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© Alexandre - adobestock
Article initialement publié le 11 avril 2018
Le débat sur le retour à la consigne pourrait agiter les élus territoriaux et nationaux. Et pourtant, la question ne se pose même pas en Belgique, où les responsables envisagent même d’élargir ce principe et de ne pas le confiner simplement aux bouteilles en verre.
La « vidange » fait recette
Avec 87 % de taux de recyclage, les Belges se déclarent (selon le quotidien Le Soir du 14 février dernier) champions d’Europe du recyclage, loin devant les Français qui plafonnent à 70 %. Alors que la consigne a disparu dans les années 1980 dans l’Hexagone, elle est toujours en vigueur en Belgique. Les particuliers qui achètent de la bière, par exemple, paient une consigne – appelée « vidange » – et récupèrent la somme en rapportant les récipients. Le succès de ce système est tel qu’il donne à certains des envies de l’étendre à d’autres emballages.
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Cette idée est particulièrement portée en Flandre où une alliance hollando-flamande « pour la consigne » a vu le jour, qui regroupe d’importantes associations de consommateurs, des entreprises et une centaine de communes pour une mise en place d’un système de consigne pour les canettes de bière… mais aussi de toute autre boisson.
Quand la lasagne institutionnelle belgo-belge
complique les choses
La lasagne institutionnelle belgo-belge, c’est le terme utilisé par la Fédération inter-environnement Wallonie (iewonline.be) pour qualifier le système institutionnel belge. Car la consigne est aussi une affaire de langue : si les Flamands avancent, les Wallons chipotent. Et, pour la fédération, il serait impensable qu’une seule région adopte ce nouveau dispositif.
Chimay : La bière d’abbaye est devenue éternelle (enfin presque)
À Chimay, et dans beaucoup d’autres brasseries, 98 % des bouteilles émises en Belgique sont rapportées, lavées à haute pression, et réutilisées. On ne casse pas le verre pour le recycler, on le réemploie entre 20 et 30 fois. L’objectif est d’éviter de faire chauffer des fours à haute température, plus énergivores et donc plus coûteux et moins écologiques.
Au-delà de ce millefeuille territorial, les arguments des uns et des autres méritent l’attention :
- La réduction des déchets sauvages : du côté flamand, on affirme que les coûts de nettoyage s’élèveraient à 155 millions d’euros chaque année. En Wallonie, une estimation prudente les situe dans une fourchette de 40 à 80 millions d’euros. Selon l’office flamand des déchets, l’instauration de ce dispositif permettrait de réduire de 90 % la présence d’emballages consignés dans les déchets sauvages. Mais comment étudier l’impact d’une telle mesure quand on n’a pas de données fiables sur lesquelles s’appuyer ?
- Cela va coûter fort cher : la mise en œuvre d’un système de consigne en Belgique coûterait de 180 à 240 millions selon l’organisme chargé de la collecte et de la valorisation des déchets d’emballages ménagers. Un rapport de l’office flamand des déchets parle de 45 à 90 millions d’euros. Ce coût sera répercuté sur le consommateur, avertissent les industriels.
Les industriels ont mis sur la table 17 millions d’euros par an pour financer des campagnes de propreté en Flandre, à Bruxelles et en Wallonie
Les entreprises de la grande distribution et de l’alimentaire, justement, sont vent debout, craignant notamment de devoir supporter le coût des machines de récupération. Pour « contribuer » à l’effort collectif pour davantage de propreté, et soucieux aussi d’échapper à la consigne, les industriels ont sorti l’artillerie lourde dans le cadre d’une convention de six ans conclue avec les régions : ils ont mis sur la table 17 millions d’euros par an pour financer des campagnes de propreté en Flandre, à Bruxelles et en Wallonie.
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- Les effets pervers de l’extension : outre le fait que le collecteur perdra 50 % de ses recettes et verra son existence mise en péril, on évoque le risque que des sacs bleus (dédiés à la récupération des emballages) soient éventrés par des personnes cherchant à récupérer l’une ou l’autre canette qui s’y trouverait encore pour en tirer menue monnaie comme cela se passe aux États-Unis, et plus particulièrement à New York. On se demande enfin comment gérer les achats réalisés à l’étranger.
Une décision qui ne sera pas prise de sitôt
La ministre flamande de l’Environnement et son homologue wallon restent favorables à la consigne sur les canettes et certaines bouteilles en plastique. À Bruxelles, on n’a pas de religion et on réfléchit aussi à des projets pilotes, indique-t-on au cabinet de la ministre de l’Environnement selon le quotidien Le Soir.
À Bruxelles, on n’a pas de religion et on réfléchit aussi à des projets pilotes
Ce dossier apparaît aussi très régulièrement à la veille d’élections déterminantes pour ce type de décision et les prochaines municipales auront lieu en octobre 2018, suivies de près par les régionales qui seront regroupées en mai 2019. De là à penser que des politiques ont tenté de séduire des électeurs qui seraient aux deux tiers, selon des sondages, favorables à ce système, il n’y a qu’un pas à franchir. C’est sans doute le chemin de l’expérimentation qui devrait être pris dans les mois qui viennent pour tenter d’y voir plus clair.
Une problématique consommateur/contribuable finalement très simple
À la différence de La France, où le contribuable local finance une proportion importante de la « gestion » des déchets récupérables, la Belgique a opté depuis longtemps pour deux options différentes. Dans l’une, les consommateurs financent l’emballage récupérable en verre et l’entreprise investit pour la récupération, le nettoyage et la réutilisation de ce dernier. Dans l’autre, pour les canettes et les bouteilles en plastique, le système est comparable au nôtre. Mais les collectivités – notamment en Flandre – ne veulent plus lever l’impôt pour collecter ou recycler ces emballages.
L’importance des « contributions volontaires » des entreprises pour financer des campagnes de propreté montre que celles-ci ont bien senti le danger qui pèse sur leurs budgets si elles devaient… s’occuper de leurs emballages. Mais, heureusement, le consommateur sera toujours là pour les accompagner.
À SAVOIR
D’autres pays européens s’y mettent aussi !
Après l’Écosse, qui a sauté le pas à l’automne 2017 (la description du matériel utilisé et de la méthode est visible sur le site du concepteur), l’Angleterre étudie également un système « à la norvégienne » et la Lituanie y a recours depuis 2016. En Norvège, en effet, 97 % des bouteilles seraient recyclées grâce à la consigne où le système peut être automatisé. Interrogé à ce sujet, un Français récemment arrivé en Norvège décrit le processus : « Tout ce qui est bouteilles et canettes est « consigné ». C’est-à-dire que, quand tu achètes ta canette de bière, il y a 1 à 2,5 couronnes (10/25 centimes) qui payent l’emballage. Dans quasiment tous les supermarchés, il y a des machines électroniques dans lesquelles tu jettes ces canettes et bouteilles. En échange, la machine t’imprimes un bon d’achat égal au montant total des emballages consignés que tu viens de jeter. Tu le montres à la caisse quand tu fais tes courses et c’est déduit du coût total de tes achats. Certaines machines proposent même d’envoyer cet argent directement à une association caritative. »