Dominique BUSSEREAU
© Mélanie Chaigneau
Vous réclamez à l’État 740 millions d’euros pour couvrir l’augmentation du RSA entre 2014 et 2015. Depuis, avez-vous eu des nouvelles ?
Les départements dénoncent depuis trop longtemps l’évolution des dépenses de RSA à laquelle ils doivent faire face, mais sans en avoir aucune maîtrise. L’objectif poursuivi aujourd’hui par l’ADF est que l’État prenne, une fois pour toutes, l’évolution future de ces dépenses. Pour 2015, cela correspond en effet à 740 millions d’euros. Or, le montant que l’État a bien voulu accorder aux dix départements les plus en difficulté s’élève à 50 millions d’euros, c’est une aumône ! Cette somme ne représente même pas un seul mois de RSA pour le département du Nord.
L’objectif poursuivi aujourd’hui par l’ADF est que l’État prenne, une fois pour toutes, l’évolution future des dépenses du RSA.
D’ici à 2020, le RSA aura augmenté de près de 3,3 milliards par rapport au niveau de 2014. Vous constatez combien nous sommes loin du compte avec les 50 millions accordés par l’État. Nous connaissons la situation des finances publiques et nous sommes tout à fait conscients que nous devons participer à l’effort de redressement. Cependant, les départements ne peuvent pas à la fois financer la solidarité nationale et contribuer au redressement des finances publiques, tout en garantissant le meilleur service aux citoyens en matière d’entretien des routes, d’aide à la personne ou encore de développement numérique.
Le reste à charge total des départements pour financer les aides sociales est évalué à 7,2 milliards d’euros, sans oublier la ponction de la moitié des ressources de la CVAE. Comment faire face à cette situation financière tendue ?
Honnêtement, l’équation est impossible à résoudre si aucune décision n’est prise en matière de gestion de la dépense publique. En plus de la problématique du financement des trois allocations individuelles de solidarité (RSA, APA, PCH), on ampute les départements de 50 % de leur CVAE pour financer le transfert de la compétence transport. Non seulement c’est une part très importante d’une fiscalité dynamique qui est enlevée aux départements, mais en plus on les prive d’une compétence qui est très bien exercée et sur laquelle les marges de manœuvre étaient les plus grandes. Dans cette configuration, le système n’est plus tenable. Ce constat est partagé par tous : la Cour des comptes elle-même a dressé un portrait très alarmant de la situation financière des départements dans son dernier rapport sur la situation des finances publiques locales.
Les départements ne peuvent pas à la fois financer la solidarité nationale et contribuer au redressement des finances publiques.
L’État doit aujourd’hui prendre ses responsabilités. C’est pourquoi l’ADF appelle vivement de ses vœux une recentralisation partielle ou totale du financement du RSA afin que cette dépense revienne enfin entre les mains de son prescripteur. Par ailleurs, pour financer le transfert de la compétence transports, les départements souhaitent que le transfert de CVAE se transforme en une attribution de compensation des départements vers la région, pour que la compensation soit juste.
Le gouvernement viserait-il, de façon détournée, à affaiblir le département ?
Je ne sais pas si le gouvernement a eu depuis 2012 la volonté cachée ou l’intention inavouable d’affaiblir le département en ne compensant plus par exemple une large part de ses dépenses sociales ou bien en réduisant depuis deux ans et de façon drastique ses dotations, au nom du redressement des comptes publics. On pourrait cependant le croire avec le transfert programmé en 2017 à la région d’une part significative d’une ressource départementale dynamique, à savoir la CVAE.
La Cour des comptes elle-même a dressé un portrait très alarmant de la situation financière des départements.
Par ailleurs, il est certain que les départements seront contraints de réaliser à brève échéance de nouvelles économies de fonctionnement, en particulier sur leur masse salariale. Ils redéfiniront leur politique de subvention aux associations ou aux collectivités, s’ils veulent continuer à investir dans le champ de la solidarité territoriale.
À cet égard, il est essentiel que, dans les prochaines années, le département trouve aussi, avec les autres collectivités territoriales et leurs groupements, de nouvelles pistes de contractualisation pour soutenir les nombreux projets de développement ou d’équipement dont la population a besoin, que ce soit dans le tourisme, la culture, la jeunesse et le sport.
Vous ne souhaitez pas la remise en cause de la réforme territoriale, en cas d’alternance politique en 2017. Mais des ajustements seront opérés, comme récemment au Sénat sur les SDIS ?
En effet, après avoir vécu au Parlement les méandres de la réforme territoriale, je pense que les collectivités locales et en particulier les départements ont besoin, pour relever de nouveaux défis, d’une longue période de stabilité législative qui leur offrira une plus grande sécurité juridique.
C’est à cette condition que les Français s’intéresseront à nouveau aux projets innovants des collectivités locales et percevront le bien-fondé et l’efficience de la gestion des affaires locales sur leur vie quotidienne. L’ADF suivra de très près la parution des textes d’application de la loi « Notre » relatifs à la répartition des compétences et veillera à la stricte application de la volonté du législateur, notamment en matière de transport.
Les départements, en tant que collectivités, vivent-ils leurs dernières années ?
Bien au contraire ! La création de sept grandes régions de taille européenne et le besoin accru de cohésion sociale justifient pleinement la reconnaissance d’une collectivité expérimentée et de proximité qu’est le département. Je pense que, depuis sa création en décembre 1789, le département a toujours su se moderniser, pour apparaître aujourd’hui comme un ancrage incontournable de l’action publique locale et un garant de la mise en œuvre des politiques sociales. Loin de disparaître, les départements, même soumis à de fortes contraintes budgétaires, s’efforceront de garder le cap de la réforme, tout en engageant entre eux et avec le bloc communal d’utiles rapprochements.
Député, président du conseil départemental de Charente-Maritime, Dominique Bussereau (LR) a été plusieurs fois ministre ou secrétaire d’État sous le gouvernement de François Fillon (2002-2007).