Écoquartiers : Caen accélère lentement

Stéphane Menu
Écoquartiers : Caen accélère lentement

Ash tree, fraxinus

© visualpower - adobestock

Les végétaux vivent et meurent comme tous les organismes vivants, se renouvellent et forment ainsi un patrimoine. Sur la base de ce constat, la SEM Normandie Aménagement, la communauté urbaine Caen la mer et la ville de Fleury-sur-Orne ont décidé de développer un écoquartier à Fleury-sur-Orne. En plaçant les arbres avant les hommes…

Article précédemment publié le 3 septembre 2019

Bien sûr, l’endroit n’a pas été choisi au hasard. Les fondations de ce projet reposent sur l’histoire du site et les biotopes existants, grâce à des approches novatrices du paysage.

Les Hauts de l’Orne, aux arbres, citoyens !

Dans quinze ans environ, quand les habitants auront fini de rejoindre les 1 800 logements (75 % en accession, 25 % en logements sociaux) de l’écoquartier, les arbres seront là, bien enracinés depuis le début de cette histoire. Car une pépinière était déjà en place dès le début de l’année 2018 et produisait ainsi les végétaux de la ZAC. Là est l’idée de génie des promoteurs de ce projet : inverser la tendance, mettre du vert avant des hommes, leurs activités, et leurs équipements. Cela prendra plus de temps, c’est certain, mais au moins l’écoquartier reposera sur du solide, de l’authentique !

1 500 arbres monumentaux ont été plantés dans le quartier début 2018 et auront bien grandi dans les dix prochaines années

Conçu avec l’agence d’urbanisme TER, Grand prix de l’urbanisme en 2018, l’écoquartier des Hauts de l’Orne s’étendra sur 48 hectares, dont 15 hectares d’espaces verts et 2,5 d’étangs. TER a bâti sa solide réputation sur le verdissement des projets qu’il porte, et notamment à travers le concept original de l’implantation de grands arbres dans ses programmes d’écoquartiers. Mais où trouver les arbres en question ? Certainement pas en allant les déraciner à des kilomètres ! Ce temps est révolu… D’où l’idée d’implanter directement une pépinière dans le quartier. Au final, 1 500 arbres monumentaux ont donc été plantés dans le quartier début 2018 et auront bien grandi dans les dix prochaines années, sans oublier les 25 000 plantes et arbustes complémentaires qui donneront à cet écoquartier son substrat environnemental. Douze espèces protégées y auront même trouvé un havre de paix, chauves-souris, grand rhinolophe, grand murin, murin à oreilles échancrées, lézard des murailles etc. Autant d’espèces inconnues qui se recroiseront régulièrement et les humains qui les rejoindront ne feront qu’intégrer l’écosystème dans une visée de préservation de la biodiversité…

Reconstruire la ville dans la ville

Chiffre saisissant de l’Observatoire national de la biodiversité : tous les dix ans, l’équivalent en terres agricoles d’un département disparaît au profit de l’étalement urbain. Face à ce constat, le promoteur immobilier Sedelka-Europrom a trouvé un terrain d’entente avec certaines communes, comme à Caen, Rouen ou Le Havre. Plusieurs chantiers sont menés dont le plus emblématique se trouve sur la presqu’île de Caen : la résidence Norway, qui accueillera 57 logements, du T1 au T5, en lieu et place d’une friche industrielle. « Reconstruire la ville dans la ville est une question de responsabilité », assure Malek Rezgui, président de Sedelka-Europrom. « Au-delà même du fait que l’on réhabilite certains bâtiments laissés à l’abandon, on doit aussi s’interroger sur l’étalement urbain. Des solutions immobilières existent, il nous revient donc d’innover et de proposer des alternatives aux municipalités. Car les terres agricoles qui disparaissent ne sont pas remplacées et la population ne cesse de croître, on peut vite se retrouver dans une situation ubuesque ». De plus en plus de villes font le choix de la reconversion d’anciens bâtiments ou friches en nouveaux programmes immobiliers, comme à Marseille, où un nouveau projet immobilier a été lancé à l’est de la ville. Composé de 223 logements, ce dernier constitue le second volet de la reconversion immobilière du site de l’usine Somefor.

