ACTU_ITW_Jean-Michel-Monpays
Jean-Michel Monpays est à la fois directeur d’école et premier adjoint au maire de la ville d’Armentières. Lors du précédent mandat, il était adjoint à l’enseignement.
Depuis le printemps, les écoles ont dû s’adapter perpétuellement face aux règles de confinement et de déconfinement, et les communes avec elles. La transmission État – collectivités – écoles est-elle bonne ?
Depuis le début de la crise, j’ai le sentiment que le gouvernement hésite. Les collectivités sont souvent prévenues très tardivement, il faut s’adapter dans l’urgence. Au premier confinement, l’accueil des enfants de soignants a été demandé d’un jour pour l’autre sans aucun moyen ni indication. Ensuite, les 2S2C (activités sport santé culture civisme) nous ont aussi demandé réactivité et souplesse puisque les écoles recommençaient à fonctionner en parallèle. Quelques jours plus tard, tout le monde revenait finalement à l’école. Actuellement, notre problématique est la question des déplacements : à l’heure de la cantine, certains des élèves des 14 écoles de notre commune devaient prendre le bus pour aller manger. Pour éviter le brassage, nous avons rapporté des armoires chauffantes achetées ou louées, certains enfants mangent dans leur classe. Cela a été un casse-tête au niveau des prérogatives du service petite-enfance, sur le nombre d’animateurs nécessaires, les normes sanitaires liées aux armoires… Nous vivons dans cette adaptabilité permanente.
« L’hommage à Samuel Paty aurait certainement dû s’organiser autrement : cela a été compliqué pour les enseignants »
Depuis la rentrée, un autre sujet est revenu dans les débats : la question de la laïcité. À tort ou à raison ?
Il y a réellement une problématique de la laïcité, on ne parlera jamais assez de laïcité. À la rentrée, l’hommage à Samuel Paty aurait certainement dû s’organiser autrement : cela a été compliqué pour les enseignants. Mais il existe plusieurs formes d’hommages, je me souviens par exemple que pour Charlie, nous avions organisé à plusieurs reprises des temps de recueillement devant la mairie avec des lectures de textes. Dans les écoles, si l’on veut organiser quelque chose, cela se prépare certainement plus en amont et pas le jour de la rentrée.
« Entre Covid et communautarisme, l’augmentation des parents qui choisissent l’enseignement à la maison a tendance à augmenter »
L’annonce de l’instruction à l’école rendue obligatoire vous a surpris ?
Avec 97 % de scolarisation, cela ne va pas changer grand-chose. En revanche, là où il y a potentiellement une difficulté pour les villes et pour l’Éducation nationale, ce sera pour trouver les enfants qui ne vont pas à l’école. Actuellement, entre Covid et peut-être communautarisme, l’augmentation des parents qui choisissent l’enseignement à la maison a tendance à augmenter. Il n’est pas évident de vérifier si les conditions d’enseignement sont bonnes à la maison. Demain, il faudra leur demander de rejoindre un établissement scolaire. Comment ? Nous n’en savons rien, c’est le flou… attendons de voir.
« Ne pas bénéficier du statut REP signifie des aides en moins et des enseignants en moins pour les classes dédoublées »
La question de la mixité sociale reste souvent cruciale pour les collectivités. À Armentières, comment abordez-vous cette question ?
Nous avons opté pour une sectorisation. Des dérogations sont possibles mais cela se joue à la marge. En revanche, aucune de nos écoles n’est classée en REP alors que si l’on compare avec les chiffres de l’Éducation nationale, trois groupes scolaires pourraient être en REP dont une en REP+. Ne pas bénéficier de ce statut signifie des aides en moins et des enseignants en moins pour les classes dédoublées. Il faudrait une révision de la carte REP pour que l’on en bénéficie, mais c’est difficile pour l’Éducation nationale d’ôter le statut REP à certaines écoles pour l’attribuer à d’autres. Nous avons néanmoins des quartiers « Politique de la ville », ce qui montre bien que notre ville est en souffrance. À notre niveau, nous avons mis en place un dispositif de réussite éducative (DRE).
« Le DRE est un outil intéressant pour aider les enfants en décrochage scolaire »
En quoi consiste-t-il ?
Le DRE est destiné aux enfants âgés de 2 à 16 ans des quartiers prioritaires, pour leur proposer des parcours individualisés. Il est financé par l’État et la collectivité, mais de plus en plus par la collectivité. C’est un outil intéressant pour aider les enfants en décrochage scolaire, notamment au niveau du collège, mais il intègre aussi les problématiques de soin et de santé. C’est un dispositif individualisé qui s’intéresse à la fois à l’enfant et à ses parents, qui sont eux aussi impliqués dans le parcours, notamment sur les questions de parentalité. Pour l’heure, le dispositif est maintenu mais la question est : jusqu’à quand ? Les collectivités ne pourront pas tout assumer seules, et la suppression de la taxe d’habitation ne va pas nous aider. Sur notre commune de 26 000 habitants, plus d’une centaine d’enfants bénéficient du DRE sur plusieurs années. Mais par exemple, lorsqu’un tiers de la ville était en Politique de la ville, toutes les écoles de ces quartiers pouvaient prétendre au DRE pour leurs élèves. Aujourd’hui on a perdu deux quartiers sur trois, on se retrouve à devoir refuser d’intégrer certains enfants parce qu’ils n’habitent pas dans la bonne rue. Comment, dès lors, faire la promotion de cet outil dans une école si ensuite vous devez sélectionner les parents en fonction de leur adresse ? Cela conduirait à en accepter certains et à en refuser d’autres, c’est illogique et pourtant, c’est un outil nécessaire.