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Trois « mastodontes » se détachent
Il revenait donc au préfet de la région Ile-de-France de lancer la révision de la carte intercommunale. Dans un entretien à La Gazette des communes, le 18 août, il avait annoncé la couleur : « L’État ne fera pas “petit bras” ». Promesse tenue.Le préfet avait annoncé la couleur : « L’État ne fera pas “petit bras” ».Sur les 94 EPCI du Val-d’Oise, de l’Essonne, des Yvelines et de Seine-et-Marne, 41 sont concernés par ce regroupement. Le 7 septembre dernier, le préfet a proposé de ramener les 41 EPCI à onze dans les zones urbaines denses.Immédiatement, trois « mastodontes » ont émergé, pour reprendre les termes du rapporteur général de la commission régionale de coopération intercommunale (CRCI), le maire SE de Limours, Jean-Raymond Hugonet.Des projets d’épousailles qui relèvent pour certains de mariages forcés et illogiques, même si le préfet a préféré d’emblée calmer le jeu, en laissant entendre qu’il s’agissait « d’une base de travail ».
Grande couronne pour Grand Paris
La proposition la plus audacieuse est sans doute celle qui consisterait à regrouper les intercos de Saclay, Saint-Quentin-en-Yvelines et Versailles dans un ensemble de 800 000 habitants, à cheval sur l’Essonne et les Yvelines.Dans l’Essonne, le futur « Grand Évry », de l’Arpajonnais jusqu’à Sénart et Corbeil-Essonnes, soit 530 000 habitants, risque fort, là aussi, de bousculer de vieux schémas historiques.Enfin, un Grand Roissy de 340 000 habitants engloberait des EPCI du Val-d’Oise et certaines communes de Seine-et-Marne, arrachées à des EPCI existants.41 des 94 EPCI du Val-d’Oise, de l’Essonne, des Yvelines et de Seine-et-Marne sont concernés par ce regroupement.Ce ne sont pas tant ces nouveaux périmètres qui suscitent les habituels réflexes défensifs des élus, mais leurs conséquences sur les marges de manœuvre fiscales, à l’heure où, pour les collectivités, un sou devient de plus en plus un sou(ci). Les édiles n’ont pas tardé à réagir.Dans l’Essonne, onze des dix-sept intercommunalités actuelles devraient passer de vie à trépas. Francis Chouat, qui s’est installé dans le fauteuil de l’ancien maire d’Évry – un certain Manuel Valls – et préside Évry Centre Essonne, se « félicite » de la hauteur des ambitions préfectorales : « Il n’y a pas de Grand Paris sans Grande couronne. Mais actuellement, elle n’est pas en mesure de porter des projets concrets […]. Ce plan lui permettrait de tenir son rang. »D’autres y voient au contraire un projet « mal ficelé » (Robin Reda, président de la CA des Portes de l’Essonne) ou « sans ligne directrice » (Laurent Sauerbach, président de la CA des Lacs de l’Essonne).Dans le Val-d’Oise, le Grand Roissy, fusionnant la CA de Roissy Porte de France avec celle de Val de France, auxquelles il faut ajouter dix-sept communes de Seine-et-Marne, promet quelques belles empoignades. Patrick Renaud, président de la CA Roissy Porte de France, y est favorable et réclame même un périmètre plus large.Mais du côté du Val de France et de son président Didier Vaillant, le Grand Roissy annoncé manquerait de coffre sans des communes de Seine-Saint-Denis (Le Bourget, Tremblay-en-France, etc.), promises au Grand Paris, et d’autres, moins riches (Villiers-le-Bel), dont la possible intégration suscite des pincements de nez.
Questions à la pelle
Dans les collectivités, DGS, DGA et agents s’interrogent notamment sur l’harmonisation des compétences actuellement dévolues à certaines intercos, mais pas à d’autres.Y aura-t-il un socle commun de compétences ? Certaines, comme la culture, pourraient retourner à l’échelle communale.Quid de la dette des intercos ? Dans l’Essonne, certaines sont plus ou moins dans le rouge, comme la CA de Saint-Quentin-en-Yvelines et ses 400 M€ de dettes. Les dettes seront-elles fusionnées ? Va-t-on inéluctablement vers une hausse significative des impôts ?DGS, DGA et agents s’interrogent sur l’harmonisation des compétences actuellement dévolues à certaines intercos.Enfin, les mois qui nous séparent de la date butoir du 1er janvier 2016 vont-ils vitrifier les projets en cours ? Ceux qui sont lancés ne peuvent plus être arrêtés ; ceux qui sont dans les cartons risquent d’y rester, ce qui peut servir les intérêts de certains édiles, soucieux de faire des économies.« La question fondamentale reste celle du périmètre de projet. Comment gérer la proximité dans un ensemble à 800 000 habitants ? Comment la révision de la carte intercommunale va-t-elle percuter les autres réformes institutionnelles en cours des départements et des régions ? s’interroge un DGS d’une ville de 10 000 habitants. Aujourd’hui, les maires stoppent tous les projets et attendent de savoir comment ils vont pouvoir gérer la proximité. »Un autre juge que « cette révision va poser des problèmes, mais elle s’impose. Sinon, des intercos à 80 000 habitants dans la petite couronne seraient promises à la disparition. »
La décentralisation, c’est fini ?
Face aux nombreuses demandes d’éclaircissements, le préfet devra faire preuve de réactivité car le calendrier est serré. Un débat d’orientation est prévu le 11 décembre, concluant un cycle de rencontres par secteurs géographiques, afin d’affiner une carte qui sera présentée le 28 février 2015.Hic supplémentaire : la possibilité pour 46 communes de la Grande couronne, normalement jusqu’au 15 novembre 2014, de rejoindre la métropole du Grand Paris et de quitter le navire des futurs mastodontes.Le Grand Paris et le redécoupage des intercos franciliennes sont pour le 1er janvier 2016.L’immense puzzle se met donc en place, mais la taille des pièces reste encore très ajustable. Pourtant, il est interdit de musarder en chemin : le Grand Paris, ainsi que le redécoupage des intercos franciliennes qui va avec, sont pour le 1er janvier 2016 !Un brin dépité, un DGS lâche : « C’est la fin de la décentralisation. L’État reprend la main, définitivement. Il lance son plan, fait mine de faire vivre le débat et tranchera à la fin, en lâchant un peu de lest pour satisfaire les plus résistants. La puissance émancipatrice de la décentralisation, de la proximité, c’est fini ! »