地盤沈下
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La Seine-Saint-Denis était l’un des départements les plus riches de France. En 30 ans la, il est devenu le plus pauvre en métropole. Comment expliquer cette chute, sinon en constatant un abandon.
Dans mon précédent éditorial, je parlais de la tribune des maires réclamant des mesures spécifiques pour les quartiers et j’insistais sur le prix qu’avaient payé à la crise leurs habitantes et leurs habitants.
Bon dernier
Mais en préparant ce numéro, je suis tombé sur une statistique de l’Insee www.insee.fr/fr/statistiques/4965285 qui m’a laissé pantois. En 1984, le revenu fiscal moyen des habitants de Seine-Saint-Denis était supérieur à la moyenne nationale. Et de beaucoup puisque sur un indice plaçant cette moyenne nationale à 100, le département se situait à 105,1 – ce qui le plaçait au 6e rang national.
Trente-quatre ans après, la Seine-Saint-Denis est tombée de la 6e à la 96e place pour le revenu de ses habitants
Déjà, habitués que nous sommes à la discrimination spatiale, nous avons du mal à croire à une Seine-Saint-Denis aussi bien placée à l’époque. Mais c’est le chiffre d’aujourd’hui qui donne le vertige : trente-quatre ans après, toujours par rapport à une moyenne nationale à 100, le revenu moyen des habitants de ce département est tombé à moins de 75, le faisant dégringoler de la 6e à la 96e place. Bon dernier en France métropolitaine donc.
Nous les avons abandonné.e.s
La Seine-Saint-Denis est le seul département urbain à subir un tel choc. Je me méfie des explications rapides, mais il me semble que cette dégringolade tient à la fois à la fuite des foyers les plus riches vers d’autres cieux, à l’installation de populations beaucoup plus pauvres, et à une précarisation massive des familles qui sont restées là. Surtout, ils disent la violence avec laquelle la République a laissé tomber les habitantes et habitants de ce territoire.
Il reste désormais à le reconnaître collectivement et à faire quelque chose
Une telle chute ne s’explique que parce que, au sommet de la construction administrative d’État dont la France paraît si fière, des fonctionnaires, des politiques, des ministres, des présidents... mais aussi des chefs d’entreprise, des actionnaires, des patrimoines... ont décidé que celles et ceux qui vivent dans ce territoire ne valaient pas la peine que s’exercent pour elles et eux l’égalité républicaine, la justice sociale, la solidarité nationale, l’égalité devant les services publics, l’Éducation nationale. Mal-logement, chômage massif, discrimination quotidienne, pauvreté, carence de service public... la vérité est là, crue et violente : la République les a abandonnés, la France les a abandonnés, nous les avons abandonnés.
Faire quelque chose
Il reste désormais à le reconnaître collectivement et à faire quelque chose. Difficile d’inventer seul dans son coin une solution qui échappe à tant de monde depuis si longtemps. Mais il me semble qu’elle passe au moins par un choc inversement propositionnel à ce que le 93 a subi en trente ans. Et par une politique fiscale qui, enfin, cesse de privilégier toujours les plus riches aux dépens de ceux qui n’ont rien. C’est une affaire morale et républicaine.