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Bien avant le projet de loi sur les énergies renouvelables, les anti-éoliennes se déchaînaient déjà. Au nom des paysages et du patrimoine, vaste escroquerie intellectuelle, le poujadisme anti climatique donnait déjà de la voix. Il est pourtant temps de retourner la situation. Et de faire de la place pour proposer aux Français une autre et belle vision de notre passé et surtout de l’avenir.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le Giec, l’a clairement montré, nous le savons, nous n’avons pas le choix : le développement massif des énergies renouvelables (ENR) est une condition absolue de la tenue de nos objectifs de décarbonation. C’est d’ailleurs sur ce principe que le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’ENR a été voulu. Au-delà des arbitrages auxquels seront parvenus parlementaires et gouvernement sur ce texte, le débat public nous interroge sur notre capacité à sortir réellement d’un système énergétique qui repose encore à 80 % sur des énergies fossiles, nucléaire compris.
Une croisade irrationnelle
Ils sont en effet nombreux, du Figaro à Marine Le Pen, de la droite sénatoriale à Stéphane Bern, à avoir construit depuis des années une détestation pathologique des éoliennes et, partant, à refuser presque en bloc les énergies renouvelables. Notamment à partir d’un seul et même argument: les éoliennes, c’est la mort du paysage.
Il y a contre les éoliennes un syndrome poujadiste qui dépasse largement l’enjeu énergétique
Cette croisade contre la défiguration de nos campagnes et de nos côtes par les éoliennes n’a évidemment rien de rationnelle et, malgré les discours des intéressés, rien d’écologique non plus. L’idée qu’on défendrait un patrimoine paysager mis en danger par la multiplication des éoliennes a même tout de l’escroquerie intellectuelle. Car comment prétendre défendre les milieux naturels quand on ne s’oppose jamais (qu’on encourage, en vrai) l’agriculture extensive, l’utilisation des pesticides, les élevages-usines, les entrepôts géants, les rocades et autoroutes, le modèle de la maison individuelle... Les anti-éolien sont aussi ceux qui défendent une très mythifiée réindustrialisation de la France, dont on voit mal comment elle se passerait de la construction de nouvelles usines sur le sacro-saint patrimoine paysager. Car chez eux, l’emploi l’emporte sur tout : environnement, biodiversité et, surprise, souvent paysage. On n’a d’ailleurs jamais vu ces anti-ENR quand les stations de sport d’hiver ont ravagé nos montagnes et les ports de plaisance...
Tourner le dos au productivisme
Le plus grave est qu’il y a contre les éoliennes la marque d’un syndrome poujadiste qui dépasse largement l’enjeu énergétique et qui handicape lourdement notre capacité à affronter les enjeux climatiques. Une bonne partie de notre classe politique en est encore à vouloir à tout prix ne pas fâcher les électeurs et donc à ne pas leur dire qu’il faudra de toute façon changer nos modes de vie pour une société qui tournera le dos au productivisme hérité de la révolution industrielle, et donc aux énergies fossiles. Et donc au nucléaire.
Outre qu’il sous-estime gravement la volonté et la capacité d’adaptation d’un peuple qu’on est si prompt à invoquer, ce conservatisme nous empêche de proposer aux Français une autre et belle vision de l’avenir, qui nous engage résolument dans une évolution décarbonée de nos modes de vie, et vers davantage de justice économique, sociale et climatique. Si seulement nous pouvions mettre autant d’énergie collective à travailler sur les transitions qu’à défendre le passé...