Editorial : les politiques d’austérité se payent en vies humaines

Nicolas Braemer

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Editorial : les politiques d’austérité se payent en vies humaines

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L’incapacité de l’État à répondre à la crise sanitaire vient de loin. Méticuleusement, on l’a depuis des décennies, privé de ses moyens d’agir. Quand la crise frappe, ça fait mal. Ça coûte en vies, en emplois, et demain en capital démocratique.

La pandémie laisse décidément à nu le squelette qu’est devenu l’État. Loin de le rendre plus efficace, éternelle antienne des libéraux, les cures d’austérité, les coupes budgétaires incessantes, les privatisations (sous couvert de délégations) de services, les multiples avatars de Revue générale des politiques publiques… ont laissé une administration exsangue, incapable de réagir quand une crise majeure se déclenche. On frémit en pensant aux futures crises, sanitaires, sociales ou (pourquoi pas ?) militaires, que le bouleversement climatique nous promet.

Des administrations à l’os

Regardons un peu les ARS. Ces Ovni bureaucratiques ont été créés non pas pour organiser l’offre de soins sur les territoires, mais pour mener à bien les coupes budgétaires conformément à l’idéologie libérale qu’on était trop bien soignés en France, et pour beaucoup trop cher. Pas étonnant que lorsque la pandémie est arrivée, les ARS aient été incapables de faire face, incapables même d’obtenir les masques que les collectivités ont réussi à commander ou faire fabriquer sans tant de difficultés.

L’austérité se paye aussi en faillite démocratique

Regardons un peu les Dirrecte. Ces administrations déconcentrées ont été depuis des années privées de budgets, démembrées au profit des régions, vidées de leurs personnels les plus compétents (on me disait récemment que la direction avait perdu les trois quarts de ses agents en quelques années dans la région Rhône-Alpes). Pas étonnant que lorsqu’il s’est agi de venir massivement en aide aux entreprises frappées de plein fouet par le premier confinement, elles n’avaient ni la connaissance fine du terrain économique, pourtant si indispensable, ni le personnel nécessaire à une action rapide et efficace.

Aide alimentaire au 21e siècle

Ces exemples existent partout. La donne hospitalière est différente de celle des administrations d’État, centrales ou déconcentrées, mais partout, les conséquences sont les mêmes : des milliers de personnes, souvent les plus fragiles, précarisées dans leur santé et leurs moyens d’existence. L’impossibilité de tenir la promesse républicaine de la protection des plus faibles et de l’égalité de traitement. Les politiques d’austérité se payent en vies humaines.

Pas étonnant que lorsque la pandémie est arrivée, les ARS aient été incapables de faire face

Dans ces conditions, on peut, certes, s’estimer heureux que les collectivités aient été en mesure de prendre le relais. Pour les masques, on l’a dit, pour l’aide aux entreprises, mais aussi, et avec les associations (heureusement qu’elles sont là elles aussi malgré les coupes budgétaires et la fin des emplois aidés), pour apporter une aide alimentaire (si, si, en France, au 21e siècle !) d’urgence à des dizaines de milliers de familles. Et que dire de ce que permet cette faillite d’État aux populistes, qui tentent de se faire un capital politique et électoral en poussant leur région, dont ce n’est pas la compétence, à organiser des campagnes de distribution de masques, des campagnes de tests ou de vaccination. L’austérité se paye aussi en faillite démocratique. u

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