« Que pouvons-nous espérer de mieux… »

La SEM Normandie Aménagement s’est très investie sur ce projet, emportant l’adhésion des autres partenaires (établissement public foncier, Safer, communauté urbaine, ville…). La SEM entend faire de la pépinière un lieu de concertation sur le futur écoquartier, à l’instar de ce qu’elle a déjà fait pour la Grande Halle de Colombelles sur la ZAC du Campus de Caen. « Que pouvons-nous espérer de mieux, lorsque l’on a décidé de venir habiter un écoquartier situé à proximité de la ville centre, desservi par les transports en commun, doté des voies de circulation douce. Et lorsque la végétation qui animera cet espace de 90 hectares est présente lors du démarrage de l’opération, on ne peut que s’approprier le projet avec passion. Voir les arbustes et les arbres pousser auprès de son habitat et venir végétaliser les espaces publics permettra aux futurs habitants d’imaginer leur cadre de vie », se réjouit Michel Patard-Legendre, vice-président en charge de l’Habitat à la communauté urbaine de Caen la Mer.

Tous les dix ans, l’équivalent en terres agricoles d’un département disparaît au profit de l’étalement urbain

Insistant sur la singularité de « ce projet écoresponsable », il assure qu’il s’agit d’une « des réponses aux attentes de renouveau du logement avec la participation des habitants ». Et une piste à explorer pour d’autres collectivités soucieuses de marier attractivité économique et responsabilité environnementale.

Prendre le temps d’enraciner l’écosystème

Car il faudra bien être inventif à l’heure où le réchauffement climatique pose ses conditions caniculaires un peu plus que prévu. Les villes étouffent, du nord au sud, les pouvoirs publics sont sommés de réagir… Le futur quartier des Hauts de l’Orne à Fleury-sur-Orne avance avec ses certitudes. Il a commencé son implantation entre la route d’Harcourt, le futur centre de maintenance du tramway et Ifs, derrière le magasin Ikea. Le premier bâtiment « La Panacée » est sorti de terre il y a quelques mois, le long de la route d’Harcourt. Ce bâtiment référentiel accueillera de l’activité tertiaire avec des bureaux ainsi qu’un pôle de santé où médecins, kinés et infirmiers se sont installés. « C’est un projet structurant pour tout le sud de l’agglomération », se réjouit, le maire de Fleury-sur-Orne, Marc Lecerf.

Lentement mais sûrement, cet écoquartier va s’installer dans le paysage normand

Les 1 800 logements seront donc livrés progressivement jusqu’en 2033, soit en 15 ans sur le planning prévisionnel. « Au final, cela représente environ une centaine de logements par an », précise Marc Lecerf. D’ici 2021, près de 250 logements seront ainsi habités. Quatre promoteurs ont prévu des programmes figurant dans la première tranche (2018-2021) entre la route d’Harcourt et le stade de Fleury-sur-Orne. Les travaux des deux projets immobiliers portés par la Safaur et Edifidès ont été lancés. La livraison est, elle, attendue pour la fin 2019-début 2020. Le projet d’habitat social et intergénérationnel porté par Caen la mer habitat concernera 30 logements collectifs et intermédiaires. Les résidents devraient pouvoir s’y installer fin 2020. Lentement mais sûrement, cet écoquartier va s’installer dans le paysage normand. Et donner certainement des idées à des édiles qui doivent désormais agir concrètement face au réchauffement climatique…

506 écoquartiers lancés depuis 2006

C’est la dernière labellisation officielle. En 2017, la cinquième campagne de labellisation des écoquartiers a valorisé 147 projets, à différentes étapes d’avancement. 84 le sont à l’Étape 1, celle du projet, tandis que les écoquartiers labellisés Étape 2 (en chantier) sont 44, dont 30 en renouvellement urbain et 19 en territoires ruraux. On en trouve 14 en Étape 3, à savoir livrés, et 5 en Étape 4, donc trois ans après la livraison de l’écoquartier. On suppose depuis qu’entre 2018 et 2019, ces chiffres ont évolué. Ce label permet de mesurer comment la collectivité tient ses engagements dans le temps, et la manière dont les usagers se sont approprié les aménagements. Ces cinq écoquartiers sont aux Mureaux (Yvelines), à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), Longvic (Côte-d’Or), La Rivière (Isère) et Saint-Pierre à La Réunion. Depuis le lancement des écoquartiers en France en 2005, 506 projets sont en cours ou réalisés, ce qui représente près de 175 000 logements. En 2016, 31 écoquartiers avaient bénéficié du nouveau label.

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