deal sera-t-il accepté et satisfaisant ?
À suivre. L’État aurait déjà annoncé l’augmentation du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL).