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Voilà donc qu’on a ouvert la première « salle de shoot » en France. Il faut s’en réjouir. Depuis que le Sénat en a approuvé le principe en 2013, il en a fallu de la détermination aux pouvoirs publics et associatifs pour arriver enfin à ce résultat !
Lutter contre les peurs… et contre les politiques
Il a évidemment fallu combattre les peurs des résidents proches de cette salle de shoot. Ne rions pas ici du syndrome Nimby : les inquiétudes des riverains sont fondées, et passer en force sur de tels projets signifie souvent leur échec. Mieux vaut convaincre du bien-fondé de la démarche (et il y en a des arguments, on va y revenir…) et trouver des solutions négociées pour pallier les inconvénients, qui existent bien. Le projet, initialement prévu dans des locaux « banalisés » ayant pignon sur rue, s’est réorienté vers une localisation dans un hôpital, choix plus sûr en matière de sécurité publique et sanitaire.
Mais il a aussi fallu, et il le faudra malheureusement longtemps encore, lutter contre une classe politique qui se complaît tristement dans une vision exclusivement répressive du problème du trafic et de la consommation de drogues. Rien ne bouge vraiment chez les politiques, malgré l’échec patent de cette approche et son coût financier et social démesuré (la France dépense chaque année 560 millions d’euros dans la répression, seulement 36 dans la prévention). Pour un Daniel Vaillant ou un Benoît Hamon, qui disent clairement qu’il faut sortir de l’impasse de l’interdiction, combien de centaines qui pensent toujours que ne serait-ce que réfléchir au sujet équivaut à promouvoir la drogue ?
Il est temps de bouger
Pourtant, quel retard nous avons accumulé en la matière sur d’autres pays ! Les salles de consommation de drogues à moindre risque existent dans plusieurs villes de Suisse : la première y a été créée il y a 25 ans. Au Canada, le gouvernement Trudeau a annoncé un projet de loi pour décriminaliser et réglementer la consommation de marijuana.
Alors oui, il est temps de bouger sur le sujet. Nationalement, en menant un vrai débat sur les politiques de légalisation, leurs effets et leurs inconvénients. Localement, en donnant des moyens aux élus locaux qui se battent pour mener des politiques de prévention auprès du public et de soutien aux usagers de drogues.
Dans la situation économique et sécuritaire que nous vivons, le débat peut ne pas sembler prioritaire. Il l’est pourtant, même s’il n’est pas le seul. Il en va de la santé des usagers, des moyens que nous pourrions réaffecter à la prévention, de notre capacité à affronter enfin de manière différente les plaques tournantes du deal qui pourrissent certains quartiers… De toute façon, nous n’avons pas le choix : soit nous avançons, soit nous continuons ce surplace mortel.