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Bruno Coquet, Un avenir pour l’emploi. Sortir de l’économie administrée, Odile Jacob, 2017, 153 pages, 19,90 €
Le livre de Bruno Coquet tombe à point. Cette charge contre les politiques françaises de lutte contre le chômage vient alimenter et relativiser les débats autour de la nouvelle réforme annoncée du code du travail. Alimenter, car le signataire, apprécié à gauche comme à droite, compte parmi les économistes « think-tankers » sérieux. Relativiser, car il souligne les insuffisances de mesures limitées aux seuls salariés du privé. À un cocktail d’analyses bien senties s’ajoutent quelques préconisations fortes.
Inefficacité de 6 à 10 points de PIB
La plume bien trempée, qui fustige le « soviétisme » d’une économie administrée, signale que les politiques publiques consacrées à l’emploi absorbent au moins 6 % du PIB. Avec un taux de chômage qui n’a jamais été inférieur à 7,3 % depuis plus de trente ans, environ 2 millions de travailleurs pauvres et un sous-emploi massif. Peut mieux faire…
Dans une vision large, 10 % de PIB sont affectés, de différentes manières, à la lutte contre le chômage et au soutien à l’emploi.
Ces copieuses dépenses correspondent à l’assurance chômage (40 milliards d’euros), aux allégements de charges (33 milliards), la formation professionnelle (32 milliards), les dépenses socio-fiscales de type emplois aidés (20 milliards), le budget travail et emploi (13 milliards). On pourrait augmenter l’addition, jusqu’à 8 % du PIB, en intégrant CICE, Pacte de responsabilité et les soutiens aux services à la personne. Dans une acception plus large encore, la politique du logement et ses 40 milliards d’euros, qui entretiennent de puissants liens avec le marché du travail, pourraient venir grossir la note, pour aboutir à 10 % de PIB affectés, de différentes manières, à la lutte contre le chômage et au soutien à l’emploi. Coquet décrit un système dirigiste, mais sans réelle direction stratégique. Il plaide pour la désescalade, l’équité et la clarté.
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Fondre le statut de la fonction publique dans le code du travail
D’abord, le marché du travail, ce n’est pas uniquement le code du travail. 60 à 70 % des actifs en relèvent. 10 % sont indépendants. 20 à 30 %, selon les comptages, relèvent des différentes fonctions publiques et conventions collectives assimilables. Le tout dans une inégalité de statut et d’exposition au risque chômage. Une réforme véritablement structurelle consisterait à fondre le code de la fonction publique dans celui du travail.
Pour rendre de la clarté aux politiques et de la responsabilité aux individus, Coquet veut fusionner cotisations patronales et salariales.
Autre thème : les allégements de charges. Ils n’atteignent pas leurs objectifs, alors que 10 millions d’emplois sont maintenant subventionnés. Afin de rendre de la clarté aux politiques et de la responsabilité aux individus, Coquet veut fusionner les cotisations patronales dans les cotisations salariales. À part quelques charges restant directement à l’entreprise (pour les accidents du travail notamment), le salaire brut serait composé du net et de l’ensemble des cotisations à la charge du salarié. Celui-ci verrait bien que ce n’est pas le travail qui est coûteux mais la protection sociale.
Fin connaisseur de l’assurance-chômage, qui n’est pas si généreuse que cela, Coquet soutient un argument puissant. Le régime, pour sa seule fonction d’assurance, est en réalité excédentaire. Mais ses contributions à Pôle Emploi et des ponctions qui devraient peser sur le ministère de la Culture (les intermittents) creusent son déficit. En solution, l’assurance-chômage serait appelée à un redéploiement et une universalisation (ce que souhaite aussi Emmanuel Macron). L’expert fait fort. Sans technicité excessive, il balise des pistes qui ne sont pas forcément à suivre. Mais qui secouent le cocotier de politiques publiques assurément inefficientes.
Extraits
« Les 2 642 pages du code de la fonction publique n’ont rien à envier aux 3 280 pages du code du travail si souvent moquées. »
« Il ne s’agit évidemment pas d’être par principe opposé aux politiques publiques, mais seulement de changer l’usage systématique et intempestif qui en est fait. »
« La France était en 2015 le pays de l’Union européenne comptant le plus grand nombre de chômeurs, après l’Espagne et devant l’Italie. »