526-parentalite-AdobeStock_22905622
Matthias Doepke et Fabrizio Zilibotti rappellent, d’abord, l’utilité de la science économique pour saisir les évolutions familiales. Comportements de fécondité et taille des ménages ne procèdent pas uniquement de l’amour et du hasard. Ils résultent de conditions, de préférence et d’incitations économiques. Doepke et Zilibotti s’inscrivent explicitement dans le sillon tracé par le prix Nobel d’économie Gary Becker, un libéral spécialiste du capital humain.
La parentalité dans toutes ses inégalités
Les auteurs, qui insistent beaucoup sur leurs propres expériences en tant qu’enfants et maintenant en tant que parents, traitent de parentalité.
Les façons d’être parents ont considérablement varié. Les descendants des parents permissifs des années 1970 sont devenus plus autoritaires et exigeants. Ils s’adaptent ainsi à un environnement plus inégalitaire.
Les hippies ont produit ces « mères tigres » et « parents hélicoptères » qui supervisent étroitement un nombre d’enfants plus réduit. Les variations internationales sont cependant colossales. Partout les parents veulent faire aux mieux. Mais, ce qui est vu comme presque sadique ici, est considéré comme nécessaire là-bas.
Plus que le niveau de développement d’un pays, ce sont le niveau d’inégalité et la structuration du système éducatif qui expliquent les styles parentaux
En Scandinavie, en Suisse, aux Pays-Bas (où vivent les « enfants les plus heureux du monde »), imagination et indépendance sont valorisées. Stress et anxiété sont rejetés comme fléaux (les notations ne commencent en Suède qu’à 13 ans).
En Chine, aux États-Unis, en France, la compétition prévaut. Là, il convient de « travailler dur » ; ici, de s’épanouir. Plus que le niveau de développement d’un pays, ce sont le niveau d’inégalité et la structuration du système éducatif qui expliquent les styles parentaux. La France connaît, certes, des inégalités relativement faibles, mais son enseignement très vertical et son culte du diplôme induisent des sollicitations parentales très élevées, incarnées dans « une parentalité plus intensive ».
Nécessité de l’investissement social
Avec des anecdotes éclairantes et des calculs simples Doepke et Zilibotti donnent à mieux comprendre l’« enfant roi » occidental ou le « petit empereur » chinois, tout comme la matrice des inégalités scolaires et sociales. Un formidable ouvrage, qui refuse explicitement l’étiquette du « guide du bon parent », mais qui permet certainement aux parents (et aux enfants) de saisir ce qui se passe.
Les pays occidentaux voient leurs classes moyennes s’étioler et une certaine « guerre des parentalités » s’accentuer
Avec une orientation très « investissement social », consistant à soutenir des programmes de dépenses précoces pour assurer un minimum d’égalité d’opportunité. Le tout dans une optique optimiste, sinon pour les pays occidentaux qui voient leurs classes moyennes s’étioler et une certaine « guerre des parentalités » s’accentuer, mais pour des parents, dans le monde entier, qui consacreront moins de temps à travailler et davantage aux relations savoureuses avec leurs enfants. Un ouvrage extrêmement utile et agréable à lire. À traduire d’urgence !
EXTRAITS
« Le psychologue s’intéresse à l’impact des types de parentalité sur les enfants. L’économiste s’intéresse à l’impact de l’environnement économique sur les types de parentalité. »
« L’inégalité est un déterminant clé du choix entre une parentalité plus permissive ou plus intensive. Ceci ne se vérifie pas forcément dans chaque pays, mais en comparant les nations. »
« Les parents étaient relax, ils sont aujourd’hui frénétiques. Dans un contexte d’érosion des classes moyennes, cette frénésie n’est pas appelée à freiner. »
Matthias Doepke, Fabrizio Zilibotti, Love, Money & Parenting. How Economics Explains the Way We Raise Our Kids, Princeton University Press, 2019, 367 pages