Éditorial : il faut changer notre rapport au vivant

Éditorial : il faut changer notre rapport au vivant

© Adobestock

Conséquence de décennies d'insouciances et de lâcheté, l'effondrement du vivant nous appelle à faire d'urgence autrement. Notre regard doit changer. Mais rien ne se fera sans une solide mise à jour de nos connaissances.

La condamnation de la France par la Cour de justice de l’Union européenne pour avoir provisoirement réautorisé les néonicotinoïdes en dit long sur notre rapport collectif à un élément crucial de nos trajectoires environnementales, et pourtant souvent grand oublié de discours politiques : le vivant.

Nous savons

Où en sommes-nous ? Là où nous n’avons jamais accumulé autant de connaissances sur les conséquences de notre folle course aux profits sur la biodiversité, mais où nous continuons toujours à sacrifier le vivant en feignant de croire que ça n’aura pas de suites sur l’humanité elle-même.

Nous connaissons l’immense toxicité de ces insecticides et les ravages qu’ils causent chez les animaux, mais aussi chez l’être humain

L’affaire des néonicotinoïdes est emblématique. Nous avons cédé à l’industrie betteravière, comme nous avons cédé hier à l’agro-industrie bananière sur le chlordécone. Pourtant, nous savons. Nous connaissons l’immense toxicité de ces insecticides et les ravages qu’ils causent chez les animaux, mais aussi chez l’être humain, dont le corps porte des traces dès la naissance. Nous savons que ces produits imprègnent durablement les sols où pousse ce que nous mangeons et où coule l’eau que nous buvons. Surtout, nous savons qu’ils font mourir les pollinisateurs et les oiseaux. Et nous connaissons aussi les formidables mécaniques du vivant, combien chaque élément animal et végétal est essentiel à l’équilibre de la biodiversité, et comment d’apparemment « petites » disparitions entraînent les réactions en chaîne d’effondrement du vivant. Tout cela est scientifiquement documenté, débattu, prouvé.

La machine infernale

Pourtant, les intérêts économiques, les lobbies, l’empathie pour les affaires, l’oreille des puissants… continuent de l’emporter. Les pesticides, comme dans bien d’autres coutumes, sont pratiques et efficaces (donc rentables) : pourquoi se fatiguerait-on à trouver des alternatives ? Bref, tout contribue à sacrifier le vivant. Encore et toujours…

Fonctionnaires, élus et citoyens doivent être dotés de ce corpus scientifique indispensable à la compréhension et, donc, à l’action

Les collectivités locales n’échappent pas à cette machine infernale : pendant des décennies, les maires, les présidents d’intercommunalité ont contribué à l’effondrement du vivant. On a artificialisé les sols, tout fait pour la voiture, détruit des haies, multiplié les zones d’aménagement concerté et les lotissements… Le développement, l’emploi, le logement, la route… avant tout.

Il est plus que jamais temps de mettre le vivant, sa préservation et sa rénovation, au cœur des politiques de transition, et des politiques publiques en général. Et, comme pour l’ensemble des questions climatiques, cela passe par une acculturation collective aux enjeux de la biodiversité, du fonctionnement du monde animal et végétal, de ses interactions et de son rôle indispensable dans la survie humaine. Fonctionnaires, élus et citoyens doivent être dotés de ce corpus scientifique indispensable à la compréhension et, donc, à l’action. L’heure est au changement radical de nos pensées et de nos actes.

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