J'évoque régulièrement la question des achats d'information sous l'angle de la gestion des abonnements ou de l'accès à la documentation juridique. Je m'attarde en revanche beaucoup moins sur celle des acquisitions d'ouvrages, qui mérite pourtant toute notre attention. Il est vrai qu'hors lecture publique, le budget dédié à ces acquisitions est souvent réduit à la portion congrue, l'essentiel de nos crédits étant affecté aux abonnements papier ou numériques. Cela ne doit néanmoins pas nous empêcher de procéder à ces achats dans le respect des règles de la commande publique, ce qui n'est pas toujours évident.
Nous sommes souvent tiraillés entre plusieurs impératifs qui, sans être totalement incompatibles - et c'est heureux - nous imposent parfois d'agir en véritables équilibristes, flirtant avec la légalité. Il est en effet bien légitime de s'adresser en priorité au(x) libraire(s) du coin. C'est même fréquemment ce que nous faisons, tant par conviction personnelle que par nécessité pour nos employeurs locaux de faire vivre l'économie locale, mais aussi eu égard au service que seul un commerce de proximité est en capacité de fournir. Mais il peut être parfois tout aussi légitime de faire appel soit à l'éditeur directement, soit à un fournisseur au catalogue en ligne plus fourni et aux délais de livraison imbattables. Reconnaissez que c'est tentant quand il faut commander en urgence un ouvrage d'un éditeur improbable que votre dévoué libraire mettra quinze jours, voire plus, à recevoir (et que celui ou celle qui ne l'a jamais fait me jette la première pierre)... Sauf qu'un service Achats un peu tatillon verra dans cette infidélité au titulaire du marché une entorse aux règles de la commande publique. Et il aura bien raison.
Il existe pourtant des moyens, souvent méconnus, de procéder dans un cadre respectueux du Code des marchés publics. Les différentes possibilités offertes par l'allotissement font partie de ces pistes encore trop peu exploitées par les collectivités. Dans un article publié cette semaine sur achatpublic.info (accès réservé aux abonnés), Pascal Wagner, président de l'ABF, regrette que "les services de marchés publics verrouillent trop juridiquement les marchés, notamment pour les procédures adaptées". Ce à quoi il ajoute que "la mise en concurrence n'est pas synonyme d'attribution en exclusivité à un seul fournisseur. Au contraire, un lot peut être attribué à plusieurs fournisseurs", en faisant référence au Vade-mecum de l'achat public de livres du ministère de la Culture. L'article d'achatpublic.info insiste sur la nécessaire collaboration entre acheteurs et professionnels de l'information pour bâtir un cahier des charges, et notamment sur l'expérience de ce dernier, qui connaît les pratiques des fournisseurs potentiels. Il est de ce fait en capacité d'élaborer des critères de sélection fins et pertinents, mais aussi de faire preuve de vigilance sur les réponses fantaisistes qu'apportent certains candidats sur leurs délais de livraison ou leur aptitude à dénicher des livres épuisés.
Autant d'éléments intéressants dont nous devons nous emparer dans le cadre de notre collaboration avec nos services Achats, pas toujours au fait des spécificités de nos besoins et fournisseurs, et souvent trop attachés à la notion de prix. L'encadrement strict de ces derniers rend pourtant totalement inapproprié l'utilisation de ce critère dans la sélection des libraires.