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Il est faux de laisser entendre que Nicolas Sarkozy et François Hollande se sont détournés des enjeux de la FPT : de la RGPP sarkozyste au réformisme effréné hollandais, ils ont, bien au contraire, fait beaucoup. « Les réformes initiées depuis 2010 ont mêlé évolution institutionnelle et qualité du service public. C’est un cocktail dangereux. Mettez-vous à la place des agents de mairie qui, depuis quarante ans, ont le sentiment de bien faire leur travail. D’un seul coup, les mutualisations modifient la donne. On les rassure, on leur dit que leur travail ne va pas changer, mais c’est faux. La hiérarchie évolue, le temps de la décision s’allonge. La sortie du millefeuille institutionnel se traduit par une complexification des circuits décisionnels qui obligent – délicieux paradoxe – à créer des syndicats mixtes pour conforter une instance fonctionnelle et opérationnelle. Allons au bout de la simplification : si la région est la super-collectivité, donnons-lui les moyens d’agir », affirme Martine Poirot, DGS de la communauté de commune du Bassin de Pompey.
« Mettez-vous à la place des agents de mairie qui, depuis quarante ans, ont le sentiment de bien faire leur travail. D’un seul coup, les mutualisations changent la donne. »
François Hollande, orfèvre de la synthèse, ne serait donc pas allé au bout de la logique qui prévaut à Bruxelles : région-métropoles-intercos… Les départementalistes bougent encore. « Avec le renforcement de l’axe région-métropole, on peut supposer que l’on va dans le bon sens. Nous disposons désormais de régions dont la taille autorise à penser qu’elles peuvent rayonner à l’international. Mais ce mouvement prendra du temps, notamment dans l’allocation définitive des moyens financiers aux régions. Le temps presse et les citoyens n’y comprennent rien », ajoute Isabelle Morel, directrice bien-être, action sociale et dialogue social à la région Ile-de-France.
Trois textes en cinq ans
• La loi Maptam, 27 janvier 2014, rétablit la clause générale de compétence pour les régions et départements.
• La loi du 16 janvier 2015 : 13 régions créées par regroupement.
• La loi Notre, 7 août 2015 : de nouvelles compétences aux régions et une redéfinition claire des compétences des collectivités.
En revenir au bassin de vie
Mathias Trogrlic, DGS de Chambly, considère que les réformes ont été plus « subies que désirées. Au final, elles ont apporté plus de complexité que de simplification. Les métropoles ne sont pas assumées, les départements sont toujours là. Dominique Voynet a toujours dit : c’est le projet qui fait le territoire, pas le contraire. Le législateur a confié aux préfets le soin de recomposer la carte institutionnelle du pays avec pour seul critère, ou presque, les seuils démographiques. Personne n’a parlé de bassin de vie ou de territoire cohérent. Ça technocratise encore plus la FPT ! », tonne-t-il. La réduction du nombre des communes va dans le bon sens, poursuit-il. « Le maire est l’élu le plus pragmatique. Il a compris que le maintien de la qualité des services dépendait de la logique des mutualisations. Ce qu’il veut, c’est garder sa restauration scolaire, en favorisant les circuits courts avec les agriculteurs. Et ce type de chantier, il ne peut plus le mener seul. Ça y est, l’interco est enfin à la mode ! ».
« Pourquoi ne pas rester ce que nous sommes ? Pourquoi imposer d’en haut des schémas qui se construiraient mieux à l’échelle du territoire ? ».
La fédéralisation institutionnelle avance-t-elle masquée ? « Pourquoi ne pas rester ce que nous sommes ? D’une région à l’autre, les collectivités ne coopèrent pas de la même manière, parce que les enjeux sont différents en Lozère et à Marseille. Pourquoi imposer d’en haut des schémas qui se construiraient mieux à l’échelle du territoire ? ». Pour Frédéric Pin, DGS de la communauté d’agglomération Porte de l’Isère, « il faut aller au bout de la simplification du mille-feuille territorial ». Et combler très vite « le retrait de l’État en matière d’ingénierie dans les territoires ruraux. Avant, le maire d’un village discutait directement avec le directeur de la DDE pour savoir comment construire une route. La coopération entre collectivités doit redevenir la logique. Les collectivités se sont repliées sur elles-mêmes alors qu’il faut réinventer un référent culturel que les réformes ont complètement ébranlé », conclut-il.
TÉMOIGNAGES
Mathias Trogrlic, DGS de Chambly
« Lancer la réforme fiscale, vite »
« La réforme de la fiscalité locale est très attendue parce que le problème n’est pas réglé depuis la disparition de la taxe professionnelle. Le seul levier pour les élus, ce sont les impôts locaux. Ils sursaturent leur commune de construction de logements, qui ne règlent d’ailleurs pas le problème du mal-logement en France, dans le seul espoir de récupérer de la taxe foncière. L’autre dossier majeur reste bien sûr la révision des valeurs locatives. Les inégalités ont trop perduré. »
Nicolas Laroche, délégué général du Forum des villes et des collectivités territoriales
« Le pacte fiscal reste à définir »
« La problématique du financement des collectivités n’est pas abordée dans cette campagne présidentielle. La prévision budgétaire d’une année sur l’autre devient de plus en plus compliquée. Les impôts directs restent généralement stables dans le temps. C’est donc essentiellement une réforme de la DGF – un temps évoquée mais remise à… 2018 – qu’il faut. Que dira le futur président à ce sujet-là ? Une stabilisation du montant des dotations sur deux à trois ans ? L’ouverture du chantier de la réforme de la DGF, pour la rendre plus juste ? Le pacte fiscal reste donc à définir. Reste enfin la révision des valeurs cadastrales. Cette réforme s’impose tant les valeurs locatives à partir desquelles sont déterminés nos impôts locaux sont obsolètes, datant de 1970. Des expérimentations sont en cours. Iront-elles au bout ? »