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La réforme des retraite nous confronte à un défi collectif qu'il faudra bien relever. Si l'on veut financer les services publics et une transition climatique juste, il nous faudra bien décider d'un autre partage des richesses.
Le débat sur les retraites est un débat idéologique. Un choix de société.
Il y a une alternative
Les libéraux considèrent, encore et toujours, qu’une société se porte d’autant mieux que ses impôts sont faibles, que la priorité est à l’aide aux entreprises et à la promotion de l’enrichissement individuel. Du « reaganisme » au ruissellement, rien de vraiment nouveau depuis cinquante ans. Pour les retraites donc, s’il faut trouver de l’argent (ce qui reste à prouver), ce ne peut jamais être dans la poche des forces économiques, quels que soient les profits.
En face, la parole d’une part importante des Français (visible sur les pancartes des manifestants, qui sont toujours une utile prise de pouls de la société), affirme un renouveau d’une alternative, qui fut autrefois celle de la sociale démocratie (ou de la gauche). Elle dit clairement sa volonté d’un autre rapport au travail, de la répartition des richesses, d’égalité, de la place des services publics.
Ce que les tenants de la fin de l’histoire continuent de prendre pour un vieux clivage est en réalité une opposition bien vivante de projet de société. C’est une bonne nouvelle, puisque n’en déplaise à tous les Thatcher, il y a une alternative.
Ce que les tenants de la fin de l’histoire continuent de prendre pour un vieux clivage est en réalité une opposition bien vivante de projet de société
Une mise en commun pour financer la transition
Mais tout cela est impacté par un nouvel élément: le climat. Depuis la révolution industrielle, les libéraux et la gauche s’affrontent, mais sur des bases communes: une société de la production et de l’extraction, qui fait de l’exploitation croissante des ressources de la terre l’alpha et l’oméga de la vie humaine. Ce temps est terminé. La marche forcée vers la décarbonation commande de prendre des décisions urgentes, courageuses, radicales, qui posent de manière nouvelle le débat libéralisme/protection. Avec un axiome: les populations les plus précaires, en France comme sur la planète, sont à la fois celles qui paieront (et paient déjà) le prix le plus lourd à l’inaction et qui ont le moins d’argent à consacrer au changement. Elles n’ont pas les moyens d’affronter les conséquences du bouleversement climatique, mais encore moins ceux de financer les changements structurels imposés par la décarbonation. Pas les moyens de changer de véhicule, pas les moyens d’isoler leur logement, de prendre davantage le train, de manger mieux et plus vertueux, de se chauffer décarboné... la liste est longue.
Disons-le, les sommes colossales qu’il faut dès maintenant consacrer au changement de notre modèle de vie sont incompatibles avec le ruissellement. C’est aujourd’hui l’heure des choix. Nous pouvons continuer à laisser l’argent où il est et faire semblant de croire qu’il ruissellera. Nous pouvons aussi mettre pour de bon sur la table les enjeux et les risques que l’humanité doit affronter et décider ensemble que le formidable mouvement vers la décarbonation doit être aussi celui d’un retour des services publics de l’éducation, de la santé, des transports, de la culture, de l’environnement... Décider que cette mise en commun doit financer par chacun selon ses moyens, pour que chacun ait selon ses besoins. Nous aurons alors choisi d’affronter la réalité.