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Il s’agit là d’un vrai marqueur idéologique, de ceux qui, à de rares exceptions, figent une frontière étanche droite-gauche. La volonté de Manuel Valls de remettre en cause l’encadrement des loyers, pilier majeur de la loi Alur de Cécile Duflot, promesse de campagne de François Hollande ((Engagement 22 de campagne de François Hollande : « Dans les zones où les prix sont excessifs, je proposerai d’encadrer par la loi les montants des loyers lors de la première location ou à la relocation ».)), pour cause d’efficience déficiente, a entraîné une série de réactions en chaîne.
Après Aubry, Huchon
C’est Martine Aubry, de Lille, qui a demandé au Premier ministre de faire une exception pour sa ville, estimant que l’encadrement des loyers se justifiait au même titre que Paris.
En quête de soutiens à gauche, Valls s’est fait un plaisir de lui répondre par l’affirmative. La maire de Lille se réjouissant à son tour que cette mesure, « votée à l’unanimité de la gauche », ne soit pas enterrée aussi brutalement. À Lille, « nous avons le revenu fiscal par habitant le plus faible de toutes les grandes villes, nos loyers sont les deuxièmes en France, derrière Paris ; nous venons de passer devant Nice », précise-t-elle.
Jean-Paul Huchon et Emmanuelle Cosse ont écrit au Premier ministre pour que l’encadrement des loyers soit appliqué à toutes les communes de la petite couronne.
D’autres villes ou agglomérations, depuis, ont emboîté le pas. C’est le cas de Jean-Paul Huchon, un vallsien avéré qui, en sa qualité de président socialiste de la région Ile-de-France, a interpellé le Premier ministre, conjointement avec Emmanuelle Cosse, patronne d’Europe Ecologie-Les Verts et vice-présidente en charge du Logement au conseil régional. Les deux élus franciliens ont adressé une lettre au Premier ministre pour que l’encadrement des loyers soit appliqué à toutes les communes de la petite couronne (92, 93 et 94), où règne une « forte tension » sur les loyers et les prix.
Droite-gauche et quelques exceptions
Que vont faire les villes ? Pour l’heure, après les ralliements à l’exception « Aubry », les maires ont décidé… de ne pas décider. Des villes marquées très à gauche, comme Grenoble, Montreuil, Saint-Denis ou Ivry-sur-Seine, ont déjà déclaré leur intention d’appliquer le dispositif.
Pour l’heure, après les ralliements à l’exception « Aubry », les maires ont décidé… de ne pas décider.
À Lyon, comme souvent, le maire PS Gérard Collomb se tâte, craignant « un effet inverse à ce que l’on souhaite », une position similaire à celle de Jean-Claude Gaudin (Marseille) ou de Jean-Luc Moudenc (Toulouse), tous deux UMP. D’autres grandes villes de gauche, comme Rennes, ou de droite comme Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) y réfléchissent. Finalement, l’encadrement des loyers s’appliquera sur la base du volontariat des communes.
Crainte d’un bug en haut lieu
Il semblerait donc que les professionnels aient gagné la bataille, même si certains regrettent une loi appliquée à la carte. Ils ont réussi à se faire entendre dans les hauts lieux de décision face à la chute vertigineuse des mises en chantier de logements – 300 000 seulement sur les 12 derniers mois – et le risque de renforcer la frilosité des investisseurs.
De fait, Valls a reculé pour la simple et bonne raison qu’il craignait un bug monumental sur ce dossier. « Les conditions techniques ne sont pas réunies et ne le seront pas avant des mois, voire des années […]. C’est notamment le cas pour la collecte des données des loyers », expliquait-il dans une récente conférence de presse. « Une situation complexe qui génère trop d’incertitude pour les investisseurs », a tranché le Premier ministre.
Finalement, l’encadrement des loyers s’appliquera sur la base du volontariat des communes.
Dans l’attente, les loyers ne subiront donc pas de contraintes légales à leur augmentation, même si des garde-fous existent déjà. La crise du logement a atteint un tel niveau de confusion que la régulation par le marché reste une donnée incertaine. Dans les grandes villes, les biens disponibles sont parfois si rares que le prix reste le seul critère sélectif parmi les futurs locataires. Les biens accessibles resteront à l’extérieur des grands bassins de vie et d’emplois. Nous ne sommes pas près de sortir de la quadrature du cercle.