Du bon (ou du mauvais) usage du Centre Pompidou Mobile

La Rédaction

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Au début des années 80, j'ai vécu l'aventure du Muséobus de l'Hérault, mais le premier  Muséobus fut mis en service dès 1947 à Cleveland (Etats-Unis). Annoncer  alors que le Centre Pompidou Mobile (CPM), inauguré fin 2011, était  le « premier musée nomade au monde » était donc un peu abusif. Certes le concept, beaucoup plus spectaculaire (et donc médiatique), n'est plus le même puisqu'il propose une surface beaucoup plus importante (600 m2 de surface d'exposition) sous forme de trois tentes  colorées reliées par des sas, que l'on doit à Patrick Bouchain, architecte de nombreuses et innovantes structures circassiennes.

En soi, l'objectif pouvait sembler pertinent puisqu'il s'agissait de « faire découvrir gratuitement l'art contemporain aux populations qui n'ont pas accès direct à la culture », avec un dispositif de médiation assez élaboré en direction des scolaires (audioguides, visites théâtralisées).   Or nous apprenons aujourd'hui, par un article de Bernard Hasquenoph sur le site « Louvre pour tous » (Centre Pompidou mobile, l'illusion du succès) que l'analyse des publics qui le fréquentent depuis octobre 2011 révèle  qu'il attire essentiellement les habitués des musées. Ce constat se base sur les enquêtes commandées par le Centre Pompidou à l'institut de sondages TNS Sofres pour chaque ville visitée par le CPM, notamment pour les trois premières villes dont on possède la synthèse (non rendue publique, pas plus que les enquêtes elles-mêmes).

Par ailleurs, le coût de la venue du Centre Pompidou mobile est élevé. Si l'investissement (2,5 M¤) a été pris en charge par feu le Conseil de la création artistique et quatre mécènes (Fondation Total, GDF-Suez, Galeries Lafayette, assureur La Parisienne), chaque étape représente des frais de 400.000 euros, pris en charge théoriquement pour moitié par le ministère de la culture et les mécènes, et pour moitié (200 000 ¤). par les collectivités locales partenaires (ville, département, région). Mais au-delà de ce « ticket d'entrée », celles-ci doivent encore financer la logistique (notamment le gardiennage du site 24h/24 durant 3 mois, l'eau et l'électricité) et la communication. Soit 100 000 ¤ à 200 000 ¤ supplémentaires. Dans un article sur cette question paru dans « la tribune de l'art » (Le Beaubourg Circus « pas cher » d'Alain Seban), Didier Rykner fait remarquer que ces quelque 400 000 euros  demandés à la collectivité locale représentent  « plus de la moitié du budget annuel total du Musée de Cambrai (715 000 ¤), et cinq fois plus que ce que celui-ci consacre chaque année pour ses expositions(80 000 ¤) ».

Cela pour une quinzaine d'oeuvres, certes prestigieuses mais sans forcément de lien entre elles... et  dans des villes possédant déjà, le plus souvent, un musée (et qui pourraient recevoir en prêt ou en dépôt certains de ces tableaux). Car le paradoxe, c'est que les vraies petites villes, celles qui devaient en être bénéficiaires car « au coeur de territoires que l'offre culturelle traditionnelle a du mal à pénétrer » ne peuvent financièrement faire venir le CPM (il est actuellement au Havre qui possède déjà un musée d'Art moderne, le MuMa).

L'intérêt d'un tel évènement ne se justifie donc éventuellement, me semble-t-il,  qu'à la condition que la collectivité profite d'un tel évènement pour « booster » sa politique culturelle en mobilisant l'énergie des responsables des équipements artistiques, en permettant que des passerelles soient créées...  par exemple par le financement en parallèle d'une belle exposition temporaire au sein du musée en lien avec « l'évènement CPM » et permettant de le prolonger (mais n'est-ce pas un rêve, quand on connait les contraintes budgétaires actuelles ?). Ou encore que le CPM puisse proposer des coûts moindres et une durée plus longue, afin qu'un ancrage plus profond permette une médiation sur tout un bassin de vie, ce qui faciliterait peut-être cet élargissement des publics désespérément espéré...

François Deschamps

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